La communauté chrétienne a célébré ses morts le mardi 1er novembre dernier. Ainsi, un tour dans les cimetières a montré la grande place qu’occupent nos morts dans nos sociétés. Des familles casquent le prix fort pour construire les caveaux de leurs proches. L’histoire des périodes les plus tourmentées de notre ère nous donne des débuts d’éléments de réponse dans la folle histoire de l’ouest ou de la ruée vers l’or. A cette époque du début du siècle, les aventuriers venus de partout et obnubilés par le métal précieux n’hésitaient pas à dégainer leur pistolet pour tirer sur leur semblable, sans coup férir. Les cow-boys, mégot de cigarette au coin des lèvres, se tournaient ensuite vers celui qu’on surnommait le croque-mort ou le fossoyeur pour lui demander d’enterrer leur adversaire en première classe avec, s’il vous plait, chrysanthèmes et pierre tombale.
Ces honneurs faits aux morts existent toujours dans notre société. Les familles endeuillées riches louent les services des pompes funèbres qui s’occupent spécialement de la cérémonie mortuaire. Paul, gardien de cimetière, confie : «Cette tombe en marbre que je nettoie coûte 800 000 francs Cfa spécialement commandée à Arts funéraires. Un membre de la famille m’a remis 5 000 francs pour nettoyer le monument.» Torse nu, la poitrine poilue, il s’active à peindre la tombe d’à côté où la famille de l’occupant doit venir célébrer l’anniversaire de son décès. Il arrive aussi que des personnes venant rarement dans les cimetières leur demandent de s’occuper des tombes de leurs proches moyennant récompense. Il pointe du doigt un autre monument tombal : «Celui-là aussi coûte 800 000 francs Cfa, l’autre à côté 400 000 francs, l’autre 250 000 francs. Tout comme celui-là pas moins de 10 000 francs. Il y en a pour toutes les bourses.»
Monuments et pierres tombales rivalisent d’éclat. Tout est taillé avec splendeur et netteté. La beauté du décor crève les yeux dans l’espace agrémenté de bouquets de fleurs de toutes les couleurs. Le cimetière catholique est propre et bien entretenu. Les fleurs naturelles ou en plastique embellissent le cadre. Des arbres recouvrent de leur ombre les tombes.
Amadou Diallo s’occupe de la maçonnerie. Musulman de son état, cela ne le dérange point de construire les tombeaux des chrétiens. Il gagne sa vie. L’endroit importe peu.
La démarche titubante, Paul désigne un splendide monument situé presqu’au milieu du cimetière : «Cette pierre tombale en marbre coûte 2, 5 millions de francs Cfa.» Il s’empresse de préciser : «2,5 millions francs Cfa, ce n’est rien pour les membres de cette famille, ils sont très riches.»
Paul aime à contempler les monuments du cimetière dont il connaît les prix comme les alphabets de l’abécédaire. Il gagne son pain dans cette ambiance mortuaire. Les familles se souviennent des morts et construisent des monuments à coups de plusieurs millions, mais elles oublient ceux qui s’en occupent. C’est presque la croix et la bannière pour ces fossoyeurs qui peinent à gagner convenablement leur vie.
