Compte bancaire «Taxi», Effet de cavalerie, detournement de derniers publics, recyclage de l’argent de la drogue. Blanchisseurs démasqués

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Outre les sommes d’un montant de 38 milliards de FCfa retracées dans les déclarations de soupçons de blanchiment d’argent, la Cellule nationale de traitement de l’information financière(Centif), dans son rapport d’activité annuel 2011, lève le voile sur le modus operandi des blanchisseurs, avec des cas avérés dont certains ont failli faire tomber le système bancaire. Du grand banditisme dont les rouages valent véritablement le détour et permettent de mieux apprécier l’actualité sur la question.

L’activité de la Cellule nationale de traitement de l’information financière(Centif) lui a permis, à travers les dossiers traités et suite à des déclarations de soupçon, de dégager quelques typologies sur la base des caractéristiques du blanchiment d’argent. Celles-ci portent, entre autres, sur des cas d’escroquerie, d’usage de faux documents, de corruption et détournements de fonds publics, d’abus de biens sociaux, de recyclage de fonds illicites et de l’argent de la drogue et d’opérations bancaires non justifiées. Si 92,0 % des déclarations de soupçons de blanchiment proviennent des établissements bancaires et financiers, qui n’a pas au moins une fois, reçu le message d’individu prétextant une situation de vie difficile ? Les cas d’escroquerie via Internet font flores et la Centif en a relevé certains dans lesquels beaucoup se reconnaitront sans doute.

Héritière d’une fortune de 3 milliards de FCfa

Ce Monsieur M, ressortissant d’un pays d’Afrique de l’Ouest, qui a ouvert un compte courant dans une banque de la place. Un compte alimenté par de multiples transferts de fonds en provenance de l’étranger sans qu’on puisse établir un lien quelconque (professionnel, parenté) entre le titulaire et les différents donneurs d’ordre. Parmi ces derniers, figure M1 compatriote de M déjà signalé à la CENTIF, comme victime d’une escroquerie de type « fraude 419 » portant sur la somme de 5.868, 2 USD (soit près de 2.634.822 FCfa) dont M est l’auteur. En fait, M s’était présenté à travers ses correspondances comme la fille unique héritière d’une fortune de 6. 200.000 USD (3,1 milliards de FCfa) d’un défunt ingénieur ressortissant de l’Afrique Orientale. Compte tenu de son statut de réfugié, la banque dépositaire desdits fonds, lui aurait exigée la collaboration d’une tierce personne étrangère qui seule, par le biais de l’avocat sénégalais M pourrait effectuer le retrait de la somme. Pour ce faire, une panoplie de pièces officielles, publiques et privées, avaient été transmises à la victime afin de donner crédit aux manoeuvres. Sur la foi de ces documents, M1 avait ainsi effectué des virements au profit de M.
Des investigations menées par la Centif, il ressort que tous les documents produits par M sont faux ; aussi, une plainte a-t-elle été déposée par le bâtonnat auprès du Procureur de la République contre M, pour usurpation de fonction.
On est là en face d’indices de blanchiment, avec un compte bancaire qui s’avère être un « compte taxi » ; une absence de liens apparents entre les donneurs d’ordre et le bénéficiaire ; des retraits des fonds dès leur réception, la requête adressée par la victime à la Centif pour escroquerie, entre autres.

2 000 000 000 FCfa d’achat de bons du trésor

Autre cas, autre gravité concernant cette fois un détournement de deniers publics. Madame E est l’associée unique d’une société dénommée « SOUKOULI », titulaire de plusieurs comptes au niveau des banques de la place. Parmi ces comptes, deux ont enregistré en un mois des opérations suspectes consécutives à des virements reçus du Trésor Public. Le montant total en jeu s’élève à près de trois (3) milliards de F Cfa. Pour justifier ces virements, la société « SOUKOULI » produit deux actes administratifs émanant du Ministère en charge du secteur et signé par son Directeur de cabinet. Ces décisions portent d’une part autorisation de versement des sommes ci-dessus inscrites au Budget général de l’Etat, et, d’autre part désignation des comptes bancaires devant les recevoir.

Les investigations menées par la cellule ont permis de constater que les comptes de E avaient une position débitrice avant la réception des virements et l’une des banques était sur le point de réaliser les garanties offertes pour les avances de trésorerie consenties ; que des remboursements anticipés ont été effectués pour les prêts et avances de trésorerie ; que la justification des virements est portée en analyse comme étant des arriérés dus dans le cadre de l’appui aux groupements féminins alors qu’aucun justificatif permettant d’identifier clairement le rôle de la société « SOUKOULI » dans les actions d’appui du projet n’est fourni ; que les décisions désignent les numéros de comptes bancaires appartenant à la société « SOUKOULI » et non au projet d’appui ; que E a procédé, consécutivement à la réception des virements, à des retraits massifs d’espèces et à des achats à crédit de biens malgré le profil créditeur du compte.

En outre, une somme de 2 000 000 000 FCfa a servi à l’achat de bons du trésor d’un pays membre de la zone UEMOA et, cerise sur le gâteau, jusqu’à la maturité des titres, E sera créditée des intérêts générés par le placement effectué. Achat sur le marché monétaire de bons du trésor est une manoeuvre visant, à l’échéance du bon, à intégrer l’argent issu du détournement, dans le circuit légal.

Compte personnel- fonds publics

Monsieur F, lui, est agent fonctionnaire de l’Etat qui a ouvert un compte dans une banque de la place. Pendant les 11 premiers mois, ce compte n’a enregistré aucun mouvement tant au débit qu’au crédit hormis un chèque d’un montant de 50 000 000 FCfa, émis au profit de F par un établissement public dénommé « LERAL » et spécialisé dans le domaine de l’énergie. Dès lors, des retraits en espèces sont effectués sur le compte par F et par un tiers Y.

Pour justifier l’approvisionnement de son compte, F produit deux actes vraisemblablement dressés par sa Direction désignée « SOUFSI » dont l’un, faisant office de facture, intitulé « travaux de recensement et d’évaluation du patrimoine foncier et immobilier de l’établissement LERAL sur l’étendue du territoire national » et l’autre intitulé « état détaillé des fournitures nécessaires à la réalisation des opérations de recensement et d’évaluation du patrimoine foncier de l’établissement « LERAL » ». Le chèque relatif au paiement des prestations de la Direction « SOUFSI » a été libellé à l’ordre de F et payé sur son compte. Une opération douteuse qui a été portée à la connaissance de la CRF(Cellule de renseignements financiers).

Les investigations menées ont permis de constater principalement la réception dans un compte personnel de fonds issus de l’exécution d’un contrat de l’Administration publique. Autrement dit, l’utilisation de fausse qualité pour la perception indue de sommes au nom de l’Etat, avec le recours à un compte dormant pour la réception des fonds et l’ouverture, sans autorisation préalable, d’un compte bancaire pour recevoir des fonds au nom de l’Etat.

Cavalerie rapporte 22 milliards de FCfa

Ce cas-ci défraye encore aujourd’hui la chronique et concerne Monsieur G, administrateur de sociétés au Sénégal et dirigeant une entreprise E, spécialisée dans le domaine de l’énergie. Depuis les années 90, l’entreprise E a établi un contrat avec une société S du secteur de l’énergie, dont les règlements au profit de son prestataire de service étaient souvent effectués par traites escomptées auprès des banques de la place et régulièrement honorées à l’échéance. G a créé à partir de 2006 plusieurs entreprises satellitaires qui effectuent pour son compte des opérations financières et bancaires par le biais d’hommes de paille. G est le dirigeant de fait de ces entités soit par le bénéfice du lien familial, soit par la qualité de gérant, de mandataire, par délégation de pouvoirs ou procuration. L’intérêt d’une telle organisation est de permettre aux différentes entités précitées, présentées comme concurrentes de participer aux appels d’offres alors qu’en réalité, il s’agit du même groupe d’intérêts, l’attributaire du marché sera toujours une société contrôlée par G. Une telle pratique est adossée sur un délit d’initié préalable, et à l’une des sociétés du groupe de présenter les meilleures offres techniques et financières lui donnant toutes les chances pour se faire adjuger le marché.

Toujours est-il que ce procédé a ainsi permis à l’entreprise E, de 2006 à 2010, de bénéficier des commandes auprès de la société S pour un montant de près de 22,5 milliards de FCfa.

Des investigations menées par la Centif, il en ressort que, au plan financier, la circulation de plusieurs effets de commerce entre les différentes sociétés suspectées a été enregistrée ; hormis, les traites en provenance de la société, plusieurs effets de commerce identifiés ne paraissent obéir à aucune logique financière ; ces opérations n’ont été exécutées que dans le seul but de procurer du cash aux principales entreprises suspectées.

In fine, le modus operandi mis en place renvoie à « l’effet de cavalerie », exploité à grande échelle à des fins d’escroquerie dont les principales victimes sont les banques.

Aux yeux des banques, des opérations commerciales sont simulées entre les différentes entreprises, afin de faire passer pour leurs recettes d’exploitation, les sommes issues de nouveaux escomptes d’effets. Le bénéficiaire de l’escompte conforte ainsi son apparence de solvabilité, donc sa propension à obtenir des banques de nouveaux fonds. Le système s’écroule lorsqu’une banque cesse d’escompter les traites ou que ces effets sont impayés à l’échéance, note le rapport de la Centif.

Il convient de signaler que la facilité pour G d’obtenir l’escompte de ses effets auprès des banques, est due principalement au fait qu’il avait le statut de fournisseur privilégié de la société S, bénéficiant du coup d’une certaine confiance des banquiers, favorisée aussi par une notoriété d’homme d’affaires prospère. Les sommes obtenues par G au moyen de procédés illicites, de même que celles obtenues auprès des banques par l’escroquerie à la cavalerie, ont ainsi été recyclées dans l’immobilier. Un dossier explosif duquel le principal concerné vient pourtant de s’extraire, après avoir mis sur la table une poignée de milliards.

ENCADRE

Personne Politiquement Exposée

En gros, entre opérations bancaires frauduleuses, banque fictive, faux monnayage, recyclage de fonds issus d’une faillite organisée de société en Europe, ou encore recyclage de l’argent de la drogue avec la technique de dispersion des comptes et la technique de fractionnement des dépôts d’espèces ou technique dite du « schtroumpfage » ou « smurfing », la Centif, dans son rapport d’activité annuel 2011, offre à la lecture, une brochette de cas grave traités ou en cours, tous aussi rocambolesques les uns comme les autres. Il serait dommage d’ailleurs de faire l’économie du cas noté n° 14 dans le rapport de la Centif et qui concerne un couple de Personne Politiquement Exposée ou PPE.

Des faits qui laissent à penser à une tentative de recyclage de fonds d’origine illicite dans le secteur immobilier au Sénégal via un pays européen où d’importants investissements ont été réalisés dans un contexte plus favorable.

Le couple en question P1 et P2, ressortissant d’un pays d’Afrique Centrale, a ouvert un compte courant dans les livres d’une banque B de la place. Il alimente ensuite par virement électronique ledit compte d’une somme de près de Six Cent Cinquante Millions (650 000 000) de Francs CFA, dans le but de procéder à une acquisition immobilière dans un quartier résidentiel.

A cette fin, P1 émet deux (02) chèques à l’ordre d’un notaire de la place.

L’importance des fonds en cause et la non-conformité des documents présentés en guise de justificatifs de l’opération en cause, la qualité de PPE du couple, ont conduit la banque B à faire une déclaration de soupçon à la CRF.
Des investigations menées par cette dernière, il ressort que le couple dispose d’une société de transport S régulièrement établie dans le pays européen E ; la société S a ouvert un compte dans les livres d’une banque C installée dans le pays E et alimentée à partir de fonds en provenance du pays d’origine ; l’origine de ces fonds n’avait pas été justifiée et les montants visés semblent disproportionnés par rapport aux revenus déclarés par le couple.

Pour toutes ces raisons, le couple a fait l’objet d’une procédure judiciaire dans le cadre de la lutte contre la corruption et les biens mal acquis.

sudonline.sn

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