Cadence aveugle par Malick Diaw

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Il aurait d’abord fallu évaluer la première mesure prise par le Président Macky Sall de bloquer pour trois mois les prix du loyer, le temps de permettre à la commission de travailler sur la problématique. Au jour d’aujourd’hui et depuis l’annonce de cette première mesure, personne n’est en mesure d’affirmer que dans la région de Dakar, elle a été strictement respectée. Cela pose déjà le problème du dispositif global à mettre en place pour mettre en œuvre une nouvelle législation qui encadre un marché du logement locatif qui, certes, s’est embolisé, avec une logique de spéculation et un emballement des prix. Sous ce premier rapport, l’empressement du Président Macky Sall de faire un « cadeau » de nouvel an à travers l’annonce de la baisse du prix du loyer, a des allures d’une démarche politicienne, même si dans le principe, l’intention est louable.

Une fausse bonne mesure, en quelque sorte, suivie d’une fausse bonne loi soumise, avant-hier, au vote aveugle d’une majorité parlementaire mécanique qui ne s’est même pas encombrée du souci de disposer de suffisamment de temps pour prendre connaissance du contenu. Un contenu au demeurant tronqué, si l’on en juge par les propos du porte-parole de la commission, Momar Ndao selon qui, « tout n’est pas dans le projet de loi soumis aux députés ».

Les députés El Hadji Diouf (non inscrit), Thierno Bocoum et Oumar Sarr (Rewmi, opposition) ont été bien inspirés de suggérer le renvoi, à la Commission de l’économie générale, des finances et du plan, du projet de loi, en vue de son amélioration et de la prise en compte de « tous les aspects liés au loyer ».

Un des premiers aspects liés au loyer et qui semble avoir été occulté par la commission et par la loi, est relatif aux conditions préalables d’accès au logement. L’acquisition d’un logement en location requiert souvent une « caution » qui constitue une garantie pour les éventuelles réparations et une « avance » permettant de se prémunir du risque d’insolvabilité du locataire. L’Etude monographique sur les services immobiliers du logement à Dakar(Emsild) effectuée par l’Ansd (Agence nationale de la statistique et la démographie ) fait ressortir que dans l’agglomération de Dakar, 17,2% des baux ont exigé deux (2) mois de loyer d’avance et un (1) mois de caution et 27,2% un mois de loyer d’avance. Or dans la pratique, la caution est partie intégrante du prix du loyer mais jusqu’à plus ample informé, la commission comme la loi restent silencieuses sur cet aspect. Et comme en a conclu ladite étude, de telles pratiques constituent des contraintes majeures pour l’accès au logement, « notamment pour les ménages en situation de précarité ». Or, baisser le prix du loyer c’est d’abord alléger les conditions d’accès à la location pour tenir compte de la solvabilité des ménages.

Par ailleurs, la stratification des départements de Dakar a permis de mettre en évidence de fortes disparités entre les quartiers, notamment entre le centre-ville et la banlieue. Les facteurs explicatifs des différentiels de loyer ont un caractère structurel assez prononcé en liaison avec leur nature physique. Or, il semble qu’il serait relativement inopérant d’agir sur ces facteurs pour promouvoir des loyers modérés.

Sous ce rapport et comme cela ressort bien dans l’étude de l’Ansd, chez les particuliers, le prix du mètre carré de terrain a été multiplié par près de 2,5 entre 1994 et 2 000, puis par plus de 2 entre 2000 et 2009. Chez les promoteurs, ce rapport est de 4 entre 1994 et 2009. Au même moment, les coûts de construction des logements des ménages ont connu un renchérissement notable. A titre d’exemple, le coût moyen de construction d’une maison basse s’est sensiblement apprécié en passant à 9,9 millions de FCfa entre 1994 et 1999 pour ressortir à 14,3 millions sur la période 2000 – 2010, soit une augmentation de 44,4%. Quid de 2010 à maintenant ?

Les facteurs liés à la fixation des prix sont ainsi principalement la disponibilité des terrains, des matériaux de construction et des crédits immobiliers (pour les promoteurs et les particuliers). Ils concernent également les dispositions légales et réglementaires d’accès à la propriété (frais notariés, impôts et taxes).

A l’équilibre, une relation étroite entre les coûts de construction, les conditions d’échange des biens immobiliers et leur location est établie, même si cet équilibre est également tributaire de facteurs qui sont à l’origine de dysfonctionnements et de distorsions sur ce marché (distorsions introduites par les agences immobilières, problèmes d’information, externalités, accès au financement, entre autres).

Certes il ne s’agit pas d’attendre de régler tous ces problèmes avant d’agir sur les prix du loyer, mais véritablement, au contraire de mesures disparates, d’accompagner la dynamique en appuyant en même temps sur ces leviers visant à réguler le secteur immobilier dans son ensemble.

Quelle est d’ailleurs cette loi qui fixe des barèmes de baisse sans effectuer un zonage en bonne et due forme et sans au préalable fixer un plafond de prix qui serait un loyer de référence et qui serait également fonction du type de surface ?
Comme dispositif, la loi proposerait au locataire lésé, de saisir la justice, ou d’user d’un numéro vert pour se plaindre voire de mettre en place une brigade spéciale de contrôle. Quelle envergure aurait-elle, cette brigade de contrôle et quelle serait sa nature et les moyens mis à sa disposition pour une tache aussi ardue et pour son efficacité?

Ce sont autant d’interrogations que la majorité parlementaire aurait eu le beau rôle de se poser quitte à repousser, comme l’ont suggéré avec pertinence certains de leurs collègues, plutôt que de fermer les yeux dans une cadence aveugle, pour ne pas déplaire éventuellement au chef du parti au pouvoir dont ils estiment sans doute que cela irait à l’encontre de la politique. Sous ce rapport, la 12è législature installée alors sous le signe de la « rupture », est plus mécanique que jamais !

sudonline.sn

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