Lettre à Marine Le Pen: Pourquoi cette visite ne me perturbe pas…(Par Adama Gaye*)

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« On peut diner avec le diable mais en ayant une longue cuillère » -Proverbe français.

Il ne faut pas s’offusquer outre-mesure que, bizarrement, Marine le Pen, la patronne du Rassemblement national (RN), choisisse de débarquer, ces jours-ci, dans ce Sénégal dont elle n’a eu de cesse de militer pour l’ostracisation de ses ressortissants établis en France.
A la tête de cette formation politique estampillée, sans complexe, et au grand jour, en figure de proue du racisme institutionnel, désormais profondément ancré en Hexagone, celle qui en dicte l’ordre de marche n’est pas loin de faire dans la provocation en posant ses gros sabots sur notre sol.
Nul ne doute d’ailleurs pas qu’en étant même, pour l’Europe, l’incarnation la plus célèbre de la montée en puissance de la culture xénophobe qui irrigue ses sociétés, quiconque parle en son nom, comme c’est son cas, ne peut qu’être un repoussoir pour les sociétés et peuples africains, ses cibles les plus visibles.
On peut, dès lors, trouver normal que des cris s’élèvent pour s’opposer à sa venue au Sénégal. Les arguments pour justifier une telle posture ne manquent pas pour flétrir ce qu’elle représente: une extrême droite, raciste et xénophobe, sous couvert d’un nationalisme franchouillard, qui ne cache pas son intention de « blanchir » le pays des Gaulles, c’est-à-dire, d’abord, de la dévider de ses composantes noires ou beurs.

Parce qu’elle en est le porte-étendard le plus vocal et visible, Marine Le Pen fait ainsi l’objet de tirs groupés dont la plupart viennent de gauchistes, telle Mimi Touré, ou sont des bien-pensants, comme Fatou Sagna Sow, l’une et l’autre ayant signé des tribunes pour exprimer leur adversité à sa présence, fut-ce pour un séjour de trois jours seulement.

Pour l’essentiel, leurs arguments, fondés sur des émotions fortes, peuvent a-priori sembler alléchants, voire légitimes. Pourquoi, diable, semblent professer, d’une voix identique, ces théoriciens, qui incluent aussi des hommes, d’une hostilité active à cette visite, permettre à une personne dont le discours et l’écosystème politiques se sont longtemps, et jusqu’ici, appuyés sur un racisme abject au mépris des conventions internationales et des lois de la France de fouler notre territoire? En la laissant y entrer, affirment-ils, l’Etat du Sénégal fait montre d’une faiblesse coupable que rien ne peut justifier surtout quand on sait que la Marine ne lésine pas sur les méthodes non-conventionnelles, y compris en déployant des campagnes haineuses principalement dirigées contre des populations noires et arabes, dont la plupart sont d’origine africaine, notamment du Sénégal…

Accorder, sous quelque forme, même en l’ignorant, l’hospitalité à la championne du chauvinisme et de la xénophobie qui en résultent peut, dès lors, être perçu comme l’aveu d’un masochisme indigne d’une nation qui se respecte. Qui n’est pas loin de confiner à une auto-lâcheté. Car, malgré la tradition solidement établie en la matière que revendique notre pays au nom de ce culte de la Téranga (qui en est l’expression locale), son marqueur identitaire, dérouler le tapis rouge ou ouvrir ses bras à l’héritière de la plus grande famille qui ne craint pas d’assumer son ADN raciste, ça la fout mal, au premier abord…
Traversons toutefois ce réflexe hypodermique et, avec calme et gravité, Madame le Pen, je prends la thèse inverse en vous disant que vous avez le droit d’être ici. Après tout, le Sénégal est un pays ouvert à la liberté de circulation des personnes, biens, services et capitaux, sans laquelle la mondialisation ni les échanges, coeur de ce monde pluriel et complémentaire, ne serait pas ce qu’il est. Des lois en définissent d’ailleurs les termes, qui font que, précisément, des peuples…noirs ont la légitimité, eux aussi, d’aspirer à ce droit que vous pouvez exciper en arrivant, sans avertir ni demander quelque autorisation, sur cette terre dont les pratiques culturelles s’inscrivent aux antipodes de votre rhétorique.
Votre venue ici devrait être l’occasion de vous tenir un discours de vérité. En commençant par vous dire que vous ne pouvez pas vouloir le beurre et l’argent du beurre. Puisque vous ne voulez pas des nôtres chez vous, apprenez d’abord à éviter de jouer la carte du….maternalisme pour nous conseiller ce que nous devons faire ou encore à tenter de nous tracer quelque destin que ce soit, même à nous vouloir du…bien, notamment en proposant, au nom de-je-ne sais quelle base, que notre pays, parmi une cinquantaine sur le continent, devienne un membre permanent d’un Conseil de Sécurité de l’Organisation des nations-unies réformé. Dans uen émission que je viens de faire sur Russia Today, sur le sujet de la représentation de l’Afrique dans les instances internationales, je n’ai pas manqué d’en flétrir le populisme qui le porte et dont Macky Sall, champion des viols des droits humains, s’en fait, par une dérivation digne de la pire politique de l’autruche, s’est fait le porte-voix.
Votre séjour ici doit être l’occasion de vous dire surtout que vous devez assumer les conséquences de votre extrêmisme. Par la pédagogie intellectuelle. Comme a su le faire un certain Emmanuel Macron, à chaque fois qu’il vous a affronté votre débatteur lors des dernières présidentielles françaises. C’est par ses punchs bien sentis qu’il vous a acculé à larguer votre volonté, naguère affirmée, de quitter la zone Euro.

On peut aussi penser que la déroute du Brexit, outre-Manche, longtemps symptômatique du discours nationaliste, par l’abandon des cessions de souverainetés induites par l’adhésion au projet fédéral Européen à travers l’Union Européenne, n’a pas été étrangère à votre recul en rase campagne sur vos thèses souverainistes. Vous n’êtes plus aussi disposée, comme ce le fut un moment, de repliquer les théories des Ngel Farrage, David Cameron ou Boris Johnson, puisque les Brexiters sont maintenant en piteux état, ayant fait de ce qui fut une grande économie une qui n’en mène plus large au milieu des débrayage et de l’effondrement de ses agrégats, de sa Livre Sterling et de sa City, hier la place financière la plus puissante au monde après New York mais désormais tenue en paria…
Je ne dis pas qu’on doit s’asseoir avec vous pour vous mettre dans un coin du ciboulot que les conséquences de votre racisme doivent pareillement se payer cash. Il n’est en effet pas question d’accepter que vous jettiez à l’océan nos vaillant (e) s compatriotes (dont beaucoup portent une nationalité Européenne) sans que votre pays se prépare à devenir une nation de catégorie marginale en perdant son avantage exorbitant, son seigniorage, sur notre monnaie, le Franc Cfa, aux mains de votre Trésor, et sur nos économies africaines où les entreprises françaises sont en roue libre.

La question qui en découle est celle de savoir si Madame Le Pen vous mesurez que le rejet des nôtres sera frappé par la même clause de réciprocité que l’on retrouve dans les conventions internationales, y compris celles de 1966 sur les droits civils et politiques que sur celle de 1969 sur la non-discrimination, sans compter la clause de la nation la plus favorisée de l’Organisation mondiale du commerce (Omc).
On entre, voyez-vous, dans un cercle vicieux, dangereux. Au terme duquel, si votre logique est suivie, la France perdrait tout son panache, du reste usurpé, puisqu’après la deuxième guerre mondiale, défaite, elle n’eut droit à un siège chez les vainqueurs et au Conseil de sécruité de l’Onu, au nom d’une nouvelle architecture internationale, que par…charité.
La France, sans l’Afrique, n’est qu’une voiture sans carburant, disait, vous vous en souvenez, feu le Président Omar Bongo, dans son langage vert mais souvent sensé.
Soyez, alors, un peu moins martiale dans vos propos. A la lumière de son potentiel, de sa prise de conscience et de son positionnement géoéconomique, voire géopolitique, l’Afrique n’est plus ce continent damné mais celui du futur. L’ultime frontière du développement. Malgré les errements des dirigeants qui, à la tête de ses Etats, ne réalisent pas à quel point elle a la capacité, comme la Chine au début de son ouverture et sa modernisation, de dire non et dicter les termes de sa coopération avec le reste du monde, il n’est pas excessif de croire que le jour n’est plus loin où, à genoux, des pays, comme le vôtre, qui ont trop longtemps été des passagers clandestins, vont devoir s’agenouiller pour faire acte de repentance et demander sa pénitence.
En un mot, permettez que je vous le dise, sans détours: c’est votre pays, votre peuple, qui a besoin de nous, pas l’inverse. Le jour où l’Afrique se réveillera, et ce n’est pas lointain, on peut, paraphrasant Alain Peyrefitte, le monde, d’abord la France, tremblera.
Madame le Pen, vous n’êtes pas si folle que ça. Vous jouez gros en continuant cette insensée, absurde et perdante stratégie du racisme. Certes, au fil des ans, par les votes de vos compatriotes tenaillés par la perte de leurs avantages, de cette vie où tout semblait facile sur le dos des trente glorieuses post-deuxième guerre mondiale, vous avez pensé, non sans raison parfois, que la voie vers le sommet du pouvoir se jouait par le cartiérisme, sinon le fascisme, à la sauce Hitlérienne;
Vous n’êtes pas dupe. Votre père, Jean Marie l’a tenté mais a fini par subir le complexe d’Oedipe, sous votre épée parricide…Vous lisez aussi les votes: qui n’a pas entendu votre mot tremblant de reconnaissance envers les Ultramarins, de la Guadeloupe à la Martinique, qui vous ont donné, lors de la dernière élection, des suffrages majoritaires qui vous sont refusés sur le sol national? Vous en êtes, du coup, devenue presque…internationaliste au point de saluer Miss France, une noire venue de Guadeloupe, ce qu’en d’autres temps guère lointains vous n’auriez jamais fait. Vous n’oséz pas vous en prendre à Mbappé, non plus, parce que la France, plurielle, vous l’aurait fait payer tout de go. Demandez à Noel Le Graet, qu’une saillie contre Zidane, un Beur, a fait sauter de son piédestal à la tête de la Fédération française de football? Vous semblez donc réaliser que ça n’est pas, après tout, une mauvaise idée de vous imprégner, de vous faire voir, en Afrique.

Encore un effort. C’est timide, mais les plus lucides vous voient venir. Vous serez gauche, sans doute, mais c’est, comme on dit chez nous, qu’en forgeant qu’on devient forgeron. Vous allez apprendre à être moins martiale et convaincue d’avoir raison. La tarte de l’humilité est une solution pour réduire votre racisme qu’une arrogance sans socle vous a si longtemps fait croire qu’il était un atout. Votre pays n’a qu’un avenir; son déclassement. Sauf à se rabibocher, du mieux qu’il peut, vous en tête, avec ces pays des antipodes sans lesquels il sera bientôt en voie de sous développement. En êtes-vous consciente?

Madame le Pen, permettez, en concluant, que je vous raconte une anecdote, qui remonte à mes années d’étudiant en journalisme, alors qu’en 1980 nous nous trouvions en stage à l’Institut français de presse, à l’Université Paris2, Assas, alors coeur de la droite extrême dans le milieu étudiant français avec la domination du Groupe d’Union Défense (Gud) de triste mémoire,

C’est l’histoire d’un de mes meilleurs amis, aujourd’hui disparu, du nom d’Alioune Touré Dia. Nous formions une bande d’intrépides futurs journalistes.

Un jour, sur le campus de l’Université, je le vis, guilleret, me heler avec une prhase assommante: « Gaye, je viens de la Celle St-Cloud où j’ai recueilli une interview de Jean Marie le Pen! ». C’était une époque où nul n’osait même pas prononcer le nom de Le Pen, y compris sur les médias français, et donc pas s’asseoir avec votre père.

Mon ami le fit et publia, dans un journal Sénégalais, Zone 2, la fameuse interview. Tout le monde faillit s’étrangler. La lepénisation des esprits, sa banalisation, a, depuis, fait un grand bon en avant mais de là à s’imaginer que votre idéologie est fréquentable, c’est se mettre le doigt au fond de la rétine…

Un an plus tôt, dans le même groupe que nous représentions, un autre journaliste prospectic du Cesti, Ibrahima Fall, était allé à Neauphle le Château, où il recueillit une autre interview révolutionnaire: celle de l’Ayatollah Khomeyni, qui, de là bas, allait peu après faire tomber l’une des plus anciennes dynasties régnantes de la planète -les Pahlavis.

Parce que, comme mes amis, défunts, je crois à l’audace sans concessions, je vous dis, passez un bon séjour mais rentrez avec des idées moins sottes que celles que vous avez amenées ici voici trois jours.

En êtes-vous capable? That is the question, aurait dit Shakepeare, Ma’am!

Adama Gaye est un opposant en exil du régime de Macky Sall.

Ps: Une autre raison pour vous parler, c’est de vous demander de dire à Macron et à vos contribuables que le régime de Macky Sall a partagé avec sa bande de pilleurs les fonds, des milliards de nos francs, du Covid. Exigez que la transparence se fasse sur ce dossier sombre de la coopération qui explique du reste que, victimes de la mal-gouvernance, des peuples de chez nous quittent nos terres abondantes pour mener des vies de misères sur les vôtres, rèches et inhospitalières..
Tant que les dirigeants de vos pays, Macron en tête, continueront de couvrir les criminels qu’ils contribuent à installer et conforter au pouvoir, le flux des migrants ne tarira pas, ni, comme vous en rêvez, le mouvement inverse ne pourra se faire.

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