Gbagbo, le tricheur isolé

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Par François Brousseau

L’année 2010 s’achève, en Côte d’Ivoire, avec une « crise africaine » comme on les déteste bien. Une crise qui, malheureusement, conforte une certaine idée de l’Afrique : celle d’un continent incapable d’absorber la démocratie, et où, semble-t-il, il est impossible qu’un perdant cède de bonne grâce le pouvoir à son vainqueur, après une élection régulière.

En fait, il y a des exceptions à cette règle simpliste et vaguement raciste, exprimée naguère par l’ancien président français Jacques Chirac : « En Afrique, disait-il en 1990, vous avez immédiatement un parti par tribu et au lieu d’avoir la démocratie, vous avez l’affrontement et un risque d’anarchie. »

Des exceptions comme le Ghana ou le Sénégal qui nous ont donné à voir, ces dernières années, de tels épisodes d’alternance démocratique harmonieuse. Et tout récemment, en novembre, en Guinée-Conakry, 14 mois après des émeutes réprimées dans le sang, on a vu l’ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo concéder la victoire à l’opposant historique Alpha Condé…

Une crise emblématique

Mais l’attention, ces dernières semaines, s’est irrésistiblement tournée vers la Côte d’Ivoire. Pays emblématique parce qu’il a longtemps représenté, en Afrique francophone -à défaut d’être un grand pays démocratique- un État qui, économiquement, ne s’en tirait pas trop mal, et remontait nettement la moyenne continentale…

Emblématique, cette crise ivoirienne l’est aussi parce que le « vilain » de l’histoire, le président sortant Laurent Gbagbo qui refuse obstinément de reconnaître sa nette défaite aux urnes (54 % – 46 %) aux mains d’Alassane Ouattara, est un ancien dissident politique qui, il y a deux décennies, paya courageusement de sa personne son combat politique. Un homme qui, s’appuyant sur ses amis de la gauche française, avait combattu le régime monolithique de Félix Houphouët-Boigny, lorsque les premiers craquements menaçaient l’assise des dictatures africaines issues des indépendances du début des années 1960.

Emblématique, cette crise l’est enfin parce que la « communauté internationale » s’est beaucoup impliquée dans ce processus électoral, qui devait en finir avec la guerre ouverte ou larvée qui, dix ans durant, a paralysé et divisé ce pays entre son nord et son sud.

La dérive dictatoriale de Laurent Gbagbo éclate aujourd’hui d’une façon incontestable, ce que reflète la quasi-unanimité de la condamnation du mauvais perdant : ONU, Union européenne, Union africaine, CÉDÉAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), France, États-Unis, une nette majorité de pays d’Afrique : tous sont aujourd’hui d’accord.

La communauté internationale, avec les 9000 casques bleus sur le terrain et des milliers d’assistants et d’observateurs électoraux – tant ivoiriens qu’étrangers – a tellement investi dans cette « opération de paix » (400 millions de dollars !) qu’elle ne veut pas voir tous ses efforts s’évanouir en fumée.

Un résultat incontestable

Un minimum d’analyse fait très bien voir que le résultat officiel du second tour est certainement représentatif du choix souverain de l’électorat ivoirien. Gbagbo, aujourd’hui totalement isolé face au reste du monde, avait donné son accord au processus démocratique : de la constitution de la liste électorale (opération très délicate dans ce pays qui sortait d’une décennie de guerre larvée et de partition de facto), jusqu’à la tenue du premier tour avec ses résultats homologués (38 % pour Gbagbo, 32 % pour Ouattara, 25 % pour Henri Konan Bédié). Tout cela, Gbagbo l’avait accepté.

Malheureusement pour lui, la campagne du second tour a vu Bédié se rallier inconditionnellement à Ouattara, et ses travailleurs électoraux travailler d’arrache-pied sur le terrain pour que les reports du vote « Bédié » au premier tour (massif en pays baoulé) se fassent massivement en faveur du candidat Ouattara (le musulman du Nord, d’ethnie dioula).

L’opération a largement réussi, ce que confirment les comptes rendus de campagne sur le terrain, et la simple addition : 32 + 25 = 57. Avec 54 % des voix, et des irrégularités mineures qui ne peuvent pas – selon les observateurs – avoir affecté plus de 1 % ou 2 % du total, le camp Ouattara a tout simplement gagné en allant chercher quelque 92 % des voix de Bédié.

Dire que Gbagbo a vraiment perdu et doit donc s’incliner, si la démocratie a un sens en Côte d’Ivoire, ce n’est pas affirmer pour autant que Ouattara est un enfant de choeur. Ou qu’il a n’a pas – comme la plupart des autres politiciens – une ambition personnelle débordante. Mais dans ce cas-ci, le renvoi dos à dos des protagonistes ne vaut pas : au fond des urnes, il y a une vérité arithmétique. Il y a un gagnant, un seul. Et son identité ne fait aucun doute.

Bien sûr, tous les tricheurs du monde ne reçoivent pas autant de pressions pour déguerpir. Bien sûr, il reste à voir quels seront les moyens concrets qu’appliquera la communauté internationale. Le premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro, réclame « l’usage de la force »… ce qui reste très hypothétique. L’appui du Conseil de sécurité à une opération armée pour déloger Gbagbo serait difficile à obtenir. Et la force militaire, on imagine assez mal la France ou les États-Unis aller l’appliquer dans le quartier du Plateau, au coeur d’Abidjan… Les rumeurs parlent d’un rôle qui serait dévolu au Nigeria, géant régional doté d’une véritable force militaire.

Il est intéressant, et un peu navrant, de constater que le discours « anticolonialiste » que tente d’avancer le camp ultranationaliste – et potentiellement violent – des jeunes partisans armés de Gbagbo… soit repris par une ultragauche occidentale toujours prompte à blâmer l’impérialisme occidental pour tous les maux du monde… Gbagbo comme martyr du néocolonialisme ! C’est fort, mais l’argument ne passera pas.

1 COMMENTAIRE

  1. Lettre ouverte au President Elu de la Cote d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara.

    Nous avons tous constate et accepte votre rescente victoire eclatante aux dernieres Presidentielles.
    Je vous salue a mon nom propre et au nom de tous les Panafricains et Inconditionnels Democrates et Republicains.
    De par ma voix, nous vous demandons respectueusement et sans delai de proteger le President sortant, Laurent Bagbo contre la volonte des Puissances malifiques qui visent a le liquider. Vous avez l’obligation, en tant que President Elu de la Republique Souveraine de Cote d’Ivoire de proteger tous les citoyens Ivoiriens (Africains) contre toute tentative de destruction ou de liquidation, meme venant d’eux-memes.
    La declaration du fameux Sarkozy, qui s’autoproclame « maitre » de l’Afrique Noire de par la tentative de mise en demeure visant l’ancien President Bagbo, est une preuve tangible du manque de respect toujours prone par certains Occidentaux envers l’Homme Noir, Africain.
    N’optez jamais pour une solition militaire qui viserait a d’eloger le President Sortant, une telle pauvre decision resulterait en un bain de sang. Laurent Bagbo ne merite pas d’etre abattu comme un chien, surtout sous ordonnances de Puissances etrangeres, ce serait une insulte a l’endroit de tous les Panafricains. Souvenez-vous toujours de la Sagesse Africaine qui dit: « Mieux vaut convaincre que de vaincre, parce que celui qui est convaincu est vaincu, alors que celui qui est vaincu n’est pas convaincu », en un mot, la Victoire reside dans le Pardon et la Force dans la Reconciliation. Nous sommes tous freres et soeurs Africains et pour reprendre Wole Sohinka: « When two brothers fight, a stranger reaps the harvest » qui traduit la theorie du « Troisieme larron ».
    Une fois de plus, tous les dignes fils et filles de l’Afrique Noire vous demandent de proteger tous les Citoyens Ivoiriens, et au dela de la personne de Laurent Bagbo, le statut d’Ancien President de la Republique Soeur de Cote d’Ivoire.
    Sincerement,
    Papa Latyr Faye
    http://www.youtube.com/thebaayfaal

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