Les notes troublantes

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Les résultats de l’Entrée en 6ème ont pris l’ascenseur en 2010 : 95,18% au niveau national, selon les chiffres de la Direction des examens et concours. Quatre (4) élèves seulement sur cent (100) ont été recalés contre vingt-huit (28) sur 100 l’année précédente. Ce fort taux de réussite est jugé « très satisfaisant » par les autorités de l’Etat, des enseignants et des parents d’élèves.

Cependant, des interrogations demeurent quant à cette évolution exponentielle en l’espace de quelques mois. Que s’est-il passé entre temps ? Quel impact sur l’avenir et le devenir de ces enfants ? Dans tous les cas, la note a été jugée trop élevée et suscite encore des contestations chez nombre d’acteurs du secteur de l’Education. Des enseignants de l’élémentaire parlent de « maquillage des chiffres qui ne reflètent pas le niveau des candidats dans l’ensemble ». L’un d’entre eux sert dans une école privée à Fandène dans le département de Thiès. Pour « ne pas gêner » ses supérieurs, il préfère témoigner sous l’anonymat. Et, c’est pour dire toute sa surprise après l’annonce de ce chiffre faramineux de réussite, estimant que les autorités politiques ont fait « preuve de légèreté » et n’ont fait qu’« ouvrir les vannes »… de la 6ème à ces milliers de candidats. La vérité, selon lui, c’est qu’« on a fait passer des élèves qui n’ont jamais eu les 80 points exigés ».

Un procédé « inquiétant », à ses yeux. En réalité, témoigne l’instituteur, les enseignants ne font que corriger les copies et les envoyer à la tutelle. Son collègue de Pikine confirme qu’il y en a qui ont eu 20 points et qu’on a « laissé partir », alors que dans des centres à Podor, des maîtres se sont indignés que des élèves qui ont 3/10 et 4/10 en classe et « qui n’ont jamais réussi à un seul test » soient sur la liste des nouveaux collégiens.

LA REUSSITE EST AU BOUT… DU DECRET PRESIDENTIEL

La décision de passage du Cm2 à la classe de 6ème appartient au ministère qui choisit selon le nombre de places disponibles. Pour un autre enseignant, « c’est possible qu’il y ait de tels résultats d’autant qu’il n’y a pas eu assez de perturbations dans l’école ». Le ministre de tutelle, Kalidou Diallo, a, dans la même veine, avancé l’argument d’une « année stable », le 22 septembre dernier, sur Rfm pour justifier ce passage massif en classe de 6ème. En revanche, fait remarquer un directeur d’école, contrairement au Bfem où c’est le professeur qui décide de l’admission de l’élève en fonction de la moyenne obtenue après correction des épreuves, l’entrée en 6ème est fonction du nombre de places disponibles dans le Moyen.

Le Directeur de l’enseignement élémentaire, Abdou Diaw, confirme que le décret présidentiel fixe le nombre de places. Un arrêté ministériel daté du 9 septembre 2010 décide en ces termes : « Sont déclarés admis en classe de sixième de l’enseignement session 2010 … » et puis, suit la liste. Et « La réussite est au bout de l’effort », conseil rappelé sur les murs des salles de classe de l’école primaire Ameth Wane de la Médina cède la place à l’autre réussite qui, elle, est au bout… du décret présidentiel. Si la polémique autour du fort taux de réussite est encore sur toutes les lèvres, c’est, en partie, parce que, dans le Moyen, on estime qu’il n’y a pas assez de places comme le soutiennent les autorités politiques. A Pikine, par exemple, on retrouve des classes de 6ème avec des effectifs pléthoriques. De 80 à 100 élèves par classe et un ratio de 3 à 4 élèves par table là où la norme veut que ce soit 2 par table-blanc. Cela, aussi bien dans l’Elémentaire que dans le Moyen. Selon Abdou Diaw, cette année, il y a 127 000 places disponibles au niveau national dans le cycle moyen.

L’école primaire Iba Sène de Pikine respire la propreté en cette veille de rentrée scolaire. « Mais, elle a toujours été comme ça », rectifie son directeur par intérim, Mbaye Thioune. Il est avec un autre enseignant du nom de Cheikh Anta Mbacké, tous les deux assis devant une salle de classe. Le décor et l’ambiance donnent l’air d’une récréation. Dans la cour, des mômes taquinent le ballon en attendant la rentrée effective. « Nous n’avons jamais été en vacances. Les enfants font des cours », renseigne Cheikh Anta Mbacké. Pour lui, « il n’y a pas suffisamment de Cem pour accueillir les élèves. La vérité est qu’on transforme les écoles primaires en collèges ». Pour autant, s’interroge le Directeur de l’enseignement élémentaire, « doit-on préférer un enfant dans une salle que de l’envoyer dans la rue ? Doit-on le laisser dans la rue ou l’exposer à la délinquance au motif de places non disponibles ? Doit-on négliger les démunis au nom des abris provisoires ? » Pour toutes ces préoccupations, l’Etat tente d’apporter des solutions. Sa politique et celle dictée par les bailleurs de fonds sont de rectifier le tir. Le déguerpissement des mendiants, particulièrement des enfants dits « talibé », il y a quelques semaines devrait être comblé par leur recyclage dans les écoles de formation et les daaras modernes. Un autre instituteur est d’avis que, « pour rien au monde, on ne doit renvoyer des candidats parce qu’ils ont échoué à un examen ».

Hamath KANE

lagazette.sn

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