Le Ter s’envole, Guinaw-rails reste à terre (Par Cheikh Bamba Dioum)

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Si l’on ose qualifier de maudite une commune, je n’hésiterais pas à penser à la mienne, Guinaw-rails, qui m’a vu grandir, et aborder la pente du troisième âge. D’abord sans éclairage durant les vingt ans de règne du Président Senghor, oubliée et sans infrastructures respectables tout au long des trente-deux ans de règnes cumulés entre Diouf et Wade, la voilà presque humiliée sous le Président Macky, qui fait traverser dans cette zone, longtemps au fond du gouffre, un train bourré de milliards et qui lui cache les lumières du soleil, sa seule richesse. Certes, si on ferme les yeux sur les urgences et les priorités, les Sénégalais peuvent applaudir, pour avoir bénéficié, malgré un sous-développement avéré, d’un outil top-moderne que même certains pays dits développés ont envie d’acquérir.

Mais ce qui est renversant dans cette affaire, c’est le sort pitoyable de cette population respectable de Guinaw-rails, qui regarde passer à vive allure le train de l’opulence, laissant hagards ses enfants qui pataugent dans l’extrême pauvreté. Figurez-vous que depuis près de cinquante ans, Guinaw-rails, pour une population de 90 000 personnes, n’a que deux écoles primaires, pas de lycée ni de collège dans aucune de ses deux communes. Un seul marché «Waranka», qui marche cahin-caha. Un seul dispensaire, qui a servi de structure sanitaire pour les enfants d’alors devenus grands-pères. Des aires de jeux absentes, alors que jadis c’était le refuge et le terrain de prédilection de beaucoup d’équipes navétanes de Pikine. Le mal de Guinaw-rail est profond, je ne m’en sortirais pas s’il fallait tout citer. Mais l’on ne peut pas occulter les inondations répétitives comme dans beaucoup de secteurs de la banlieue, qui vivent le même calvaire.

Oh mon Dieu, le Ter va-t-il relever le beau Guinaw-rails de mes rêves, toujours à terre, ou va t-il l’enterrer pour de bon ?
Si je me pose cette question, c’est parce que, avec l’arrivée du Ter, ces deux communes, nord et sud, ont été davantage isolées, voire asphyxiées. D’abord un mur que j’avais baptisé à l’époque, le mur de Berlin, a été érigé tout au long des rails pour marquer la première étape des travaux du lointain Ter. Aucun respect pour faciliter l’accès des populations obligées alors de creuser elles-mêmes ce bunker pour se frayer un passage dans certains endroits. L’évacuation des malades, les cortèges funèbres et l’accès pour les sapeurs-pompiers y étaient et y sont toujours une corvée. A la fin des travaux, les personnes malades, affaiblies ou vieilles ne peuvent franchir à pied les deux seuls ponts difficilement praticables à cause de leur lassante longueur, et qui enjambent la voie royale du Ter.

Guinaw-rails Nord et Sud restent les deux seules communes du Sénégal qui n’ont sur chacun de leurs flancs Est et Ouest, longs de plusieurs kilomètres, qu’une seule porte d’entrée. Si vous êtes véhiculé et voulez vous y rendre, à partir de la route nationale, merci de passer par la mairie de Guinaw-rails Sud, traverser l’autoroute à péage et faire vos zigzags et dénicher les labyrinthes pour vous retrouver. Si vous venez du côté de Pikine Tally Icotaf, une seule issue s’offre à vous : le tunnel, s’il n’est pas inondé. A défaut, passez par l’entrée unique du Sud ou virez du côté Nord mais attentez-vous au casse-tête chinois de l’inaccessible marché Thiaroye.

Voilà le décor rocambolesque de mes deux tristes communes, pour ne pas dire maudites, et qui me sont si chères. Avant de conclure par un appel à nos futures maires, sachez que l’homme qui vous parle n’habite plus ce lieu mais son cœur meurtri y réside toujours pour accompagner sa famille toujours présente ainsi que ses amis de «Ndeer» et de «Guinaw-rails Demb Ak Tey». Je m’en veux aussi de n’avoir pas suffisamment pris de mon temps pour mon terroir, pensant à tort que cela était exclusivement du ressort des politiques.

A nos futurs maires et à mon ami Timbo

Une dizaine de candidats se sont lancés à la course pour les Locales du 23 janvier 2022. Pape Ndiambé Dieng, le maire sortant, Mame Diarra Fam, la députée dite de la diaspora, Waly Ndiaye, le challenger, Aminata Lô, l’ancienne ministre, qui convoitent avec d’autres, le gâteau «empoisonné» de la mairie du Nord. Abdoulaye Diop, maire sortant, Baba Fall et autres, quant à eux, se disputent celui du Sud. Je leur souhaite bon succès et que le meilleur gagne.

Cependant, je remarque qu’aucun de ces prétendants ne figure sur la liste des maires de la Ville de Pikine. Or l’apport de la Ville de Pikine est une condition sine qua non pour le développement de Guinaw-rails. C’est la raison pour laquelle j’interpelle de la plus vive manière, mon ami Abdoulaye Timbo, maire sortant de la Ville, ainsi que les nouveaux prétendants, pour inclure dans leurs programmes prioritaires, le soulagement de Guinaw-rails.

En m’adressant particulièrement à mon ami Timbo, très préoccupé jusqu’ici par les urgences inépuisables de Pikine, la ville qui nous a vu tous naître, l’heure est venue de se tourner un moment vers ce bled de la voie ferrée qui a marqué notre enfance, lui y compris. Guinaw-rails dans son ensemble, est plus peuplé que Pikine Nord, Pikine Est, Pikine Ouest et Pikine Sud, pris séparément. Habitant à deux pas, de l’autre côté des rails, l’actuel maire de la Ville de Pikine a été forgé par le cercle de «Ndeer» sis à Guinaw-rails même, et fondé aux premières heures par une jeunesse qui se voulait saine et debout pour son pays. Mieux, il a sillonné, comme nous dans notre plus tendre enfance, les chemins de fer à la trace du train de marchandises, pour ramasser les graines d’arachide laissées en rade entre les rails, comme pour enchanter les enfants riverains qui en faisaient leur jeu favori. C’est par la suite que nous avions savouré ensemble l’ancêtre du Ter qu’est l’autorail «Arigoni», qui servait au début des années 80, de transport de luxe vers Thiès, Diourbel, Kaolack et que sais-je encore. Le Petit train bleu fit son apparition en 1987, en nous facilitant le transport entre Dakar et Pikine sans les inconvénients d’asphyxie et de bunkérisation occasionnés par le nouveau-né.

Ce rappel est juste pour taquiner mon ami, avec de vieux souvenirs d’enfance, mais aussi pour lui dire qu’il a un grand rôle à jouer pour la renaissance de ces deux communes qui l’ont vu grandir, même s’il habitait à côté. A vos côtés monsieur le maire, nous souhaitons relever ce défi au nom de notre amitié cinquantenaire, pour relooker Guinaw-rails à l’image du standing du Ter. A défaut, d’autres le feront avec nous et en face de vous.
Cheikh Bamba DIOUM
[email protected]

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