Citizen King

Il faut le reconnaître. Karim Wade est le roi du buzz médiatico-politique de la semaine. A croire ceux que l’on entend parler de sa fortune, ce sont d’ailleurs ses seuls amis politiques qui se sont exprimés à ce sujet, notre homme est riche à milliards, mais tout lui appartient, il n’a pas eu à tirer un seul franc d’argent public, pour devenir le boss de tant de sociétés, si on en s’en réfère à la mise en demeure. C’est abracadabrant !

Le procureur Alioune Ndao a remis à Karim Wade la liste de ses biens supposés mal acquis et lui a demandé de lui justifier sous trente jours, qu’il ne s’est en aucun cas servi de quelque denier public que ce soit pour investir dans ces sociétés qui lui ont créé tant de juteux dividendes.

Et nous-mêmes les Sénégalais, nous nous demandons, si ce qu’on lui attribue, venait à être fondé, comment en dix années, un garçon qui n’était pas un foudre de guerre à l’école comme dans les affaires, aurait-il pu se créer un tel capital ? Mais pour la réponse nous donnons notre langue au chat, et si vraiment il se révèle qu’il a raison, nous souhaitons que le juge nous révèle le mode d’emploi, afin que nos enfants ou nous-mêmes en profitions.

Pourquoi les cadeaux des rois dont on a tant parlés, dans les médias, ne sont allés que vers lui ? Pourquoi est-il le seul à voir des amis russes généreux ? Pourquoi dès qu’un immeuble pousse sur Dakar, la rumeur veut que ce soit la propriété de Karim ? Ce garçon a bien de la chance. Il doit avoir un « truc »… Et puis surtout, pourquoi il n’y a que ses amis qui dévoilent les cafards de son dossier ? Pour en donner de très parcellaires explications, bien fumeuses et intoxicantes à souhait, nous demandant de surtout bien regarder l’évidence et pas ailleurs.

C’est vrai qu’il est incongru que Karim possède un aéroport dans un pays étranger, qu’il possède une banque marocaine, et ils le savent, et se gardent de dire que ce qu’ils nomment Bmce, est effectivement non pas la Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE) – la visite du roi a sans doute inspiré l’avocat – mais le nom d’un cabinet d’ingénierie financière. Comme ils oublient de dire que c’est la société AHS qui officie à Malabo, et dans d’autres pays de la sous-région. Il n’a rien fait d’illégal en somme, sauf s’il arrive à prouver comment et avec quel argent, il est arrivé à rentrer dans de tels tours de tables, si on suit le procureur spécial. Un milliard d’euros d’avoirs, ça donne le tournis, il a eu affaire à Merlin l’Enchanteur, ce garçon.

D’ici-là, il est innocent et nous ne devons pas l’oublier, mais il convient aussi de se demander pourquoi d’autres dignitaires de l’ancien régime ne sont pas mis sous un tel boisseau judiciaire. On a oublié certains qui comme Karim, ont été cités dans toutes les discussions de salons, de grand places voire de rues pour avoir eux aussi occupé des postes stratégiques, s’ils n’étaient pas des personnes bien en vue dans le parti de Wade. Ceux-là et leurs seconds couteaux sans doute dans l’ombre, moins exposés au grand public, mais qui ont été de tous les festins. D’aucuns en allant voir les gendarmes y sont allés avec son pense-bête, où étaient marquées, à leur profit bien sûr, toutes les prodigalités de Wade. On nous a pourtant dit que le don était exclu des causes d’enrichissement illicite. Alors que faire ?

Cette traque aux biens mal acquis a les allures d’un sparadrap qui colle aux pattes. On n’arrive pas à s’en débarrasser facilement. Imaginez Karim en prison… Il s’en délecte déjà, se dit prêt à y aller, s’y sent déjà la star de Rebeuss, en attendant d’aller au Palais de la République ; et puis, il n’y a pas de petits bénéfices : Il aura toute la latitude d’y apprendre enfin à parler ouolof, et même pular. Ce n’est pas rien. Mais rien n’est pour le moment joué, contentons-nous de dénouer les puzzle devant nous.