Coup de froid entre le Sénégal et l’Iran: retour sur les fruits d’une coopération débridée

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Coup de foudre ! On aurait pu simplifier ainsi les relations entre le Sénégal et l’Iran. Arrivé aux affaires en 2000, Wade s’est lancé dans une sorte de diplomatie iconoclaste qui l’a rapproché de l’Iran. Les fruits ne se sont pas fait attendre. Mais, Wade ignorait sans doute qu’un jour un, « cadeau » du genre de cette cargaison d’armes pouvait tout gâter.

« Le Sénégal a décidé de rappeler en consultation son ambassadeur en République Islamique d’Iran, à compter de ce mardi, suite à l’arraisonnement, en octobre (Ndrl : 31) dernier à Lagos d’un navire en provenance d’Iran et à destination de la Gambie, transportant des armes », annonce, le 14 décembre 2010, la présentatrice du Jt de 20 H. Elle lisait, ainsi, un communiqué du ministère des Affaires étrangères. « Le Sénégal, fidèle aux exigences de paix et de sécurité qui doivent gouverner les relations entre Etats et estimant que les explications fournies sur cette affaire par la partie iranienne ne sont pas satisfaisantes, a décidé de rappeler en consultation son ambassadeur en République Islamique d’Iran, à compter de ce jour », précise le même le communiqué. Le navire en question transportait une cargaison de treize conteneurs remplis d’armes de diverses catégories et des munitions pour armes lourdes. Le Sénégal avait exprimé, dans un communiqué en date du 13 novembre dernier, « ses graves préoccupations en raison de la menace qu’une telle opération fait peser sur la paix et la sécurité de la sous région ». Un euphémisme qui cache mal le lien que le Sénégal fait entre cette cargaison, la Gambie et le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Mais qui pouvait, un seul instant, se doutait de la tempête qui affecte les relations entre ces deux pays. Tellement l’idylle avait été fructueuse. « Il se passe quelque chose d’assez extraordinaire entre les chefs d’Etat d’Iran et du Sénégal qui fait qu’ils ont développé entre eux des liens de fraternité très sincères de part et d’autre et qui se développent vers le bas au niveau des gouvernants, des ministères », témoignait, en mai dernier, l’ambassadeur du Sénégal El Hadj Alioune Samba en Iran. Son excellence n’avait pas tort. Les deux pays ont développé depuis l’arrivée de Wade au pouvoir des relations particulières. « Tant que l’Iran défendra sa liberté et son indépendance, le Sénégal restera à ses côtés », s’est plu à dire le président sénégalais le 26 novembre 2009 lors de la visite éclair, à Dakar, du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

Au menu de la rencontre entre les chefs d’Etat : les questions énergétiques et la coopération entre le Sénégal et l’Iran. « Des pays comme l’Iran, le Brésil, le Venezuela, la Bolivie, la Gambie et le Sénégal ont la capacité d’instaurer un nouvel ordre (politique, ndlr) dans le monde », avait déclaré Ahmadinejad avant de quitter Dakar. Ce séjour du président iranien à Dakar fait quasiment suite à celui à la mi-novembre du ministre sénégalais des Affaires étrangères, Me Madické Niang à Téhéran et avant la quatrième réunion de la Commission mixte sénégalo-iranienne prévue début 2010. RECHAUFFEMENT Le réchauffement de la coopération irano-sénégalaise a commencé en 2002. Et c’est par une visite officielle du président Abdoulaye Wade à Téhéran. Auparavant, la deuxième réunion de la commission mixte sénégalo-iranienne qui s’était tenue à Téhéran le 6 septembre 2001 pour baliser la voie. Au cours de cette rencontre, l’Iran manifeste le désir d’investir au Sénégal dans des projets de grande envergure comme l’exploitation des phosphates de Matam, la modernisation des chemins de fer et la relance des Industries chimiques du Sénégal(ICS) par l’achat de 100 000 tonnes des acide phosphoriques. Lors de cette visite officielle en Iran, le président Wade visite l’usine Iran Khodro. Cette dernière avait voulu s’installer au Nigéria. En vain. La brèche est suffisamment grande pour que le chef de l’Etat sénégalais s’y engouffre. En novembre 2006, Macky Sall, alors Premier ministre du Sénégal, pose la première pierre d’une usine. Son nom ? Seniran… Son but : produire, à partir de fin 2008, 5 000 Samand par an. L’offre est alléchante : 350 emplois sont en jeu. Mais, trois ans après, SenIran est la réalisation irano-sénégalaise la plus concrète. L’usine de Thiès est ouverte en mars 2008. Seniran Auto réunit des capitaux iraniens, via le constructeur automobile public Iran Khodro (60 %), et sénégalais (État 20 %, privés 20 %). Dans un premier jet, la société a livré quelque 300 « Mandori » (nom sénégalais de la Samand en finition) sur les 2 000 prévues dans le cadre de l’opération de renouvellement du parc de taxis lancée par le gouvernement. Sur 25 000 taxis recensés au Sénégal, 20 000 ont plus de quinze ans… Ce modèle est vendu 6,5 millions de F CFA (9 900 euros) pour les achats au comptant et 7,2 millions de F CFA dans le cadre d’un crédit que l’on peut obtenir auprès de l’une des trois banques associées à l’opération (Banque régionale de solidarité, BRS ; Banque islamique du Sénégal, BIS).

Entre-temps, en 2006, le Sénégal soumis à rude épreuve par une crise énergétique sans précédent, appelle l’Iran à la rescousse sans grand succès. On annonce des projets qui feront long feu. La République islamique va permettre la recapitalisation de la Société africaine de raffinage (SAR) à hauteur de 34% au capital de la SAR par le biais de la National iranian oil refining and distribution company (NIORD), selon les termes du protocole signé à l’issue d’une visite officielle, à Téhéran, du le ministre sénégalais de l’Energie, Samuel Sarr. Le second volet de l’accord porte sur le développement des capacités de stockage d’hydrocarbures au Sénégal. La capacité de stockage de la SAR pourrait passer de 1,2 million de tonnes à 3 millions de tonnes. La république islamique s’engage enfin à fournir du pétrole brut pendant une année au Sénégal avec un délai de paiement de trois mois. Dans la foulée, le gouvernement sénégalais s’engage à appuyer la création d’un centre commercial iranien à Dakar et à développer avec Téhéran des projets en commerce, économie, santé et culture, indique le ministre du Commerce de l’époque, Mamadou Diop ’’Decroix’’, et Mohammad Reza Rezazade, chef d’une mission économique iranienne.

El HADJ ALIOUNE SAMBA, AMBASSADEUR DU SENEGAL EN IRAN

« Aujourd’hui, dans tous les domaines, nous avons une coopération très active »

« J’apprécie leur manière de vivre. Ils n’ont pas d’écart de comportement, ni de comportements qui peuvent frustrer la culture iranienne et les habitudes sénégalaises. » Ces propos sont de l’ambassadeur du Sénégal en Iran. Son Excellence El Hadj Alioune Samba a dû sursauter d’étonnement lorsqu’il a appris son rappel, à Dakar, par la hiérarchie. Dans ces extraits de son entretien avec le soleil en mai dernier, il ne magnifie la richesse de la coopération entre le Sénégal et l’Iran.

Par exemple, entre 2009 et 2010 déjà, nous avons eu beaucoup de visites de ministres sénégalais et d’autorités iraniennes de part et d’autre au Sénégal et en Iran. Et je puis vous dire aussi que nous avons reçu le ministre du Commerce du Sénégal l’année dernière, de même que le ministre de la Santé, le ministre de l’Industrie et des Mines, le ministre de la Justice, le ministre de l’Agriculture, le ministre de la Culture… Nous avons eu vraiment des entretiens positifs, des accords et des mémorandums signés, avec la ferme décision de les mettre en œuvre pour le bien des peuples iranien et sénégalais. Je vais vous donner un exemple. Aujourd’hui, le président Abdoulaye Wade a réussi, depuis 2005, à faire installer, par l’Iran, une usine de montage de voitures. Aujourd’hui, les voitures iraniennes sont montées au Sénégal et l’usine est une structure irano-sénégalaise qui va être développée pour sortir, à terme, 30.000 véhicules par an. Il y aura des 206 Peugeot aux camions 608 Mercedes, jusqu’aux tracteurs. Dans le domaine de l’industrie, nous avons fait des choses remarquables avec l’Iran. Au niveau de l’énergie, vous savez que c’est l’Iran qui nous a permis de réaliser la ligne de transport de l’électricité haute tension entre Tobène, Touba et Kaolack. Les Iraniens disent, par exemple, sur les lampes à basse tension, que le Sénégal en voulait pour un chiffre de trois millions et qu’il est possible de céder ces lampes à des prix vraiment compétitifs. Il y a récemment le ministre de l’Agriculture qui est venu et a signé des mémorandums d’accords avec son homologue iranien qui vont être sanctionnés par la mise en place d’un comité de suivi de ces accords et puis un partenariat qui nous apportera le savoir-faire de l’Iran qui leur a permis en quelques années d’être autosuffisants en riz qui est leur denrée de base. Ils vont travailler aussi du côté du blé. Ils vont aussi nous permettre d’expérimenter la datte, des dattes succulentes. Dans la production des fleurs et de l’horticulture, dans ces domaines, ils sont prêts à venir s’installer au Sénégal pour mettre en place des usines de transformations de fruits et légumes. Aujourd’hui, dans tous les domaines, nous avons une coopération très active. Récemment, dans un autre registre, nous avons reçu six étudiants sénégalais qui sont issus du département de langues persanes de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ils sont venus faire des études de troisième cycle à Téhéran. Donc, nous avons beaucoup d’étudiants qui vivent tranquillement à Kum, qui parlent la langue persane et qui sont très intégrés. Ils vivent avec leur famille et ne posent aucun problème à l’Iran et à leur pays. J’apprécie leur manière de vivre. Ils n’ont pas d’écart de comportement, ni de comportements qui peuvent frustrer la culture iranienne et les habitudes sénégalaises.
lagazette.sn

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