Le calme régnait samedi matin à Abidjan après de violents combats ayant opposé la veille les troupes d’Alassane Ouattara, président ivoirien internationalement reconnu et celles restées fidèles à Laurent Gbagbo, dans le quartier de Cocody où ce dernier est retranché.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les soldats français de la force Licorne ont été la cible de tirs au cours d’une tentative d’évacuation du personnel d’une ambassade et ont riposté en détruisant un blindé des forces pro-Gbagbo, a indiqué l’état-major des armées à Paris.
Aucun tir n’a été entendu dans la matinée dans le quartier de Cocody, autour de la résidence présidentielle où se trouve toujours le président sortant Laurent Gbagbo, et dans celui du Plateau, siège du palais présidentiel, ont indiqué des habitants.
«La matinée est calme», a dit à l’AFP un résident de Cocody tout en ajoutant: «les combats reprendront peut-être cet après-midi» dans ce quartier du nord de la capitale économique où se situent, outre la résidence présidentielle, le siège de la radio-télévision ivoirienne (RTI) et l’école de gendarmerie, tenues par les forces pro-Gbagbo.
Selon un habitant du Plateau, dans le centre, où se trouve le palais présidentiel contrôlé également par les troupes pro-Gbagbo, «il n’y a pas eu de tirs ce matin. On voit les gens sortir des immeubles pour aller vers Marcory», un quartier du sud de la ville plus sécurisé. «Ils étaient coincés, ils cherchent maintenant à quitter le Plateau».
De violents combats ont eu lieu durant toute la semaine dans ce quartier, contraignant les habitants à se terrer chez eux.
Vendredi, en milieu d’après-midi et en début de soirée, des combats à la mitrailleuse lourde et à l’arme légère ont aussi fait rage dans le périmètre qui englobe la résidence de M. Gbagbo, la RTI et l’école de gendarmerie.
Laurent Gbagbo reste retranché dans sa résidence à Cocody et a retrouvé un instrument de propagande avec la télévision (RTI) qui a recommencé à émettre vendredi dans certains quartiers alors que le signal avait été coupé lundi soir après des frappes de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et de la force française Licorne.
Ses troupes se battent avec acharnement dans les fiefs qu’elles ont conservés et où elles bénéficient d’une certaine mobilité, selon des témoignages concordants. Elles contrôlent également un large périmètre du Plateau, autour du palais présidentiel.
On assiste à une partition assez marquée de la ville.
Les troupes d’Alassane Ouattarra essaient de sécuriser le reste de la capitale économique qui souffre d’une grave situation alimentaire.
L’ambassade de France a affirmé vendredi que la résidence de l’ambassadeur avait été attaquée, pour la deuxième fois en moins de 48 heures, par des forces loyales à Laurent Gbagbo, ce que le camp du président sortant a démenti.
Le porte-parole de l’état-major français, le colonel Thierry Burkhard, a souligné qu’il n’y avait pas eu, en riposte, d’attaques des hélicoptères de Licorne contre la résidence de M. Gbagbo.
Par ailleurs, lors d’une tentative d’évacuation du personnel d’une autre ambassade «à la demande du gouvernement d’un pays allié» dont le nom n’a pas été précisé pour des raisons de sécurité, les soldats français ont été la cible de tirs, a précisé à l’AFP le colonel Burkhard.
Les hélicoptères de Licorne ont alors détruit un véhicule blindé des forces pro Gbagbo dans la zone des résidences diplomatiques, a-t-il précisé. Deux hélicoptères français ont également été atteints par des tirs, sans gravité.
Le regroupement des expatriés vers le camp militaire français de Port-Bouët à Abidjan, près de l’aéroport international, par la Force Licorne s’était poursuivi vendredi, ainsi que les évacuations vers plusieurs pays de la région.
Reprise des vols commerciaux
Les vols commerciaux ont repris à l’aéroport d’Abidjan samedi matin, a annoncé à l’AFP une source militaire française (Force Licorne).
«Ce matin, un vol d’Air France est arrivé. La reprise des vols commerciaux à l’aéroport d’Abidjan est effective», a déclaré cette source.
La compagnie aérienne française Air France, qui avait dû suspendre ses vols le 1er avril en raison des troubles en Côte d’Ivoire, a repris vendredi sa desserte d’Abidjan, a annoncé samedi un porte-parole à l’AFP. «Nous avons repris la desserte d’Abidjan», a-t-il dit.
Dans le détail, un avion d’Air France a décollé vendredi à 23h50 de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle et atterri samedi à 8h50 à Abidjan, indique la compagnie sur son site internet.
Au départ d’Abidjan, deux vols sont prévus, samedi et dimanche, à 11h30, toujours selon le site, qui invite toutefois les passagers à vérifier le statut de leur vol pour les autres jours.
En temps normal, la compagnie aérienne assure quatre aller-retours hebdomadaires sur cette ligne, assurée par des Airbus A330 d’une capacité de 208 sièges.
ONUCI et Licorne dans le port d’Abidjan
Les forces de l’ONU (ONUCI) et de l’opération française Licorne étaient présentes samedi dans le port d’Abidjan, au lendemain de la levée des sanctions de l’Union européenne (UE), a annoncé à l’AFP une source française (opération Licorne)
«On participe à la reprise de l’activité économique notamment au port, en liaison avec les autorités locales. Les Forces impartiales (mission onusienne ONUCI et force française Licorne) sont présentes sur le port», a déclaré cette source.
Ces forces «travaillent avec les services portuaires ivoiriens. Il y a eu une prise de contact ce matin avec les autorités du port dans le cadre de la réouverture» à venir du port», a-t-elle ajouté.
L’Union européenne a annoncé vendredi avoir levé ses sanctions à l’encontre de deux grands ports de Côte d’Ivoire, Abidjan et San Pedro, ainsi que contre plusieurs entreprises liées notamment au secteur du cacao, afin de soutenir Alassane Ouattara.
Les 27 pays de l’UE ont «décidé aujourd’hui de lever immédiatement les mesures restrictives prises à l’encontre de certaines entités, afin de soutenir les autorités légitimes de la Côte d’Ivoire, en réponse à leur demande», a indiqué l’UE dans un communiqué.
«Les ports autonomes d’Abidjan et de San Pedro, la Société ivoirienne de raffinage et le Comité de gestion de la filière café et cacao sont retirés de la liste des entités soumises par l’Union européenne à un gel des avoirs», ajoute le texte.
La décision a été prise via une procédure accélérée entre les gouvernements européens.
Elle répond à une demande explicite exprimée la veille par Alassane Ouattara, président de Côte d’Ivoire internationalement reconnu.
«J’ai demandé que les sanctions de l’Union européenne sur le port d’Abidjan et San Pedro et sur certaines entités publiques du fait du régime illégitime de Laurent Gbagbo soient levées», avait-il annoncé jeudi dans une adresse télévisée à la nation.
À l’impasse politique née de l’élection présidentielle du 28 novembre et l’enlisement militaire, Abidjan, livrée aux pillards, est confrontée à l’urgence humanitaire. «Abidjan est une tragédie humaine», a déclaré vendredi le représentant du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) en Côte d’Ivoire, Carlos Geha.
Dans l’Ouest, les informations collectées par les enquêteurs de l’ONU sur les droits de l’homme sont «absolument terrifiantes», a déclaré la Haut commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay.
Samedi, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a affirmé détenir de nouvelles preuves d’atrocités commises dans l’Ouest aussi bien par les forces pro-Ouattara que par les forces pro-Gbagbo et déjà dénoncées par l’ONU et des ONG.
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