«Les enseignants sont nuls !» Et après ?

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La démarche scientifique voudrait qu’après la constatation d’un phénomène ou son observation, que l’on émette des hypothèses quant à tous les tenants et les aboutissants de ce dit phénomène. On ne s’arrête pas là, on expérimente ensuite certaines données relevant de l’objet concerné avant d’aboutir à des résultats qui seront eux aussi interprétés pour enfin passer à la phase de la conclusion.

Voilà une façon très élémentaire de procéder à une étude scientifique d’une question pédagogique. Et cela, les enseignants le savent. Comme dans un laboratoire, ces derniers, à l’image du chercheur, sont quotidiennement plongés dans les bouquins, dans les dictionnaires, dans les recueils pédagogiques, sur l’internet, afin de recueillir le maximum d’informations possibles sur une question inscrite au programme scolaire.

Hormis cette phase de large recherche, les enseignants passent à l’étape de la synthèse des données essentielles avant de préparer une fiche pédagogique qui sera enfin présentée en classe non sans être passée au contrôle du directeur d’école qui appose son visa et peut apporter des correctifs au besoin.

Donc dire que «les enseignants sont nuls» ou qu’ils souffrent de graves carences, c’est jeter l’opprobre sur une corporation qui, en matière de sacrifices, de patriotisme, de professionnalisme, de déontologie, de citoyenneté et d’amour pour leur métier, n’ont absolument rien à apprendre de personne.

En plus, si «les enseignants sont nuls», c’est dire que les professeurs qui les ont eus au collège sont nuls, que les directeurs d’écoles sont nuls, que les inspecteurs formateurs dans les EFI (écoles de formations des instituteurs) sont nuls, que les inspecteurs siégeant dans les IEF (inspections de l’éducation et de la formation) et dans les IA (inspections d’académie) sont nuls… Non Monsieur le Ministre, les enseignants ne sont point nuls ! Ils sont victimes d’un système qui accorde plus d’importance à la politique politicienne qu’à une réelle politique de l’éducation et de la formation.

Monsieur le Ministre, saviez vous qu’au-delà de la formation reçue dans les EFI , les enseignants profitent d’espaces de réflexions comme les cellules d’animations pédagogiques et les séminaires pour améliorer et leur niveau académique et leur pratique de classe. En définitive l’enseignant est mis dans une situation continue de formation.

Alors je me demande quelle mouche a piqué Monsieur le Ministre Serigne Mbaye Thiam pour que, devant la représentation nationale, il se mette à dénigrer une corporation qui n’a que trop subi ! A quelle fin, Monsieur le Ministre, soutenez-vous que (seuls) 9% des enseignants maîtrisent le français, 39% sont aptes à enseigner en français, 7% sont des novices de la langue française ? Pour leur apporter le uppercut fatal, vous soutenez que 29% sont incapables de résoudre des problèmes de mathématiques parfois du niveau du CM1.

«CEY YALLA !» Quand un Ministre avance de telles affirmations dans un secteur aussi stratégique et capital qu’est l’éducation, c’est vraiment scandaleux ! Surtout quand ces affirmations sont prononcées dans un endroit aussi sacré qu’est l’hémicycle.

Quel est l’objectif visé dans cette déclaration ? Est-ce vrai comme le soutiennent certains syndicalistes que c’est pour capter des fonds des bailleurs ? Veut-il accentuer le conflit déjà installé entre les enseignants et les populations ? Nul ne sait ! Ce qui est constant, comme dirait mon frère du barreau, est que Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale du Sénégal a dit au vingt et unième siècle, pendant que les nations concourent vers l’émergence, que «les enseignants du Sénégal sont nuls.»

Je suis désolé, Monsieur le Ministre. Tant que vous ne communiquerez pas la date de ce fameux test dont vous faites allusion, son lieu d’application, l’échantillon ciblé et la pertinence de son choix, l’équipe qui a piloté le test…, je me garde d’accorder du crédit à ce test.

Et puis, si «les enseignants sont nuls», que prévoyez-vous pour corriger cela ? On vous attend sur ce terrain. De grâce, faites comme les enseignants qui au moins savent ce que veulent dire les mots évaluation et remédiation.

Cordialement.

Abdoul Aziz Guèye

Enseignant à l’IEF Mbour2

Membre du MER (Mouvement des Enseignants de Rewmi)

[email protected]

6 Commentaires

  1. Jaajëf waay Aziz.
    En tout cas je connais une partie de la proposition: Si les enseignants sont nuls (le ministre n’a quand même pas dit NUL?) c’est en grande partie à cause des politiques et des politiciens….
    Les plus grands maux dans ce domaine nous viennent des politiques (même si aussi nous devons à certains politiques d’heureuses initiatives)
    Son parti (le PS) est le premier à saboter l’éducation avec les ailes de dinde de Djibo Ka (cas?)Avant lui, Feu Kader Fall, pour faire élire Abdou Diouf en 1983 a recruté trop de …..
    Wade a construit beaucoup de lycée (c’est méritoire) mais Kalidou (un autre cas) disait qu’il préférait que tous les enfants aillent à l’école même avec des enseignants mal formés. Voilà toute l’hypocrisie qui a causé ce que ce ministre fait semblant d’ignorer…
    Et puis, on attend d’une autorité quelle trouve des solutions….
    Merci encore Aziz

  2. en mission dans un village au Sénégal oriental,nous tenions une réunion dans une salle de classe ou une leçon d’observation était écrite au tableau avec 10 fautes. J’ai vite fais d’effacer le tableau avant que les membres de la mission(étrangers) ne s’en rendent compte. Chers enseignants veillez accepter qu’actuellement vous êtes nuls.la profession ce n’est pas seulement réclamer de l’argent.merci

  3. Seulement il faut reconnaître que le Ministre a parfaitement raison car la majorité des enseignants le sont par défaut ils n’enseignent plus par amour du métier mais pour se caser. C’est très rare de voir dans leur plateforme de grève ou revendications la formation. Ce qui revient en tête des revendications c’est l’aspect pécuniaire(indemnités, frais de correction des examens et autres) et toujours la formation vient en dernier lieu sur la liste dans la plateforme revendicative. En tout cas j’aurais préféré que les enseignants ne prennent pas les propos du ministre comme une alerte et non une insulte à leur profession. Il faudra mettre en avant la qualité de formation des enseignants dans vos revendications pour ne pas sacrifier les générations futures, Mais chaque fois qu’une gréve est enclenché que les gouvernants annonce ou commence le paiement de certains frais le mots d’ordre est levé même si c’est le statut quo pour la formation.

  4. la faute à qui? pourquoi personne ne parle plus français? à cause de nos langues nationales pardi! quel est le fonctionnaire capable de recevoir un autre dans son service en ne lui parlant que français, la langue officielle? tout le monde est nul

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