Origine des langues: c’est en Afrique que l’homme a parlé

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Et dire qu’il s’en trouve pour affirmer, en plein milieu de l’université de Dakar, que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ! Pourtant, sur l’origine des langues, des chercheurs du département de psychologie de l’université d’Auckland viennent de publier simultanément deux études dans les magazines Science et Nature. La première question était : où sont apparues les langues humaines ? Réponse : en Afrique.
Origines génétiques de l’homme : l’Afrique

L’article qui pointe le continent noir comme origine probable de tous nos discours, y compris – triste revers de médaille – ceux vantant la supériorité de l’homme blanc, est signé Quentin Atkinson. Il s’est penché sur le point de départ de l’histoire des langues modernes : le lieu précis de leur apparition.

Un des scénarios les plus probables – jusqu’à preuve du contraire, comme toujours en sciences – est celui d’une origine unique des langues, qui seraient apparues à peu près en même temps qu’Homo sapiens. On pense aujourd’hui que notre espèce est née il y a environ 100 000 ans, quelque part en Afrique subsaharienne, avant de s’éparpiller aux quatre vents sur les cinq continents. En désintégrant au passage les populations indigènes, dont les Neandertal en Europe.

Cette origine africaine de l’homme moderne est appuyée depuis 2005 par plusieurs comparaisons génétiques entre les populations humaines. Ensemble, elles nous suggèrent le processus suivant :

Il existe une corrélation entre les différences génétiques mesurées entre les populations et leur éloignement géographique : plus les humains sont distants, plus leurs gènes divergent.

Les sapiens se sont sûrement répandus par à-coups de petites populations qui avancent puis s’isolent des autres, emportant à chaque fois un petit nombre de personnes, donc une faible diversité génétique : il y a moins de choix dans une poignée de 100 individus que dans un gros troupeau de 10 000.

L’expansion géographique s’est donc accompagnée d’une perte continue de diversité génétique, par isolements successifs de petits groupes.

On doit logiquement trouver la plus faible diversité dans les régions les plus récemment colonisées, et la plus grande diversité dans les zones proches de la naissance de notre espèce. Dans ces régions, la perte progressive liée au voyage n’a pas eu lieu.

Et où trouve-t-on aujourd’hui le plus grand bazar génétique ? En Afrique subsaharienne, bien sûr. C’est donc là-bas que les données génétiques placent l’origine d’Homo sapiens. Il paraît même qu’au départ de leur odyssée planétaire, ils n’étaient pas plus de 10 000 !
Origines linguistiques de l’Homme : encore l’Afrique

Et qu’en est-il du langage ? Sur le sujet, on savait déjà que plus une population regroupe de gens, plus la diversité des phonèmes, les sons élémentaires qui composent le langage (comme « on », « beu » ou « th ») est grande. A l’inverse, un ramassis de 50 primates bipèdes parle un langage pauvre en phonèmes.

Du coup, si l’expansion humaine s’est faite par déplacements et isolements successifs de petites populations, alors une perte de diversité linguistique a dû avoir lieu, exactement comme celle déjà observée avec nos morceaux d’ADN.

D’où l’idée de Quentin Atkinson de réaliser une comparaison à grande échelle. Sur un lot de 504 langues réparties sur la planète, il a cherché, par des calculs mathématiques, un lien entre la taille des populations, celle de leur répertoire de phonèmes, et la distance qui les sépare du point d’origine des 7 000 langues aujourd’hui répertoriées.

Mais quel est ce point d’origine ? Pour le savoir, Atkinson a testé ses calculs en partant de 2 650 lieux différents. Et où a-t-il vu les meilleurs résultats ? En Afrique. Plus précisément, sur une large bande côtière qui court du Sénégal à l’Afrique du Sud.

Ses calculs indiquent également que la plus grande diversité de phonèmes se rencontre en Afrique, et la plus faible en Amérique du Sud et en Océanie, régions que l’homme aurait colonisées en dernier. Le résultat concorde avec le modèle issu des données génétiques, et confirme l’idée d’une origine commune à toutes les langues actuelles, située comme celle d’Homo sapiens en Afrique subsaharienne.

Tour à tour les fossiles, les gènes et désormais les langues, indiquent ainsi la même direction pour placer nos origines : l’Afrique. C’est là que seraient apparus les Australopithèques, il y a plus de 4 millions d’années ; puis les premiers Homo, voici 2,5 millions d’années ; puis l’homme moderne, il y a 100 000 ans. Avec ses langues, ses pierres de taille haute technologie et ses questions existentielles pour savoir si les Néandertaliens – la question ne se posait pas encore pour les femmes – avaient une âme.

L’homme africain est donc bien entré dans l’Histoire. Depuis très longtemps. Il pourrait même être, si l’on en croit toutes ces récentes découvertes, le fondateur de toute l’Histoire de l’humanité…

Correctif :

L’étude présentée ici est, comme toute étude scientifique, contestable… Et contestée ! On trouvera par exemple sur le site de l’université de l’Oregon une critique de l’article d’Atkinson et de ses conclusions, écrite par un des spécialistes ayant « jugé » l’article pour le compte du magazine Science, avant publication. Merci aux lecteurs qui ont relayé cette information !

D’où viennent les langues humaines ? Sur cette question toujours sans réponse précise, des chercheurs du département de psychologie de l’université d’Aucklandviennent de réaliser un joli coup double. Un article dans Science sur l’apparition des langues modernes, et un autre simultanément dans Nature. La deuxième question était : les langues ont-elles des règles communes ?

Les langues sont nées… et après ?

Contrairement à la tradition sportive néo-zélandaise – le rugby – où l’essai est souvent collectif et la transformation toujours un coup de pied individuel, dans le travail des chercheurs c’est d’abord Quentin Atkinson qui a écrit seul dans Science, puis deux de ses collègues qui ont publié leur étude dans Nature : Simon Greenhill etRussell Gray, en collaboration avec deux autres chercheurs basés aux Pays-Bas,Michael Dunn – auteur principal de l’article – et Stephen Levinson.

La transformation collective ne porte pas sur l’origine des langues, mais sur ce qui se passe ensuite : comment les langues ont-elles évolué ? Comment sont-elles construites, organisées ? Comment leur structure a-t-elle changé, au fil des millénaires, par évolution culturelle ? Sur ces questions, les scientifiques ne sont évidemment pas d’accord, sans quoi ils n’auraient aucune raison valable de sortir du lit le matin.

Les partisans de la linguistique générative de Noam Chomsky et ceux de la démarche statistique de Joseph Greenberg, par exemple, discutent pour déterminer ce que les langues ont en commun :

  • sont-elles issues d’une même capacité génétique au langage, partagée entre tous les êtres humains, auquel cas le travail du linguiste est de trouver les règles universelles absolues communes à toutes les langues (version Chomsky) ?
  • ou bien ne peut-on au mieux que déterminer, par de vastes calculs statistiques, des grandes catégories de règles communes, sans vraiment accéder à un système absolument universel qui n’existe peut-être même pas (version Greenberg) ?

Des règles (supposées) universelles

Dans les deux cas, on prévoit l’existence de certaines règles universelles, par exemple celles qui dictent l’ordre des mots. Quand une langue est construite autour de la règle « les mots importants d’abord », on y trouve, systématiquement, à la fois l’ordre verbe/objet – « je frappe la balle » – et préposition/nom – « entre les poteaux ».

Si la règle dit, au contraire, que les mots importants arrivent à la fin, alors les phrases ont une structure comme « les poteaux entre/la balle je frappe ». C’est le cas du bengali ou du comanche, par exemple.

Et pour ne rien arranger, les deux règles peuvent évidemment se croiser : « les poteaux entre je frappe la balle », ou « la balle je frappe/entre les poteaux ». En revanche, si la balle passe à côté des poteaux, c’est plus simple : vous ne marquez pas de point.

Si l’on en croit Chomsky ou Greenberg, certaines règles d’ordre sont universelles et liées entre elles. Au cours de l’évolution des langues, tout changement dans l’une a dû s’accompagner automatiquement d’un changement dans l’autre. Si un jour, un gamin rebelle décide d’inverser le sens du verbe et de l’objet dans ses phrases, il doit aussi inverser une ribambelle d’autres ordres de mots : le nom et la pré (ou post) position, le nom et le génitif, etc.

Pour vérifier cette hypothèse, les quatre psychologues ont comparé les structures de 300 langues issues de quatre grandes familles linguistiques :

Ils ont surtout cherché des mécanismes d’évolution commune des règles : quand celle pour le couple verbe/objet change, celle pour le couple nom/génitif suit-elle automatiquement le mouvement ?

Ni l’un ni l’autre, bien au contraire

Eh bien non. Cela ne marche dans aucune des quatre familles testées. D’une part, les règles d’ordre qui devaient changer toutes ensemble entre deux langues cousines ne sont presque jamais reliées, dépendantes les unes des autres. Quand l’une change, l’autre fait comme elle veut !

Par ailleurs, des règles qui, selon les théories en vigueur, devaient être indépendantes et évoluer effectivement comme bon leur semble… se trouvent au contraire reliées.

Alors bon, voilà, il va falloir tout reprendre. Ce qu’on croyait être universel ne l’est pas, ce qu’on croyait simple se révèle compliqué, les règles qu’on pensait établies s’écroulent, les belles idées de Chomsky et Greenberg sont à relativiser, et la diversité observée entre les langues humaines n’est pas soumise à des mécanismes universels. Les langues n’en font qu’à leur tête et changent quand elles veulent, comme elles veulent, au gré d’une évolution culturelle extrêmement libre et chaotique.

Quelle belle anarchie mise à jour par les chercheurs hollandais et néo-zélandais ! De quoi décourager les linguistes et leur donner envie de botter, non pas entre les barres, mais en touche ?

Qu’on ne s’y trompe pas. Les théories sont, par nature, faites pour être confirmées ou contredites, au gré des expériences. Nul doute que ces découvertes vont rapidement en attirer de nouvelles. D’ici là, quand on leur demandera d’où viennent les langues, les chercheurs continueront à les donner… au chat.

 

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