NDIGËL* POLITIQUE Fortune diverse d’une vieille relique

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Depuis quelques décennies le ndigël politique a montré ses limites. Une bonne frange de l’électorat ne se détermine plus en fonction des orientations politiques des marabouts.

Abdoulaye Wade a longuement évoqué les religieux dans son discours du 23 juillet dernier. Un appel du pied en direction de la Présidentielle de 2012. Il compte sur une consigne de vote en sa faveur ou ndigël. Mais ce mot d’ordre est-il encore opérationnel ? L’émergence d’une nouvelle conscience citoyenne semble avoir raison des consignes de vote des marabouts. Déjà en 1988, la fameuse phrase de Serigne Abdou Lahat Mbacké avait fait tilt. Dans son discours passé et repassé à satiété par les médias publics, le Khalife général des mourides ordonnait : « Celui qui ne votera pas pour Abdou Diouf pendant ces échéances électorales aura trahi Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la tariqa ». Mais, ce mot d’ordre de vote sera émoussé par les soubresauts d’un contexte économique difficile et d’une situation sociale tendue. La consigne du Khalife tant respecté est contestée au sein même des cercles mourides. A l’arrivée, le candidat sortant Abdou Diouf remporte de justesse cette joute électorale au premier tour avec seulement 50,3 % des voix. Une situation qui fait dire à Momar Coumba Diop dans son ouvrage, Le Sénégal à l’heure de l’information, que « la fin des années 1990 se caractérise par l’affaiblissement des alliances stratégiques entre les chefs de confrérie et le pouvoir central ». C’est le début du déclin. Le crépuscule du ndigël politique. Durant tout son ministère, Serigne Saliou Mbacké s’est abstenu de donner une consigne de vote. La même posture est constatée du côté de Tivaouane. En revanche, l’absence d’un ndigël politique n’a pas mis fin à l’alliance politico-maraboutique. Au contraire, les marabouts continuent de jouer des rôles de médiation et d’intermédiaire dans le jeu politique.

Alternance du ndigël

L’élection présidentielle de 2000 a sérieusement sapé la légitimé du ndigël politique. Le premier acte d’une série de revers maraboutiques se joue au Stadium Marius Ndiaye lorsque Serigne Modou Kara a été publiquement hué par ses talibés. C’est au moment d’annoncer son soutien à Ousmane Tanor Dieng que le guide a essuyé une salve de huées. Le désaveu est cinglant. Lors de ces élections, le Khalife général des tidjianes Serigne Mansour Sy, Abdou Aziz Sy junior, Modou Kara Mbacké, Mamoune Niass, entre autres, étaient tous acquis à la cause socialiste. N’empêche les consignes de vote et l’appui infaillible d’une bonne partie de la classe maraboutique n’ont pas pu tirer d’affaire le candidat Abdou Diouf. Elles n’ont pas évité au candidat Diouf de subir son premier revers électoral. L’Alternance était irréversible et les chefs religieux qui ont ramé à contre-courant de l’Histoire l’ont appris à leurs dépens. A partir de cette date, l’électorat sénégalais a montré les premiers signes d’une maturité politique en faisant la distinction nette entre le ndigël spirituel et le ndigël politique. « Les fidèles acceptent sans contester les ndigël qui concernent la religion, ils refusent de façon tout aussi nette que la sacralité du ndigël soit galvaudée dans des affaires profanes. Leur attitude, de ce point de vue, s’inscrit pleinement dans la modernité occidentale », écrivent Jean-Émile Charlier et Hamidou Nacuzon Sall dans leur recherche intitulée Accommoder la modernité : le cas du Sénégal.

Mais, après son accession au pouvoir le président Abdoulaye Wade s’est toujours gardé de faire une telle lecture de l’Histoire. Durant 11 années passées au pouvoir, il s’est appuyé sur des béquilles maraboutiques. Quitte à piétiner les règles élémentaires de la démocratie et de la laïcité. Il n’a jamais fait mystère de son appartenance au mouridisme. Mieux, il demande publiquement à tous ses ministres « d’aller à Touba pour recueillir la bénédiction du khalife avant d’entamer un projet important ». Le parti pris est manifeste. L’appel du pied clair. Il est sans doute convaincu de l’opérationnalité du ndigël politique. A la présidentielle de 2007, le candidat Wade s’est procuré le soutien de certains cercles maraboutiques à l’image de Bethio Thioune et Modou Kara. A cela s’ajoutent les propos de Serigne Saliou Mbacké faisant référence aux chantiers de Touba qui seront achevés par Wade. Déclaration interprétée comme une consigne de vote. Avec tous ces soutiens réels ou supposés, la victoire sans appel de Wade au premier tour a laissé croire à la survivance du ndigël. Après sa victoire, Me Abdoulaye Wade a décoché « une flèche mortelle » à l’endroit de Cheikh Bethio Thioune. Dans un entretien avec le défunt Serigne Saliou Mbacké, le président interpelle le Cheikh : « arrête de dire partout que c’est toi qui m’a élu ». Un manque de reconnaissance qui a révulsé le marabout. Autant de raisons qui fondent à croire que l’alliance politico-religieuse a encore de beaux jours devant elle. En dépit des limites du ndigël notées au cours de la dernière décennie.

*Consigne ou mot d’ordre émanent de religieux et destiné aux disciples

Baye Makébé SARR

lagazette.sn

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