Après Kolda, Kédougou se révolte contre son ministre-maire : Guirassy chope le virus de Bécaye Diop. Bagarres et huées rythment l’accueil de la Première Dame. Piqûre de rappel de Mme Wade : «Arrêtez vos querelles politiques, sinon…»
La ville de Kédougou a vibré, hier. Son maire Moustapha Guirassy, par ailleurs ministre de la Communication, qui s’était déplacé avec Viviane Wade et le ministre de la Santé, pour une activité sur le Vih/Sida, a eu la surprise de sa vie, en constatant qu’il n’est pas en territoire véritablement conquis. Le ministre-maire de Kédougou, Moustapha Guirassy, l’aura appris à ses dépens. Dans sa propre région, il n’est pas en territoire conquis. Certes, il n’y avait pas de brassards rouges qui ont crevé ses yeux, mais ses oreilles ont bourdonné de… huées, au moment où il prononçait son discours de bienvenue à l’intention de Viviane Wade, présidente de la Fondation Education-Santé. Cette dernière était accompagnée du ministre de la Santé, dans le cadre de la promotion du Programme de transmission mère-enfant (Ptme) du Vih/Sida. A peine a-t-il pris la parole, qu’une salve de huées est venue perturber le maire de Kédougou. Ses partisans ont beau vouloir faire de l’ombre à ces «intrus bavards», mais l’évidence était là, têtue. Moustapha Mamba Guirassy n’est pas si adulé que cela. Même les Forces de l’ordre, préposées à la sécurité des hôtes de la ville ont tenté de raisonner les perturbateurs ; hélas, ils ont fini eux aussi de constater les «dégâts». Ces jeunes surexcités seraient favorables à un autre responsable libéral de la région, absent à la cérémonie, hier. Un nommé Hadji Cissé (président de la Chambre de commerce de Kédougou), était l’absent le plus présent à la rencontre, puisque ses partisans ont véritablement perturbé le bref séjour de l’édile de la ville, tout en scandant le nom de son rival.
A quelques mètres de là, s’était également ouvert un autre foyer de tension. Des jeunes ivres morts s’en sont violemment pris à un des éléments des Forces de l’ordre. Le policier aurait commis l’outrecuidance de vouloir embarquer l’un d’eux, parce que l’ayant insulté. Suffisant pour soulever ces jeunes qui ont visiblement voulu gâcher la fête. Les Forces de l’ordre débordées se sont repliées vers les officiels, créant une ceinture de sécurité autour d’eux, pour leur éviter de mauvaises surprises. Moustapha Guirassy a été ainsi sollicité par un élément de la garde rapprochée de Viviane Wade, pour venir calmer ces jeunes. Mais, c’était peine perdue, puisque ces derniers se sont radicalisés en forçant les portes en fer de la place publique où se tenait la cérémonie. Mises en minorité, les Forces de l’ordre ont assisté presque impuissantes, à cette vague de contestataires qui ont tenu à marquer la visite de Moustapha Guirassy, par ailleurs ministre de la Communication, à leur façon.
Coup de colère de Viviane Wade
Pendant ce temps, les autres Kédovins qui assistaient encore à la cérémonie ont eu toutes les peines du monde pour entendre les témoignages de personnes vivant avec le Vih. Le brouhaha soulevé par des centaines de perturbateurs a fini de polluer l’air de la ville. Elle-même dépassée par les évènements, la Première dame a bondi de sa chaise pour dire ceci au micro : «Arrêtez vos querelles politiques ! Nous ne sommes pas là pour voir des tendances de qui que ce soit. Nous sommes là pour vous sensibiliser sur la progression du Sida à Kédougou. Si vous persistez à vous bagarrer ainsi, nous allons reprendre l’avion pour rentrer à Dakar.» Avant de retourner s’asseoir, furieuse.
Certainement surpris par ce tollé de contestations, le maire de Kédougou fixait du regard ces jeunes incontrôlables. De loin, comme à cinq mètres de lui, il était agressé par ces voix discordantes qui chantaient le nom de son rival, tout en lui déniant toute légitimité à Kédougou. Une situation qui a mis le gouverneur de la région dans tous ses états ; lui qui avait tenu un Comité régional de développement (Crd) mardi dernier sur la visite de l’épouse du chef de l’Etat. Rencontre au cours de laquelle, rapporte-t-on, il avait demandé aux responsables politiques locaux de se garder de toute activité politique, en présence de Viviane Wade. Mais des proches du maire auraient transgressé les règles, puisqu’ils se sont déplacés avec des pancartes…tout à l’honneur de Moustapha Guirassy. L’autre tendance qui s’était pointée avec des pancartes sur le Sida, a vite senti le «coup fourré» du maire et a automatiquement versé dans le sabotage. Résultat : plusieurs personnes ont été légèrement blessées et l’une d’elles a été acheminée par les sapeurs-pompiers vers une structure de santé (voir photo).
REACTION – Guirassy : «Personne ne m’a hué…»
Le maire de Kédougou, joint par téléphone, nie avoir été hué par des jeunes. «Je m’inscris totalement en faux contre une telle information. Personne ne m’a hué», a-t-il dit. Par contre, reconnaît-il, «des échauffourées, oui, il y en a eues. Et c’est moi qui suis intervenu pour calmer les jeunes». Les huées sont attribuées à des militants et sympathisants d’un de ses adversaires politiques dans la localité, Hadji Cissé, par ailleurs président de la Chambre de commerce. Mais M. Guirassy dit n’avoir «pas fait attention à cela». Avant d’emprunter la formule wolof : «Ku beugg siiw dangay xuloo ak ku siiw (Ndlr : Celui qui veut se faire un nom s’en prend toujours à celui qui en a déjà).» Mais qui est celui-là qui veut se faire un nom ? «Je ne voudrais pas descendre sur ce terrain-là», préfère-t-il lancer.
