«Yuuza» ou «Tës-Gin» : La nouvelle danse «obscène» qui fait fureur à Dakar

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Après «Maana» et «Goana», «Yuuza» ou «Tës-gin» est la nouvelle danse qui fait fureur à Dakar. Sensuelle et sexy, cette forme de danse jugée obscène enflamme les nuits chaudes dakaroises, dans les boîtes de nuit… mais également lors des séances de «tannbeer» (sabar nocturne) organisées dans les quartiers. La der des reportages des charmantes stagiaires de la Dirpa qui nous ont quittées, il y a quelques jours. Pour dire que les «soldates» savent aussi décompresser.


«YUUZA» OU «TËS-GIN» : La nouvelle danse «obscène» qui fait fureur à Dakar
«Yuuza» dans les boîtes de nuit, «Tës-gin» lorsqu’elle est exécutée dans les «tannbeer» (sabar nocturne), la danse à la mode actuellement après les «Maana» et autre «Goana» est qualifiée d’«obscène», à en juger par la gestuelle qui l’accompagne.
Cependant, s’il est avéré que ces deux styles de danse présentent de fortes similitudes, des inconditionnels précisent qu’ils se différencient dans la gestuelle. «Elle est plus raffinée en boîte de nuit et plus pervers au cours des séances de sabar», précise une jeune fille.
Astel Fall, jeune fille visiblement très à la mode, habite Dieuppeul. Elle est une inconditionnelle de cette danse et ne boude pas son plaisir de l’exécuter furieusement les week-ends dans les boîtes de nuit. «La dernière fois que j’ai ‘Yuuzaé’, c’était au Nirvana, avec des copines et je vous assure que c’était très chic. Tous les morceaux mbalax vont avec cette danse».

«Yuuza», une danse en trois phases qui donne le tournis aux garçons
Elle ne se prive pas d’ailleurs d’en faire la démonstration. «On met en exergue les mains de façon très sensuelle, comme si l’on essayait de mouler quelque chose autour de nos seins, finement relevés en avant», décrit-elle avant de préciser que «cette phase est la première étape d’un triptyque qui caractérise ‘Yuuza’ et donne du tournis aux garçons. Car après, on descend légèrement les mains à hauteur des reins. Et là, on imite la danse ‘Mayonnaise’, jadis créée par la chanteuse Viviane Ndour. Mais on le fait en accordant toutes ces gestuelles avec un mouvement de rein sublime et sans retenue, le tout assorti de rotations effectuées sur soi-même. Puis par des coups de reins à l’avant, à l’arrière et sur les côtés, on se trémousse», explique-t-elle en soulignant que c’est là que se termine la deuxième phase.
«Dans la troisième phase, la fille doit se rabattre davantage les mains pour les positionner juste en dessous de la ceinture. Là, on met en avant une jambe, comme le faisait feu Ndongo Lo et c’est pour nous permettre de mieux bouger les fesses, tout en faisant des rotations sur soi-même, mais ‘sans genn gaam’ (Ndlr : en suivant le rythme du son). Dans cette phase, la danseuse fait glisser ses mains sur ses cuisses, comme pour se masser à cet endroit et la même gestuelle est appliquée avec les mains posées sur les hanches, puis sur les fesses, pour finir», indique Astel Fall. Alambiquées comme explications, mais sublime à l’exécution.
Serveuse dans un établissement, sis au centre ville, Aïcha Thiam explique, le sourire aux lèvres, que pour donner plus de tonus à la gestuelle, «les filles font du collé-serré, avec les garçons. Un peu comme pour danser du reggae-danse. Et puis, ensemble ils font des mouvements sensuels synchronisés, qui plaisent énormément aux garçons». Sa collègue Françoise explique que cette même danse «Yuuza» prend le nom de «Tës-gin», lorsqu’elle est exécutée au cours des «sabar» (séance de tam-tam). Se voulant plus précise, elle renseigne : «le style et les mouvements sont identiques. La différence réside juste dans le fait que les batteurs interprètent en boucle avec leur tam-tam le refrain ‘Yuuza-Yuuza’ qui est remplacé par celui de ‘Tës-gin, Tës-gin’. Les filles font alors suivre ce refrain par des gestuelles dignes de ‘Yuuza’, en y greffant une touche plus engagée et plus sexy». Aïcha Thiam de renchérir pour dire qu’au cours des «sabar», «il est préconisé de se vêtir en pagne assortie de dessous sexy, pour donner plus de sensualité à la danse».

«Tës-gin», la version plus sensuelle et plus sexy de «Yuuza» pour les «sabar»
De son côté, Ndioba, la trentaine bien sonnée, restauratrice établie à la rue 9 de la Médina, trouve dégradante cette nouvelle forme de danse. «Le ‘Tës-gin’ est très vulgaire et dégradante pour nos moeurs déjà fortement éprouvées», dit-elle prédisant que si rien n’est fait pour arrêter cette tendance, «la société pourrait en subir les conséquences». Selon elle, «les parents doivent davantage veiller sur leurs enfants. Parce que la jeunesse se pervertira de plus en plus dans ce pays».
Abdourahmane Barry, vendeur de café établi au Sénégal depuis plusieurs années, partage le point de vue de cette restauratrice. «Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, parce que je suis originaire de la Guinée-Bissau. J’ai séjourné dans plusieurs pays comme la Guinée-Conakry, la Côte d’Ivoire et le Congo Brazzaville. Et contrairement à tous ces pays, je trouve que les Sénégalais ont quand même gardé certaines vertus qui sont, aujourd’hui, de plus en plus violées. Parce que les filles notamment s’octroient davantage de liberté sur les questions de sexe et cela n’est pas bon pour votre pays», souligne-t-il en soutenant que des danses comme «Yuuza» ne feront que dégrader les mœurs dans le pays. Ce qui n’est jamais une bonne chose.
Mais ce point de vue, Omar Thiam, batteur de tam-tam, domicilié à la Médina, ne le partage aucunement. Selon lui, il n’y a aucun mal à danser le «Yuuza» ou même le «Tës-gin». D’autant qu’il est convaincu que le «Tës-gin» est moins extravagant que des danses comme le «Lëmbël». À l’en croire, c’est juste une histoire de personnalité. «Lors de nos séances de ‘sabar’, il y a des filles qui dansent le ‘Tës-gin’ de façon modérée et qui se refusent à être exhibitionnistes à outrance. Par contre, d’autres filles adorent cela et à l’occasion, elles en font la démonstration. Pour elles, je crois que l’histoire, une fois la soirée terminé, est que leurs copines dans le quartier se mettent à commenter fièrement leurs talents de danseuses hors pair», soutient Omar Thiam. Maigre consolation quand même amère après avoir exhibé ce qu’il y a de plus intime en soi.

Quand des hommes s’essayent à cette danse typiquement féminine

«Elle se danse principalement en boîte où elle est la chasse gardée des jeunes filles. Ceci, parce que c’est une danse qui exige davantage finesse, sensualité dans la gestuelle très féminine». Ceux qui doutent encore que le «Yuuza» ou «Tës-gin» est une danse typiquement féminine peuvent méditer ce commentaire de Mamadou Seck, un jeune rencontré à la rue 9×12 de la Médina. Seulement, renseigne-t-il, «il y a des jeunes hommes qui n’hésitent pas à franchir le Rubicon, en s’essayant à cette danse». Non sans risque «d’être étiqueté d’homosexuel. Parce qu’elle est vraiment très féminine cette danse», précise-t-il. C’est la raison pour laquelle, poursuit Mamadou Seck, «la plupart des jeunes hommes préfèrent observer les filles à l’oeuvre». Et il parle en connaissance de cause : «cette danse ‘Yuuza’, c’est plus agréable et excitant pour les hommes de voir les filles l’exécuter. ‘Loolu mo ñuy dundël (c’est cela qui nous procure du plaisir)».
Confirmation des propos de Mamadou Seck par Jean (il ne veut pas dévoiler son véritable nom), un Dj dans une boîte de nuit de Dakar. Il explique que «Yuuza» est «l’expression de la sensualité de la fille sénégalaise». D’après lui, «dans les boîtes de nuit, de plus en plus, les jeunes garçons s’essaient à leur façon à cette danse. Mais, la plupart d’entre eux font preuve de retenue et se laissent guider par les filles qui elles se laissent aller». Et cette nouvelle danse est en train d’enflammer tout le monde. «Les Étrangères, les noires autant que les blanches, rivalisent de talent en imitant à quelques gestes près ce chef-d’oeuvre des Dakaroises. Il y a aussi et de plus en plus des dames d’un certain âge, du genre ‘drianké’ (grande dame) qui font du ‘jafandu’ (elles ne veulent pas laisser l’affaire aux jeunes). Je crois qu’à ce rythme, je ne serais pas surpris de voir une nouvelle forme de danse naître à la suite de ‘Yuuza’, version ‘drianké’», prédit-il.
Toujours est-il que, selon Dj Jean, «cette danse a été tellement adoptée qu’elle est sur le point de signer l’arrêt de mort de danses comme ‘Maana’ ou encore ‘Goana’». «Avec l’émergence de cette danse, ce sont les promoteurs des soirées sénégalaises ou des discothèques qui se frottent les mains. Ils enregistrent le plein de monde au cours de leurs soirées».

De Bargny aux boîtes, en passant par Rufisque, comment un jeune de 25 ans fait bouger tout Dakar

D’où vient «Yuuza», «Tës-gin» ? Nous avons longtemps fait des recherches auprès des jet-seteurs de la capitale pour finalement tenir une piste. Cette danse avait été mise au-devant de la scène par le leader du groupe Tawfekh, Mame Ngor Diazaka. Ce que lui-même confirme. Mais comme nous parlions de piste. Remontons-la avec l’enfant de Rufisque que nous avons rencontré dans une boîte de la place, histoire de vérifier en même temps ce que donne le «Yuuza» exécuté par tout un public. Mame Ngor, qui reconnaît que c’est lui qui a propulsé cette danse, à travers un de ses récents clips, avoue tout de même qu’il n’en est pas le créateur. «La danse ‘Yuuza’ a été créée par un jeune de Bargny, plombier de profession, âgé d’environ 25 ans». Poursuivant, l’artiste a confié que ce jeune homme «a le don de la danse, c’est dans ses veines».
Mame Ngor Diazaka a découvert cette danse à son «retour d’une tournée, au début de cet été». La magie par sa fille : «je l’ai vu imiter cette danse. La gestuelle qui était très artistique m’a séduit, j’ai interpellé mes soeurs pour en savoir davantage. C’est elles qui m’ont informé qu’il s’agit d’une danse intitulée ‘Yuuza’ créée par un jeune homme qui se nomme ‘Yuuza’ qui l’exécute dans les cérémonies traditionnelles, entre Bargny et Rufisque». Séduit par cette nouvelle danse, le lead-vocal de Tawfekh a voulu aussitôt l’inclure dans son album en cours de finition. «J’étais en studio durant cette période, pour la production de mon album, j’ai pris contact avec le jeune ‘Yuuza’ et ensemble, nous avons convenu, courant août dernier, de mettre en valeur cette danse en studio, à travers un de mes tubes, ‘Kora Fall’, qui a fait l’objet d’un clip. Ça a fait aussitôt de l’effet».
Et dans la boîte de nuit où il se produisait, il était loisible de mesurer l’engouement du public pour cette danse. Au cours de la soirée a même été organisé un concours de meilleure danseuse de «Yuuza» qui a vu défiler sur scène une ribambelle de filles, se trémoussant dans tous les sens. «Vous êtes témoins de l’engouement que cela suscite auprès des jeunes filles, des dames et des jeunes hommes. Je peux vous assurer que l’ambiance est aussi soutenue dans toutes les boîtes où je me produis et dans d’autres clubs où se produisent d’autres artistes. Certains danseurs professionnels de la place qui l’ont adoptée essayent d’y apporter leur touche personnelle», se glorifie Mame Ngor. Seulement, se désole le chanteur, d’aucuns tentent d’installer une polémique en essayant de trouver des auteurs à cette danse. «Je pense que ce sont des pratiques à bannir et je ferai tout pour que ce qui est à Yuuza reste à Yuuza, en protégeant ce jeune artiste», a dit le chanteur.
Après le succès de la danse «Yuuza», Mame Ngor, businessman dans l’âme, a décidé d’exploiter le filon. «en concevant, avec le concours de stylistes, le ‘boubou Yuuza’». Il nous montre le type d’habit qu’il porte, un boubou style «près du corps» coupé dans un bazin «ganilah» de couleur sombre avec des broderies sur l’épaule. Le tout est rehaussé d’une paire de chaussures à l’Européenne. Certainement boosté par cette prouesse, Mame Ngor entend mettre ultérieurement sur le marché des sacs à main, porte-monnaie, chaussures, tee-shirts, tenues de dames, d’enfants… labélisés «Yuuza».
Abdoulaye DIEDHIOU, & Khady DIOUF -Tabara SARR (Stagiaire)

popxibaar.com


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