Tout sur Nafissatou Diallo, la tombeuse de DSK

Date:

Pour être édifié sur la véritable identité de Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel hôtel de New York, qui accuse l’ex-Dg du Fmi d’agression sexuelle, il faut se rendre au fin fond du Foutah, une région naturelle de Guinée. Un voyage effectué, jeudi dernier, a permis de se renseigner auprès des proches de la femme en question. Notre confrère Abou Bakr, journaliste guinéen au journal satirique de Conakry Le Lynx, a voulu nous faire partager cette visite qu’il a effectuée en compagnie d’autres confrères. Reportage. Nafissatou Diallo, la femme de chambre du Sofitel New York, qui accuse Dominique Strauss-Kahn, l’ex-Directeur général du Fonds monétaire international (Fmi) de l’avoir violée, a vu le jour dans un petit hameau coincé entre monts et vaux, dans la préfecture de Lélouma. Que d’acrobaties pour y arriver. Il faut braver une piste poussiéreuse et caillouteuse ici, montagneuse, inaccessible aux véhicules là. Ne parlez surtout pas du Moyen âge ! Le 19 mai, des journaleux étaient sur les traces de Nafissatou. Boubacar Sid­dy Diallo, frère aîné de Nafis­satou Diallo nous a accueillis, nous a parlé à cœur ouvert de sa sœur. «Vous ne vous êtes pas trompé de chemin. Tchakulé est le seul village du Foutah (Ndlr : région naturelle de la Guinée) qui porte ce nom. Nafissa­tou est née dans cette maison que vous voyez.»

Commence alors une visite de ce petit village paisible, dans un bas fond coupé du monde. «Elle est née dans cette maison, à l’époque, une case. Sa sœur Hassanatou Diallo, qui l’a fait venir aux Etats-Unis auprès d’elle, a démoli la case pour construire cette belle maison.»

«UNE SOLITAIRE, UNE MARGINALE, QUI NE S’INTERESSE PAS AU FUTILE»
Dans le hameau, sept maisons en dur, l’une équipée d’une antenne parabolique et de deux panneaux solaires. «Nous sommes isolés du monde, mais grâce à cette antenne parabolique, nous suivons les cham­pionnats de football du monde. J’adore le football et plus particulièrement la Liga», lance Boubacar Sid­dy comme pour impressionner. Bel homme, malgré les rides du visage.

«Nous ne sommes pas riches, mais notre village est béni. C’est Dieu qui nous préserve ici», sourit-il. Au beau milieu du village, une petite mosquée en construction.

On remonte dans la maison où est née Nafissatou. Jolis meubles, grand salon, un couloir, deux chambres à coucher de chaque côté. Sur le mur, deux photos encadrées : deux doyens assis sur l’une, sur la seconde, une très belle dame en tenue africaine. «C’est la photo de notre papa, la seconde photo est celle de Nafissatou Diallo, ma sœur», indique Boubacar Siddy Dial­lo, qui marque une pause et attaque l’histoire de Nafissatou Diallo. «Depuis sa tendre enfance, Nafissatou se distingue de ses copines. Elle ne parle pas beaucoup, aime travailler. Elle passait le plus clair de son temps à la vaisselle, au linge ou à s’occuper de la propreté de la maison. C’est une solitaire, je dirais une marginale, qui ne s’intéresse pas au futile.»

«ELLE NE NOUS APPELLE PAS, NE NOUS ENVOIE PAS D’ARGENT, RIEN»
Boubacar Siddy poursuit que sa sœur a grandi dans la stricte culture musulmane, de son Lélouma natal qui regorge d’érudits. A sa majorité, Nafissatou et son cousin, Abdoul Gadiri Diallo, décident de convoler en justes noces. Le mariage est célébré selon les rites du Fouta Djallon. Nafissatou et son mari vivront ensemble des années. Ils auront une fillette. Gadiri tombe malade, puis décède.

«Contrairement à ce que les gens racontent, ma sœur et son mari formaient un couple exemplaire. Ils s’aimaient beaucoup, étaient très pieux», tient à préciser Boubacar Siddy. Son mari enterré, Nafissatou décide de s’éloigner de Tchakulé pour oublier. Elle s’installe à Cona­kry. Hassanatou Diallo, qui vit à New York, veut que sa sœur l’y rejoigne. Nafi obtient son visa. Boubacar Siddy Diallo raconte : «Elle est revenue ici radieuse. Elle m’a dit : ‘’Frère, j’ai mon visa pour les Etats-Unis. Je vais partir, mais je ne t’apporterai aucun cadeau, hein !’’ Elle éclate de rire. Nous étions contents pour elle. Moi, surtout, qui rêve d’aller aux Etats-Unis.»

Nafissatou Diallo quitte Tchakulé, un soir, après avoir dit au revoir à tous les siens. Ses parents restés à Tchakulé ne l’ont plus revue. «Elle n’a aucune réalisation dans ce village. Nous, enfants de même père qu’elle, elle ne nous appelle pas, ne nous envoie pas d’argent, rien. Contrairement à sa sœur Hassa­natou qui pense à nous et qui a construit ici comme vous le voyez. Mais, cela n’est pas grave, l’essentiel pour nous est qu’elle se porte bien et qu’elle n’ait pas de problème. Nafissatou est la benjamine de six enfants de mêmes père et mère. Moi, je suis l’aîné de quatre de mêmes père et mère. Nous sommes dix, donc. Nafissatou ne pense qu’à ses frères de mêmes père et mère qu’elle. Mais cela, c’est l’Afrique, on la comprend.» Siddy fronce la mine, réprime une montée d’adrénaline.

«CES NUMEROS DE TELEPHONE D’AFRIQUE NE M’ENCHANTENT PAS, PARCE QUE…»

«Etes-vous au courant que votre sœur a des problèmes aux Etats-Unis, là où elle travaille ?», hasarde le Moutard Bah de Rfi (Ndlr : Il s’agit de Moctar Bah, correspondant de Rfi en Guinée). Réponse de Siddy : «Non ! C’est vous qui nous l’apprenez. Je vous ai dit qu’elle n’a aucun contact avec le village. Nous n’avons pas de ses nouvelles. Il y a quelques années, lorsque notre papa est décédé, je l’ai appelée de Bissau pour lui présenter mes condoléances. Lorsqu’elle a décroché elle a dit que ces numéros de téléphone d’Afrique ne l’enchantent pas, parce que les gens en Afrique ont trop de temps pour parler, alors qu’elle a beaucoup de boulot à abattre par jour aux Etats-Unis, pour gagner dignement sa vie. Cela m’a vexé. Lorsqu’elle a su que c’était moi au bout du fil, elle s’est excusée, mais le mot était parti. Depuis ce jour, j’ai décidé de ne plus l’appeler. Voilà. Alors, elle a un problème là-bas ?»
Après que le Moutard Bah, sans entrer dans les détails, a dit la situation de Nafissatou à New York, Siddy a lâché, attristé : «Que Dieu aide ma sœur et veille sur tous mes frères et sœurs qui vivent hors de ce village !».

SA MAMAN EST AU SENEGAL POUR DES SOINS

Nafissatou Diallo, nous a expliqué Siddy, est la fille de Thierno Ibrahima et de Néénan Aissatou Diallo. Son père, décédé à l’âge de 98 ans, était un érudit très versé dans le Coran. «Sa maman se trouve au Sénégal pour des soins. Inutile de me demander son numéro, je ne l’ai pas», avertit Boubacar Siddy Diallo.

Mamadou Bhoye Bah, l’aîné de toute la famille, 82 ans, assis, tête baissée, une canne à la main, a suivi toute la scène, et a tout entendu. Il lève ses yeux, qui brillent dans un visage entièrement bouffé par des rides : «J’avais entendu une radio annoncer qu’une femme a eu un problème chez les Blancs, mais je ne savais pas qu’il s’agissait de notre sœur. Maintenant, par vous, je comprends qu’il s’agit d’elle. Nous prions pour elle et compatissons à ses peines. Nous sommes de tout cœur avec elle.»

L’AGRICULTURE, LE CORAN, LA MOSQUEE
Les habitants de Tchakulé vivent dans «leur paradis», loin des politiciens et leurs discours sirupeux, loin de la crise économique qui mine la Guinée, loin des coupures de courant et d’eau. Ici, pas de moustiques, il ne fait pas chaud. Ce qui compte, c’est l’agriculture, le Coran, la mosquée. Pour très peu, le commerce.

Les marmots de Tchakulé semblent heureux. «Nous n’avons pas de réseau téléphonique. Il nous faut aller loin à pied vers une zone couverte par un des opérateurs. Nous n’avons pas de centre de santé, pas d’école. Un marché se tient ici tous les jeudis, c’est là que nous faisons nos achats. Mais, nous nous sentons très bien dans ce village que nous aimons tant», conclut Boubacar Siddy Diallo.

Abou Bakr – Envoyé spatial (Le Lynx)

Ndlr :
Notre confrère Abou Bakr est un membre de la Rédaction du journal satirique guinéen Le Lynx. D’où le style particulier de la satire qu’on retrouve par endroits dans le texte.

Journaleux broussards

Il faut traverser sept villages coincés entre les montagnes à quelque 1 300 mètres d’altitude pour dénicher Tchakulé. Le carrosse de commandement de Moutard de Rfi a dû pomper fort pour dévaler ces montagnes. Quelques kilomètres, on tombe sur deux chemins. A droite, à gauche ? Derrière une montagne, on aperçoit des villages, mais aussi un bas fond.

On cherche alentour un homme ou une femme. On ne voit que des guenons. On abandonne la bagnole pour errer à la recherche d’une piste. Cellou Paparazzi Diallo prend à l’est. Le Moutard de Rfi, en éclaireur, choisit l’ouest. Tout ce beau monde dévale un ravin. Pas un signe de vie. «Nous sommes dans la jungle comme ça», lance le Moutard de Rfi.

On a perdu Cellou Paparazzi, on appelle, on siffle, il ne répond pas. «Pourvu qu’un gros serpent n’ait pas récupéré Paparazzi, de l’autre côté de la falaise», persifle le Moutard de Rfi. Une demi heure plus tard, Paparazzi tout en sueur dévale la falaise et lance : «Venez, j’ai trouvé un village en bas, là-bas. Ça doit être Tchakulé.» Colonne par un, nous voici à Tchakulé. Un véritable parcours de combattant.


A. Bakr

lequotidien.sn

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

En continu

DANS LA MEME CATEGORIE
ACTUALITES

Licenciements abusifs : Veritas condamné à verser une lourde indemnisation à ses anciens employés

XALIMANEWS-Le bureau Veritas va devoir verser une lourde indemnisation...

Mesure de pointage biométrique: Le Ministre de la Fonction Publique passe à l’action

XALIMANEWS-Le ministre de la Fonction publique, Olivier Boucal, a...

Pénurie d’eau et difficultés quotidiennes : le calvaire des employés de la Maison de la presse

XALIMANEWS-Les employés des services situés dans la Maison de...

La Une des quotidiens du samedi 27 avril 2024

La Une des quotidiens du samedi 27 avril 2024