Ce mal congénital africain par Pathe Gueye

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Le moment est venu de me confesser! En reprenant ma singulière et insignifiante plume, cette fois-ci j’éprouve en toute sincérité une amertume atroce. Une affliction terrible saisit tout mon être et un brouhaha sans nom s’installe dans ma tête. J’abdique et proclame que: l’Afrique est atteinte d’un mal atavique!
En effet, le 28 janvier 2008 fut une date mémorable! Je me rappelle avoir bravé la pluie rennaise pour aller à la rencontre de cette dame que je surnomme «l’infatigable Bambara», Aminata Traoré. Pendant des heures, venus nombreux l’écouter, elle nous mettait dans un état d’attention soutenue pour partager son combat contre le maudit libéralisme. Comme si ses vérités ne suffisaient pas, elle prit également le soin généreux de me dédicacer son livre «L’Afrique humiliée» en écrivant : À Pathé, pour une Afrique digne et debout, nous en sommes tous les artisans. Fraternellement. Des mots qui résonnent encore et même plus fort parce que conformes à mes convictions et surtout je suis fièrement d’Afrique….
Or, l’Afrique dort, ne riez pas, ma mère,
et s’ouvre fracassée à une rigole de vermines
à l’envahissement stérile des spermatozoïdes du viol.

Oui! Césaire avait vu juste. Le mal est bien là en nous Africains… Et c’est ce sommeil qui se flatte encore nous menant indéniablement vers la MORT. Assurément, celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles! Joseph Ki-Zerbo, comme s’il l’avait compris, nous mettait pourtant en garde sur le fait que « les Africains doivent savoir que des minorités complices des nantis ont toujours contribué à mettre en œuvre les structures d’exclusion forcée et d’inclusion qui ont sacrifié des peuples entiers par la traite, la colonisation et la mondialisation».
Que le Seigneur me préserve avant tout des invectives adressées à René Dumont, à Moussa Konaté, à Claude Sahy, à Konan N’Guesan parce qu’ils avaient tout simplement, tour à tour, osé affirmer que «l’Afrique noire est mal partie», «l’Afrique noire est-elle maudite?», «l’Afrique : malade de ses dirigeants» et « pourquoi l’Afrique Noire est-elle malade?»! Il ya eu ce secret de polichinelle, c’est-à-dire les remous suscités par leurs interventions et/ou analyses venant de «cafardeux Afrophiles», des éternels optimistes jusqu’à leur moelle épinière, devrai-je dire. Or, le diagnostic actuel non coruscant qui émane de la situation du continent africain avec son lot de corruption, de gabegie, de népotisme, de guerres civiles, d’insécurité, de famine, d’absence de civisme et d’État de droit, de pillages des ressources naturelles, semble malheureusement leur donner raison. Ce sont là des catastrophes qui déciment les populations africaines et installent de façon apparente des dérives, des désespoirs, des désastres, des désarrois…. Mais voyons! Un bébé qui dort au dos ne sait jamais que la route est longue.
De même, ce mal, tenez-vous bien, est le fruit entre autres, pour reprendre N.Guessan, de l’irresponsabilité, du mensonge, de la désinvolture non des dirigeants mais des dirigistes, de guides éclairés mais non éclairant, d’Excellences Messieurs les Présidents, ces élites qui s’emploient à entretenir un train de vie coûteux au niveau de l’État tout en maintenant les populations dans un état d’extrême pauvreté. Autrement dit, à la place d’avoir un peuple convaincu, notre cher continent s’est retrouvé avec un peuple vaincu. Ont gravement trahi beaucoup de «leaders politiques» et «intellectuels africains» à qui l’honneur ainsi que le privilège ont été donnés au moment des mouvements de libération de nous accompagner sur le chemin périlleux qui visait à « susciter l’homme de la liberté contre l’homme du destin». Hélas! Ils ont ainsi vendu l’Afrique aux diables de l’Occident colonialiste, particulièrement à la France en plombant leurs compatriotes dans un imaginaire d’infériorité ostentatoire du fait de leur propre et manifeste turpitude. Ils n’avaient pas pris au sérieux Césaire lorsqu’il lançait que «l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences». Ces hommes de l’époque adulés à tort comme les «pères des indépendances» n’avaient guère compris les avertissements de Capitaine Sankara sur le sens de l’ultime alternative africaine face à l’impérialisme : mourir chacun de son côté ou résister, survivre et vaincre ensemble. Au lieu d’avoir comme slogan : l’Afrique ou la mort, nous vaincrons, ces «leaders» et/ou «intellectuels» à la peau noire, masques blancs, ont paradoxalement opté d’être des complices du viol de notre imaginaire en nous enfonçant davantage dans la servitude totale et un complexe d’infériorité sans nom. Ils ont accordé gracieusement à l’Occident l’exclusivité d’abriter nos rencontres de règlement de nos différents, de contrôler notre monnaie et de profiter de notre jeunesse active…
Dans le même ordre d’idées, ils ont farouchement porté un coup historique coriace au Régionalisme africain du fait de leurs multiples divergences fondées principalement sur des préoccupations élémentaires de groupes longtemps vindicatifs. La thèse de «l’Afrique des patries» ou l’inter-étatisme portée en 1963 à la conférence d’Addis- Abeba par les «réformistes» du groupe de Monrovia et qui a été à l’origine de la création l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), faut-il le souligner, a subi un échec éclatant. Il a fallu 28 années après, en 1991 avec le Traité d’Abuja, et 40 au total, au sommet de Maputo en 2003, pour que les Chefs d’États et de Gouvernements africains aient une once de volonté et/ou courage politique en décidant d’apporter des réformes majeures à l’organisation continentale devenue pratiquement obsolète. Le Parlement africain, le Conseil de Paix et de sécurité, la Commission de l’Union africaine restent, entre autres, parmi les idées fédéralistes portées par les «révolutionnaires» du groupe de Casablanca. Ironie du sort, puisque nous nous comportons comme d’éternels incapables pour prendre seuls nos priorités et préoccupations en main, on réserve avec des honneurs une place de choix aux États-Unis qui nomment désormais et ce, depuis novembre 2006, un ambassadeur auprès de l’Union Africaine… Premier Gaou n’est pas Gaou, c’est deuxième Gaou qui est Gnata!, disait le «Magic System»
En revanche, des séances de liesses populaires constituaient des sports favoris des Africains et partout on célébrait l’impérialisme européen, le «Fardeau de l’homme blanc» comme l’avait défendu le britannique Rudyard Kipling. Et j’entends et comprends maintenant les questionnements du grand-père de mon ami qui demandait jusqu’à sa mort à quand prendraient fin les indépendances! Cette volonté d’assujettir les peuples africains par certains de ses dirigistes post indépendance demeure encore visible à travers nos lieux de vie (les statues des Gallieni et des Faidherbe, des Brazza et des Lyautey, par exemples) et cesse de nous rappeler la colonisation avec ses atrocités…À tout prix, ils ont tenu à montrer que l’eau chaude n’oublie pas qu’elle a été froide. Pour eux, il fallait et encore de nos jours prouver, par tous les moyens, aux anciennes puissances coloniales que le monde aura beau changer mais les chats ne pondront pas…Oh my god!
Bien que se réclamant du nationalisme pour la plupart, «cette élite africaine» des premières heures n’a pas eu vraiment le culot de couper définitivement le cordon ombilical colonial. Un petit détour dans les archives audiovisuelles de l’histoire politique de l’Afrique nous fera bien saisir le sens et le degré de leur amour, leur attachement infaillible, leur fidélité ainsi que leurs reconnaissances aux colons.
Par ailleurs, d’autres hommes politiques et ou intellectuels africains qui avaient tenté ou osé de nous sortir de la répétition, de l’immobilisme pour nous amener à inventer un destin commun (ce qui aurait pu nous éviter les insultes de Sarkozy à Dakar en 2007), n’ont pas fait long feu. En effet, le malgache Raharimanana nous revient à juste titre en posant la pertinente question de savoir qui de l’ancien colonisateur ou de ses multiples clones «démocratiquement élus» avait fait le ménage? Pour lui, « Patrice Lumumba n’a même pas commencé! Assassiné, criblé de balles, corps dissous à l’acide- fantasme? En tout cas cadavré, comme dit notre bon Zao! Thomas Sankara eut des discours retentissants, cadavrés! Ben Barka, des j’accuse mémorables, cadavré! Norbert Zongo n’a pas retenu la leçon, cadavré! Ali Soilih, cadavré! Ratsimandrava, cadavré! Longue liste noire de cadavrés…». À ce tableau d’assassinats, s’ajoute la bande d’exilés africains devenus des parias par le simple vouloir des excellentissimes présidents.
En revanche, de tout ce qui précède, je le réaffirme, plutôt que de s’entêter à indexer les autres, ce mal que continue à regret de vivre l’Afrique est en NOUS AFRICAINS. Nous nous sommes toujours, du Caire au Cap/ de Dakar à Djibouti, prêtés à des mascarades électorales portant à la tête de nos États de simples représentants de pays occidentaux. Beaucoup parmi eux, dans le fond, nous ressemblent, nous reflètent et ne nous parlent pas en «africain». Dans ce cas, qu’on m’explique comment l’herbe peut-elle pousser sur la route où tout le monde passe? Des incessants voyages de comptes rendus ou de mises au point sont organisés entre le continent africain et les capitales occidentales. Aussi, l’Afrique est morcelée, au vu et au su de tous, en champs d’entrainement et d’expérimentation pour les forces armées occidentales. Les occidentaux utilisent l’ONU comme surmoi, bernent leurs peuples et envahissent l’Afrique, pays après pays, sans pour autant qu’on ne lève le petit doigt. L’actuelle et honteuse situation centrafricaine en est de nouveau un exemple qui s’ajoute au long et interminable répertoire des États pitoyablement détruits parce que leurs représentants royalement installés hier ont manqué aujourd’hui de jouer le jeu ou oublié les leçons! Alors que valent vraiment les propos de Makhila Gassama adressés à la France lorsqu’il déclarait : « ce que nous sommes en droit de demander à la France, à ses élites politiques et économiques, à ses intellectuels, à ses hommes et femmes des médias, c’est le respect qu’on doit, sans hypocrisie, à tout homme, le respect qu’ils doivent à nos mérites, à ce que nous leur avons apporté militairement, car nos pères furent braves; matériellement, car nos matières premières sont abondantes et s’épuisent de jour en jour, tandis que nous demeurons pauvres; intellectuellement, car nous sommes en train de sauver leur langue, épuisée, languissante, d’une mort programmée?»
En définitive, en paraphrasant le Capitaine Thomas Sankara, je n’ai pas ici la prétention d’énoncer des dogmes. Je ne suis ni un messie ni un prophète. Je ne détiens aucune vérité. Ma seule ambition est ce simple rêve de voir l’Afrique se guérir de ce mal et avoir comme serviteurs des femmes et des hommes totalement dévoués et qui lui servent dignement et honnêtement en dehors de toute ingérence étrangère…

Pathe Gueye

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