Sous l’ère Moustapha Niasse, l’Assemblée nationale du Sénégal semble ignorer les préoccupations du Peuple. Les suites données à toutes les initiatives de député suscitent le découragement. A quelques jours du renouvellement du mandat de son bureau, le Parlement rate les grands rendez-vous et se retrouve dans l’immobilisme.
Candidat malheureux à l’élection du président de l’Assemblée nationale, le député Cheikh Diop Dione peut rebondir pour les mêmes raisons qui l’avaient révolté à pareille époque. «Les populations ne voient pas des actes qui nous honorent. Il est temps, avant de réclamer leurs droits, que les députés prennent en charge les problèmes des populations. Elles sont fatiguées. L’Assemblée nationale a besoin d’actes de rupture, de la transparence dans sa gouvernance», avait déclaré le challenger le Moustapha Niasse. Alors que l’on s’achemine vers le renouvellement du mandat du président de l’Assemblée nationale, l’autre Moustapha, président de Benno bokk yaakaar, le groupe parlementaire majoritaire, a avoué la semaine dernière : «Les résultats sont en deçà des attentes de la 12e Législature. C’est mon sentiment. J’ai fait ce que j’ai pu faire, mais manifestement, il y a des boulets, des difficultés pour que l’Assemblée nationale se réveille et reprenne sa place dans la construction du Sénégal. Après 26 mois, nous sommes dans une assemblée de l’immobilisme et non pas de rupture.»
Dans la pratique parlementaire de la 12e Législature, 2014 n’a pas été une année d’actions et d’initiatives. Toutes les lois votées ont été des projets de l’Exécutif. Ni une question orale, ni une commission d’enquête parlementaire encore moins une proposition de loi n’a abouti.
Une Assemblée absente des grands débats
Un député comme Omar Sarr de Rewmi a maintes fois buté sur le mur du bureau de l’Assemblée nationale. «J’avais proposé deux commissions d’enquête parlementaires. L’une portait sur la gestion des fonds des inondations de l’hivernage 2012, l’autre sur l’énergie. Pour la première, on a attendu un an après pour me demander de donner des détails. Je leur ai dit que ce n’est plus d’actualité. La seconde a connu la même suite», regrette-t-il. Le député de se rappeler sa proposition de loi visant à ramener le mandat du président de l’Assemblée nationale à 5 ans. A l’époque, le premier concerné, à savoir Moustapha Niasse, a assumé son rejet d’une telle initiative parlementaire.
Par ailleurs, le réseau des parlementaires pour la transparence, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption a proposé une révision du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, des textes sur «le financement des partis politiques», «l’accès à l’information», «la déclaration de patrimoine», «les conflits d’intérêts». «Seule la déclaration de patrimoine a été votée. Moustapha Diakhaté a raison de dire que l’Assemblée nationale est toujours dans l’immobilisme. La faute est au président», soutient Omar Sarr.
Si en France, les ministres donnent rendez-vous au Peuple à l’Assemblée nationale pour discuter de questions essentielles de l’heure, tel n’est pas le cas au Sénégal. Durant ce second mandat de Moustapha Niasse, aucune question orale n’a abouti à une session plénière, même durant les moments de crise. Au plus fort de la pénurie d’eau qui a frappé les ménages dakarois en septembre 2013, le député Seydina Omar Sy avait servi une question orale au ministre de l’Hydraulique de l’époque, Pape Diouf.
Livre du Colonel Ndaw, mort de Bassirou Faye, Ebola : la fuite en avant
Dans un communiqué rendu public, ce membre du mouvement Bess du ñakk (majorité présidentielle) avait indiqué que «les explications fournies par le directeur de la Sénégalaise des eaux (Sde) prévoyaient la résolution de cette situation déplorable dans les plus brefs délais». A la grande surprise de la population dakaroise, cette situation n’a fait qu’empirer.
Face à cette situation, il souhaitait «disposer de tous les documents relatifs à l’installation des réseaux de conduites en 2004 et leur durée de vie prévue que certains estiment à 30 ans au moins». Dans d’autres pays où le Parlement assume son rôle, l’affaire du Colonel Abdoul Aziz Ndaw ne pourrait tomber aux oubliettes sans que les députés initient des actions de transparence. Mais la demande adressée en ce sens par le président de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée à Moustapha Niasse, en vue de l’audition du Colonel Ndaw mis aux arrêts de rigueur et de certaines personnes mises en cause dans l’ouvrage Pour l’honneur de la gendarmerie, dort encore dans les tiroirs poussiéreux du président de l’Assemblée nationale. Ce qui faisait dire au président du groupe parlementaire des Libéraux et Démocrates, Modou Diagne Fada, que la 12e Législature est absente de tous les débats.
Pendant que l’Université sénégalaise est secouée par une crise qui a entraîné la mort de l’étudiant Bassirou Faye, l’Assemblée nationale a préféré jouir de ses vacances. Lorsque le premier cas de maladie Ebola a été enregistré au Sénégal, la Commission santé et développement a tenté de rompre avec l’indifférence. A défaut d’une session plénière, elle a auditionné le ministre de la Santé et de l’action nationale, Eva Marie Coll Seck. Cette dernière de préciser que cette initiative rentrait simplement dans le cadre d’une stratégie de communication de son département.
L’Acte 3 de la décentralisation voté en une demi-journée
On espérait des échanges, le 28 décembre 2013 (veille du Magal de Touba), dont l’après-midi avait été consacré à l’examen du Code général des collectivités locales en session plénière. Le projet de loi a été adopté sans amendement. A l’époque, Barthélemy Dias s’était réjoui qu’il serait «un vrai maire et non plus un auxiliaire» en ce sens que son arrondissement deviendra une commune de plein exercice qui ne dépendrait plus de la Ville. Le message était indirectement adressé à Khalifa Sall, son camarade de parti qui ne partage point l’Acte 3 de la décentralisation tel que présenté. Le maire de Mermoz Sacré-Cœur a vite déchanté. Depuis les élections locales du 29 juin passé, Dias-fils peine à exécuter son budget. Et il n’est pas d’ailleurs le seul. Du coup, une autre modification s’impose. Le texte va retourner à l’Assemblée nationale pour une deuxième fois, juste neuf mois après son entrée en vigueur.
Les blocages et insuffisances du nouveau Code des collectivités locales sont imputables à l’Assemblée nationale qui l’a adopté dans la précipitation contrairement à 1996. En effet, le premier Code des collectivités locales avait fait l’objet d’un examen et d’amendements par les députés socialistes. Pour ce faire, il avait fallu une session parlementaire de trois mois. Toujours dans le cadre de la démocratie locale, d’aucuns espéraient, à partir des élections locales de 2014, que les maires des communes seraient élus au «suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort de la commune». C’était sans compter avec la volonté des députés qui n’ont ménagé aucun effort pour ranger cette proposition de loi dans les tiroirs. Celle-ci était l’œuvre des parlementaires Cheikh Tidiane Ndiaye de la Coalition Takku deferaat Senegal, de Cheikh Tidiane Diouf de Rewmi et Aïssatou Bambado Sall du Parti socialiste. La suite n’a pas été rendue publique.
Cependant, le 14 janvier 2014, la loi portant baisse du loyer a été votée à l’unanimité. Cumulée à la baisse des impôts sur les revenus, le panier de la ménagère s’en est mieux porté. Tout comme la baisse du capital minimal d’une société anonyme, elles demeurent des initiatives de l’Exécutif.
Le Quotidien