Talla Sylla (Leader du Jef-Jel) : ‘Abdoulaye Wade, c’est fini !’

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A Paris où il est en mission, Talla Sylla est sorti de son mutisme entretenu. Et le prétexte, c’est le discours du président Wade. Pour le candidat de Benno Taxawal Senegaal, il faut prendre le président de la République en au mot. Puisque Wade envisage d’organiser des élections présidentielles anticipées, Talla Sylla estime qu’il n’y a que trois cas de figure qu’offre la Constitution dans cette perspective : décès, empêchement définitif et démission. Pour lui, le président doit démissionner s’il veut rester logique avec son discours. Toutefois, Talla Sylla considère que l’on doit ‘organiser le départ du président’. Il est aussi revenu sur les évènements des 23 et 27 juin dernier pour expliquer son silence. Il a aussi dit un mot sur Karim Wade.

Wal Fadjri : Quel commentaire faites-vous sur le discours du président Wade tenu avant-hier ?
Talla SYLLA : La seule chose qui m’intéresse, au-delà de l’aspect théâtral, c’est que nous avions exigé la démission du président de la République depuis le 18 mars 2011. Abdoulaye Wade, au cours de son allocution, a dit aux Sénégalais qu’il était prêt à organiser une élection présidentielle anticipée. Il est clair que cela signifie qu’il est dans les dispositions de démissionner parce que la vacance qui doit être constatée par le Conseil constitutionnel pour qu’une élection puisse être organisée, n’est pas possible que dans trois cas de figure. C’est le décès – nous osons espérer qu’il n’est pas sur le point de s’immoler par le feu -, l’empêchement définitif et la démission. Donc le cas le plus probable, c’est qu’il envisage de démissionner et redevenir un simple citoyen. En ce moment, s’il veut être candidat aux élections anticipées, la question de l’irrecevabilité de sa candidature est toujours posée dans les mêmes termes. La seule chose qui change, c’est que cette question qui était prévue pour être examinée au mois de janvier, va se faire beaucoup plus tôt. C’est la seule chose qui change. Mais fondamentalement, ça ne change absolument rien. C’est la raison pour laquelle, la seule chose que je retiens du discours du président de la République, c’est qu’il dit : ‘Je suis prêt à organiser des élections anticipées.’ Je lui dis : ‘Chiche ! ’.

Est-ce que vous le croyez sincèrement quand il dit qu’il veut organiser des élections anticipées ?

Ce serait une raison supplémentaire d’exiger sa démission. On ne peut pas comme ça se jouer des citoyens qui vous ont tout donné. Il a déjà dit qu’il était un homme nuancé. Il l’a dit à plusieurs reprises. Vous savez que je le connais. Nous l’avons lu et entendu quand, en 2007, au lendemain de l’élection présidentielle, il avait dit qu’il avait lui-même bloqué les mandats à deux. Hier, il a dit que s’il l’avait dit, il le retire. (…)

Vous croyez que le président Wade va anticiper les élections ?

Il l’a dit, je dis : ‘chiche’. Il a dit que l’opposition a peur des élections. Mais, on verra qui a peur des élections. Notre conviction profonde, que nous avons affirmée depuis longtemps, est que l’unique ‘non-candidat’ au Sénégal, c’est Abdoulaye Wade. J’avais ajouté lors du Conseil national du Jëf-Jël à Guédiawaye, qu’Abdoulaye Wade savait qu’il ne pouvait pas être candidat. Quand, par la suite, on a publié une vidéo le montrant faire cette déclaration, je m’étais même dit que ce n’était pas nécessaire dans la mesure où on n’en avait pas besoin. Au-delà de ce qu’il avait dit, les constitutionnalistes sénégalais et autres experts sont pour l’essentiel unanimes : Abdoulaye Wade ne peut plus être candidat. Alors maintenant, c’est son problème s’il devait dire à nouveau aux Sénégalais que, au fond, il ne faisait que raconter que des histoires. Il nous a habitué à ça.

A quoi vous attendiez-vous de lui avant-hier ?

Je me suis fait une religion sur Wade depuis très longtemps. Depuis qu’il est président de la République, j’ai pris l’initiative une seule fois de le rencontrer: c’était en septembre 2005 parce qu’il venait de décider de proroger le mandat des députés. J’avais estimé que c’était extrêmement grave, que c’était aussi grave que ce qui était passé avec le ticket présidentiel. Parce que le mandat des députés est exclusivement décerné par le suffrage universel. Je lui avais dit, à l’époque, que seul peuple, par référendum, pouvait proroger le mandat des députés. Il avait dit que le référendum est une option qu’il faut envisager. Il avait même dit qu’il allait l’organiser au mois de février 2006. Finalement, il a opté pour le passage en force en se servant de sa majorité mécanique et électronique au niveau de l’Assemblée nationale. Depuis cette date, j’ai estimé que je n’ai plus rien à attendre d’Abdoulaye Wade. J’ai eu à lui dire que l’arrogance est le défaut majeur qui conduit fatalement à des réussites mineures. Une réussite mineure étant un échec fatal pour un arrogant majeur. Nous sommes dans le cas de figure.

Pensez-vous qu’il a tiré des leçons des évènements des 23 et 27 juin ?

Si effectivement il démissionne tel que je crois que son adresse semble donner l’indication, cela voudra dire qu’il a compris, qu’il n’a pas voulu avouer, qu’il a voulu simplement éviter de se voiler la face, que tout ce cirque qui a été organisé veut dire : ‘Voyez, j’ai des forces nécessaires pour mener le combat, pour tenir et pour faire face’. Mais, au fond de lui, cela voudrait dire qu’il a compris que c’est terminé parce que, en réalité, Abdoulaye Wade, c’est fini. Alors notre conviction est que, puisque c’est terminé, il faut juste organiser le départ d’Abdoulaye Wade. C’est la raison pour laquelle, dès le mois de janvier, nous avons pris l’initiative de proposer ce plan de transition pacifique. Vous savez que le peuple sénégalais est un peuple pacifique. Mais nous avions dit qu’il serait réducteur de prendre un peuple silencieux pour un peuple qui se tait. La suite nous a donné raison. Les ruses, les menaces, la répression ne serviront à rien. J’ose croire qu’il a enfin compris, même s’il cherche à jouer, peut-être, avec ses proches pour juste sauver la face. Libre à lui. Mais le Sénégal appartient à tous les Sénégalais et nous devons tout faire pour sauter l’étape de la violence ; nous devons tout faire pour conduire la vie démocratique du Sénégal dans des conditions pacifiques. Nous y avons tous intérêt. C’est la raison pour laquelle nous avons compris le message. Nous attendons juste qu’il pose les actes puisqu’au fond il n’a pas besoin d’échanger avec l’opposition pour organiser des élections anticipées. Il lui suffit juste de démissionner. Pour le reste, les modalités sont prévues par la Constitution et par le code électoral. Une fois qu’il aura démissionné, le Conseil constitutionnel va constater la vacance du pouvoir et prendra les dispositions conformes à la charte fondamentale. Et le Sénégal s’organisera à travers ses différentes couches pour poursuivre sa vie démocratique dans la tranquillité, dans la quiétude.

Est-ce que ce n’est pas une manière pour lui de lancer un défi à l’opposition pour détourner l’attention des gens sur ce qui se passe au Sénégal ?

Si c’est un défi qu’il lance à l’opposition, il se trompe lourdement. Parce que ce serait avoir la faiblesse de penser que son problème, c’est avec l’opposition. Wade n’a pas de problème avec l’opposition sénégalaise, mais il a un problème avec le peuple du Sénégal. C’est ce qu’il faut qu’il comprenne. C’est le peuple sénégalais qui souhaite être dirigé autrement et par d’autres leaders. Abdoulaye Wade a largement fait son temps. Il doit partir. Les défis, les bravades, les fanfaronnades, les représentations théâtrales ne valent rien. (…). Mais, il est clair que Wade doit partir. C’est mieux pour lui et pour le pays.

‘Wade n’a pas de problème avec l’opposition sénégalaise, mais il a un problème avec le peuple du Sénégal.’

Vous avez dit que la lettre de Karim Wade signe la mort de la dévolution du pouvoir au Sénégal. Le président Wade l’a aussi dit, mais autrement. Vous y croyez ?

En réalité, il y a plusieurs années que je dis aux Sénégalais que le seul projet que Wade gère avec rigueur et méthode, c’est le projet de dévolution monarchique. Mais le peuple sénégalais s’est chargé, de façon massive, de lui montrer qu’il était déterminé à garder sa souveraineté. C’est ce qui s’est passé le 22 mars 2009, ce qui s’est passé au cours des évènements du mois de juin 2011. Ils en ont tiré les leçons à mon avis. Ce projet concernait le père et le fils. Le fils a écrit ; le père a parlé. Et tous les deux ont dit, face au peuple, qu’il n’est pas question de dévolution monarchique. Dont acte ! C’est fini ! C’est terminé ! Ils n’ont jamais été aussi clairs. Jamais ! A contraire, ils ont posé beaucoup d’actes qui ont laissé penser à tous les citoyens sénégalais que leur préoccupation, c’était de gérer leurs arrières. Maintenant, il est clair qu’on ne gagne jamais un combat contre un peuple. (…). Si on m’avait écouté, au mois de janvier, on aurait fait l’économie des évènements du mois de juin.

‘Quand je discutais avec ses parents des problèmes du pays – alors que je ne suis plus âgé que lui que de deux ans – Karim Wade jouait dans la piscine’

Est-ce que c’est la raison pour laquelle on ne vous a pas entendu sur les évènements du mois de juin et qu’on ne vous a pas aperçu lors de la manifestation devant l’Assemblée nationale ?

J’avais dit que j’avais suffisamment parlé et dit ce que j’avais à dire. Le 23 juin, la parole était au peuple. Et je ne voulais pas faire de la récupération, je ne voulais pas y contribuer.

(…) Par ailleurs, le 23 juin m’a trouvé à l’extérieur du pays. C’est la raison pour laquelle, physiquement, je n’étais pas présent devant l’Assemblée nationale. Mais, si les Sénégalais se sont interrogés sur mon absence physique, c’est précisément qu’ils étaient tous convaincus que c’était quelque part l’aboutissement d’un de mes combats. Cela fait des années que je dis aux Sénégalais qu’Abdoulaye Wade ne connaît que ce langage. (…).

Du temps du parti socialiste, nous dénoncions, avec Wade, le parti-Etat, nous avons eu droit à un homme-Etat. Quand un homme devient l’Etat, du sommet de ce qui n’est plus qu’une République de façade, jusque dans la cuisine de la manière, il y a de quoi réajuster les cordes vocales pour dire non. Et c’est ce que nous avons fait. (…). Et j’en profite pour interpeller les partenaires du Sénégal que sont l’Union européenne, les Etats-Unis, pour demander le gel des avoirs des despotes qui dirigent le Sénégal à l’heure actuelle. Il n’est pas nécessaire d’attendre toujours la chute pour le faire. Je pense qu’il est bon également d’anticiper parfois et de montrer qu’on n’est pas complice de ce qui se prépare. (…). En 2007, nous avons lancé, avec des partis de l’opposition, l’initiative, pour la démission du président Wade. Preuve que la question n’est pas nouvelle. Aujourd’hui, tout le monde dit : ‘Wade dégage !’. C’est pourquoi je vous ai dit que je ne suis pas né le 23 juin 2011. (…).

C’est la raison pour laquelle, le 23 juin, c’était un jour de jouissance. J’étais heureux ; j’étais content non point parce que des Sénégalais étaient blessés, non point parce que des biens étaient détruits. Je ne partage pas une telle démarche. Je ne suis pas pour la violence. Si depuis le mois de janvier, j’ai dit qu’il faut poser des actes pour sauter les étapes de la violence, c’est précisément parce que je sais qu’on ne peut rien construire dans un contexte de violence. Mais simplement parce que le peuple sénégalais détenteur exclusif de la souveraineté a pris conscience, s’est levé et a pris son destin en main. C’est ça la révolution. (…) Les Sénégalais ne cherchent plus à élire un président de la République. L’ère de la chefferie est révolue au Sénégal. (…)

Que pensez-vous de l’appel de Karim à l’armée française ?

Je dois juste dire qu’en 2000, j’avais accordé une interview au journal Le Quotidien où je disais que ces gens-là ont intérêt à faire attention parce que le jour où le peuple va se lever, ils n’auront plus d’endroit où se cacher. C’est ce que s’est passé. Karim Wade ne connaît pas la rue ; il ne l’a jamais connue. Quand je discutais avec ses parents des problèmes du pays alors que je suis plus âgé que lui que de deux ans, il jouait dans la piscine. Karim Wade n’a jamais participé à une manifestation, même pour la libération de son père. Son seul fait d’arme date de 1993. Son père lui avait chargé d’une mission au niveau de la banlieue de Dakar. Il était allé remettre des fonds et au retour il a été piqué par des moustiques. C’est son seul fait d’arme. Vous pouvez donc comprendre que dans un contexte comme celui du 23 et 27 juin, il ait pu perdre son sang-froid. (…). Sans entrer dans les détails, vous savez que Dieu est juste. Il a pu se sortir du Bourget, il a eu son Bourgi. (…).

Propos recueillis par Moustapha BARRY (Correspondant permanent à Paris)

walf.sn

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