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Enquête: Viols et abus sexuels sur des filles : Dans le cocon des destins violés

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C’est un mal commis par…un mâle. Une épreuve subie par des filles de tous âges. Une même hantise, diverses manifestations : pleurs, crises, humiliation, culpabilité, honte, désespoir… Qui poussent, souvent, à arpenter les chemins de travers de la société : prostitution, alcoolisme, banditisme, démission de la vie etc., parfois au pire : meurtre, suicide, maladies incurables…
Dans l’existence chahutée de ces 5 filles dont deux mineures de la banlieue dakaroise, triées au volet par Weekend,  la vie a un goût amer. Un goût de  dégoût. Une senteur de souillure. Un quotidien paumé et embrasé où l’espoir s’est fondu dans le caillot de sang de leur terrible mésaventure. Des nuits trop farcies, à jamais, de taches indélébiles. De questions sans réponses. Advitam aeternam !
Ces filles de familles modestes. Très modestes… pourraient-elles un jour oublier, se relever et créer les règles de leur propre existence ? Trop tard, «elles ont subi l’œuvre du mâle», trop tôt, «elles en étaient presque mortes». L’épreuve du viol a même déchiré tous les orifices par lesquels leurs âmes tentent de s’inventer des jours meilleurs. Beaucoup d’entre elles, une fois majeures, finissent par vendre leur corps malade aux mâles.  Une revanche sur la société qui les a presque bannies.
Mais, malgré la grande réticence de ces carapaces dont souvent les récits sont faits par les parents, Weekend   est  allé rencontrer ces filles aux âmes mortes, aux corps abîmés, à la dignité détruite…Un échantillon très significatif de cette population aux improbables et aux récits insoutenables.
Que de destins violés !

C.D, 32 ans, victime de viol collectif : «Un de mes violeurs a utilisé l’ongle de son auriculaire pour déchirer mon hymen»

«Je m’appelle C.F, je suis née le 24 juillet 1977. Un jour, je suis allée avec mes copines au stade Amadou Barry (Guédiawaye) pour assister à un show de Baba Maal. A l’époque, on m’avait déjà apporté mon premier cadeau de dot. Je me préparais déjà au mariage. Nous étions en 1997. Ce jour-là, le concert a pris fin après le crépuscule; en rentrant, j’ai croisé sur ma route deux jeunes hommes. Quand ils m’ont vue, ils m’ont hélée, mais je n’ai pas répondu à leur appel parce que je ne parle pas à des gens que je ne connais pas. L’un deux a accouru et est venu se mettre devant moi.  Mes deux copines avec qui j’étais se sont alors enfuies. J’ai essayé de les suivre, mais j’ai buté sur un amas de pierres. Je suis tombée et j’ai été rattrapée par les deux malfrats. J’avais même été blessée dans cette chute. (Elle cherche ses mots) l’un d’eux m’a écarté les deux jambes et ils ont abusé de moi. Pourtant, j’étais jeune. Surtout, j’étais vierge de toute expérience sexuelle (elle finit en sanglots).

J’avais juste vingt ans à l’époque. Je me préparais pour le mariage. J’avais un prétendant qui avait déjà commencé à verser la dot. Chez nous les Toucouleurs, au moment de l’excision, on fermait l’orifice vaginal, ce qui faisait que la fille ne pouvait s’adonner à des relations sexuelles avant son mariage sans souffrir. Lorsqu’ils s’en sont rendu compte, l’un d’eux a utilisé l’ongle de son auriculaire pour déchirer mon hymen. J’ai hurlé de douleur. Ils ont alors abusé de moi à tour de rôle. Quand leurs désirs ont été assouvis à satiété, ils se sont enfuis. Je venais de «mourir».
Je ne pouvais plus me relever, je suis restée couchée sur place jusqu’à ce qu’un vieil homme arrive. Il me dit avoir cru, en entendant mes cris désespérés, que c’étaient des chèvres qui bêlaient. Je lui dis que je venais juste d’être violée par deux jeunes hommes. Quand il a vu ma robe tachetée de sang, il m’a aussitôt conduite à l’hôpital du Roi Baudouin (Guédiawaye). Là-bas, on m’a demandé où j’habitais, je leur ai dit que je vivais à Nietty Mbaar (un quartier de Pikine, banlieue dakaroise, Ndlr). Ensuite, ils m’ont demandé qui était mon père, je leur ai répondu que ce dernier était décédé. J’ai ensuite précisé que ma mère n’était pas avec moi, qu’elle vivait au Congo et que j’ai été élevée par ma grand-mère avec qui je vivais. Ils ont décidé de contacter ma sœur  aînée qui a un restaurant dans un autre quartier. J’ai été transférée à l’hôpital Fann où j’ai été hospitalisée pendant un mois et demi.
«Aujourd’hui les hommes m’effraient»

Ce qui me fait toujours mal, c’est que mes deux «bourreaux» ne sont toujours pas identifiés. Cela a été le choc de ma vie, parce que chez nous les Toucouleurs, la coutume est de se marier très tôt, et jusqu’à maintenant je ne me suis pas encore mariée. Si au moins on les avait identifiés, j’aurais une certaine satisfaction, mais rien de cela.
C’est très difficile pour moi de raconter cette histoire, elle me plonge dans un passé pénible. Ils ont gâché ma vie. J’aurais pu contracter une maladie après cela. C’est vrai qu’à l’époque, je ne savais rien des maladies sexuellement transmissibles mais depuis que je connais Enda tiers-monde, j’ai su que je l’ai échappé belle. Je ne veux même plus en discuter ou qu’on me le rappelle. Celui qui devait m’épouser s’est désisté quand il a appris que j’ai été violée. Ce n’est pas parce qu’il ne voulait plus de moi, mais il a cédé à la pression de ses parents. Ils m’ont gâché ma vie, je ne les connais pas, mais je ne leur pardonnerai jamais. La police de Guédiawaye et celle de Thiaroye ont mené l’enquête, mais elle n’a pas abouti.

Depuis cette mésaventure, j’entretiens des relations très complexes avec les hommes, ils m’effraient. Même au moment où je vous parle, je n’ai pas de petit ami. Chaque fois que je vois un homme, ce choc me revient. Lorsque cela m’arrivait, j’étais à l’école. Quand j’ai été hospitalisée, je suis restée pendant plus d’un mois et demi sans aller en classe. J’aimais beaucoup les études, mais j’ai dû les arrêter après. Je devais faire la quatrième ou la troisième secondaire.
Quand je vois mes copines se marier, j’ai un petit pincement au cœur, mais je m’en remets à Dieu, et j’ose espérer qu’un jour, tout ceci ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Une de mes amies a observé que je m’absente souvent quand on m’annonce un mariage. Mais cela se comprend parce que dans notre ethnie, on aime l’ambiance des mariages grandioses, et je me désole de ne pouvoir éprouver moi aussi ces joies. C’est pourquoi je ne vais jamais à ces mariages quand bien même ils sont organisés par notre famille. Tenez, il n’y a pas longtemps, une de mes cousines se mariait, mais je n’ai pas pu y aller. Ce n’est pas par jalousie, mais juste parce que je serais fortement gênée, car je voudrais connaître un jour le bonheur du mariage. En abusant de moi, mes «bourreaux» m’ont volé mon droit au bonheur.  Ma vie de femme, tout simplement.
Ils (les membres de sa famille) connaissent mon drame, car ils sont venus me voir à l’hôpital. J’étais gravement malade, je souffrais surtout au niveau des jambes. Quand ils me violaient, mes «bourreaux» avaient violemment écarté mes jambes.

(Elle a les larmes aux yeux) Je me souviens qu’ils m’ont mis du sable dans la bouche pour m’empêcher de crier. Si je ne suis pas décédée après coup, c’est seulement grâce à la volonté divine. Le vieillard qui m’a trouvée avait peur, mais il a payé 3 000 francs Cfa au taximan pour m’amener à l’hôpital du Roi Baudouin. Maintenant pour aller du lieu du drame à l’hôpital, il suffit juste de 1000 francs. Le vieillard a été formidable, il venait me voir même quand j’étais à l’hôpital.
Une de mes copines, qui a subi le même sort que moi, me dit que je devais repartir sur de nouvelles bases. Elle me dit d’être forte et de faire comme elle, de ne plus m’absenter. Elle, je l’ai connue quand elle se confiait à une radio… Quand j’ai  entendu son histoire, j’ai compris que nous étions dans le même quartier, on a sympathisé. A présent, elle est mariée. Mais depuis le viol, elle a perdu du poids alors qu’elle était bien plus corpulente avant. Moi aussi, j’en paie physiquement le prix.»

Weekend Magazine via galsentv.com

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