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1er décembre 1944: la France ordonnait le massacre des soldats africains à Thiaroye, battus pour sa patrie. Des tirailleurs sénégalais parlent

Date:

Moussa Faye, tirailleur sénégalais.

R : Mon oncle, Mboor Faye, a été tué pendant cette histoire-là. Quand il a été en France, à son retour, il a ramené beaucoup d’argent. Quand ils sont arrivés à Thiaroye, on leur a dit : « Donnez votre argent, on va vous le changer ! » Ce qu’ils ont fait. C’était beaucoup. A ce moment-là, on ne voulait pas que l’homme noir ait beaucoup d’argent. On leur a dit : « L’argent est trop, on va vous le diminuer et vous en donner la moitié ! » Ils ont refusé, il y avait beaucoup de bruit, des discussions. Quand ils ont vu que les Noirs étaient décidés et qu’ils allaient mourir plutôt que de donner leur argent, on a amené la classe d’âge qui était recruté en 1943 qui était avec les Blancs. Ils les ont pris et ils les ont placés devant les autres en leur disant : « Tuez-les, ou on va vous tuer ! Vous allez tuer vos parents ou nous allons vous tuer ! » En ce moment-là, les recrues de 43 n’étaient pas éveillés. C’est cette classe de 1943 qui a tué les gens qui sont morts à Thiaroye. La cause était l’argent. Les Blancs étaient derrière eux et leur ont donné l’ordre de tirer.

hethiopiques.refer.sn N° 50-51

Souleymane Ségé Ndiaye, ancien combattant

Pour l’histoire de Thiaroye, évidemment, j’ai vu ça de très loin : d’abord, je n’étais pas à cette époque sur les lieux, ensuite la presse est restée muette sur les événements de Thiaroye. On a raconté beaucoup de choses.

Des gens disent que ce sont des tirailleurs, venus de France avec de l’argent. Quelle provenance ? Je ne sais pas. Ils ont demandé à convertir cet argent en billets africains parce que c’étaient des billets français. Ils ont demandé leur changement à l’administration coloniale, l’armée, elle n’a pas accepté. Ça on l’a dit. D’autres ont dit, non, ce n’est pas exact, ils avaient droit à un pécule ou à une pension ou à des régularisations de salaires. On leur avait promis à l’embarquement que ce serait payé à Dakar, arrivés à Dakar, ils ont réclamé leurs dûs. On leur a répondu : « Non, rentrez chez vous, on vous enverra votre argent ». Ce qu’ils n’ont pas accepté.

Il y a eu beaucoup de versions.

Il n’y a pas tellement longtemps, j’ai bavardé avec un ami, qui était instituteur à Thiaroye – c’est malheureux, il est mort -, on a parlé de choses et d’autres et on a été amené à parler de l’histoire de Thiaroye. Et, il m’a dit : « Tu sais que le cimetière qui est en bord de la route et qui est considéré comme étant le cimetière des soldats fusillés à Thiaroye, n’est pas exact. Ce n’est pas le cimetière, c’est le cimetière du camp militaire. C’était un grand camp de transit, il y avait souvent des cadavres. Au lieu de prendre les cadavres et de les envoyer jusqu’au cimetière de Bel-Air, on a trouvé plus simple de créer un cimetière militaire tout près, et ce cimetière était le cimetière du camp militaire de Thiaroye ».

Il m’a dit : « ‘après les renseignements que j’ai obtenus, ces militaires ont été enfouis dans une fosse commune ». Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Il n’était pas très sûr, c’est un simple renseignement qu’on lui a donné.

Il a été jusqu’à me dire qu’il y a un postier ivoirien qui était dans l’enceinte du camp – parce que le bureau de poste de Thiaroye, ne se trouvait pas au village mais se trouvait au camp de Thiaroye. Ce postier est en mesure d’expliquer beaucoup de choses sur le déroulement de cette histoire de Thiaroye. Actuellement, il vit en Côte d’Ivoire. Il est à Grand-Bassam. Il s’appelle Henri Koffi, un ancien postier à la retraite. Le camarade en question m’a dit que le meneur de l’incident de Thiaroye était un Guinéen. Il m’avait même donné son nom mais je ne l’ai pas retenu. Malheureusement, ce copain est décédé.

Evidemment, on a parlé de beaucoup de choses sur Thiaroye. Ce qui est sûr : ceux qui ont été inculpés – parce qu’il y a eu des morts, mais il y a d’autres qui ne sont pas morts- ils sont passés devant le tribunal militaire ici et ils étaient défendus par Maître Lamine Guèye, alors avocat à Dakar. Beaucoup de personnes l’ignorent. Alors, si on arrivait à trouver le dossier de Maître Lamine Guèye, on pourrait connaître l’origine de ce qui s’est passé à Thiaroye. Malheureusement je ne sais pas si le dossier de Lamine Guèye, en tant qu’avocat, existe encore. Je sais que c’est son cousin qui a pris sa succession. Il est là, en face de Nadra Filfili, peut-être lui, il est en mesure d’expliquer ce qui s’était passé. Parce que je crois qu’il était là, à cette époque-là. Même s’il n’était pas là, il doit avoir, peut-être, des dossiers de Lamine Guèye.

En tout cas, voilà ce que je sais de Thiaroye.

http://ethiopiques.refer.sn N° 50-51

Assemblage de textes: xalimasn.com

L’historien, Ibrahima Thioub par du massacre de Thiaroye

 

 

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