Dakar: le jupon perd la bataille des dessous, le boxer et le bas en

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Il servait de dessous à la gent féminine. Son succès était tel qu’il a donné l’expression «coureurs de jupons». Mais ce dessus féminin a connu un revers. La nouvelle génération préfère le bas, moins encombrant. Grand Place a fouillé les placards pour dépoussiérer cette étoffe jadis prisée, voire exigée, dans la toilette féminine.

Elle marche aisément dans une rue de Sacré-Cœur 3. Dans son ensemble pagne et corset en voile bleu marine, Fatima, 22 ans, attire l’attention. Les hommes se retournent à son passage, les regards braqués sur ses formes visibles à travers son pagne transparent. On s’approche d’elle pour lui faire la remarque. Elle répond avec le sourire :  «J’ai mis un bas sous mon pagne. Je ne vais pas m’exhiber comme ça en plein jour.» Et pourquoi pas un jupon? «J’en ai jamais porté et je ne compte pas en porter».

Aïda, visage bien maquillé robe blanche en lin, s’est aussi alignée sur cette tendance. «Je porte un bas sous ma robe. Et je ne pense pas que cela soit aussi transparent. C’est plus aisé avec cette chaleur», affirme-t-elle.

Jupons ? Prononcez ce mot devant la gent féminine, elles vous regarderont avec des yeux en boules de loto.  «Je trouve cela ringard», rejette Fatima, catégorique.

 «Le jupon, c’est ringard…»

Il y a encore quelques années, le jupon était omniprésent. Du moins, on sentait sa présence sous tous les habits. C’était une étoffe légère qui arrivait à la hauteur du genou. Au Sénégal, les dames l’ont adapté parce qu’en plus de l’ampleur qu’il donne aux formes, il était un rempart de pudeur en cas de chute, d’un coup de vent…

Ainsi, durant des années, ce sous-vêtement était un accessoire incontournable dans la toilette des Sénégalaises. Il était devenu même une exigence pour certaines. «J’ai toujours porté le jupon sous mes habits, depuis mes 15 ans ; ma mère l’exigeait à toutes ses filles. S’il m’arrivait d’oublier de le mettre en  sortant, j’avais droit à des remontrances. Il faut dire que cela nous aidait à être bien habillée et bien respectée, car dans la rue quand le vent souffle fort et que le pagne se relève, le jupon lui est là et couvre la cuisse», explique Fatou Binetou, quadragénaire habillée en grand boubou d’un tissu fleurette.

Dans cette veine, Idrissa Mbaye, un quinqua qui se sert de son journal comme éventail sous la chaleur se souvient : «De mon temps, il était difficile de voir une jeune fille mal habillée comme aujourd’hui où elles sont toutes dénudées. Pour voir, rien que la cuisse, il fallait assister a un sabar (séance de percussions)et là aussi il fallait s’accroupir prêt du tambour major, car les filles avaient toujours un grand et long jupon.»

À l’ère des tailles fines

N’en déplaise aux nostalgiques, cet type d’habit n’est pas  près de refaire son entrée dans la garde-robe féminine. Pour Aïcha Kanté, 22 ans, jean taille basse sur un top rose fushia, le jupon est tout simplement démodé. «J’en ai jamais porté. Et je porte des bas pour éviter certaines remarques», précise-t-elle.

Boiré, une belle Malienne au teint clair, a une explication liée à la disparition de ce dessous. Pour elle, «avant, les tailles fines n’étaient pas bien vues et le port du jupon, c’était une façon d’augmenter ses formes du fait du volume qu’il ajoute sous un pagne ou une jupe. Et maintenant, nous sommes à l’ère des tailles fines, on a plus besoin de se surcharger avec un jupon.»

Fatima Ndongo, férue de mode, pense, elle, que le jupon n’a rien d’esthétique et que sa disparition est logique. Elle fait suite à celle des jupes longues et à la rareté du pagne chez les jeunes filles. Vêtue d’un panta-court bleu et corset assorti d’une paire de sandales,  elle se demande ceci : «La jupe longue a presque disparu, les filles en portent de moins en moins. Le pagne aussi ne se porte que le vendredi, alors pourquoi acheter un jupon que l’on ne portera pas?»

Autres mœurs, autre époque. «Le jupon est assez long. Il ne se porte pas sous une minijupe ni sous une jupe serrée du fait de son ampleur», renchérit un vendeur de lingerie féminine qui ne propose plus ce type de marchandise.

Les filles adoptent le profil bas

Du temps de sa splendeur, jusque dans les années 90, le jupon était bien visible en vitrine, dans les boutiques de lingerie. Chez le vendeur de friperie, il trônait fièrement, accroché à un cintre, sous le parapluie. «Cela se vendait comme des petits pains. En nylon ou en coton, on l’achetait selon la période. C’est-à-dire en nylon pendant l’hiver et en coton pendant l’été. Les tailles aussi étaient variables», se souvient Diallo, vendeur de sous-vêtements au marché Sandaga. «C’était un commerce florissant, car le jupon est plus cher que le bas. Son prix est resté le même pendant des années. C’est-à-dire 3.000 francs en coton et 2.500 francs en nylon; il est maintenant à 800 francs cfa», ajoute le vieux devant son étal de slips.

Aujourd’hui, sur dix vendeurs rencontrés, seulement deux ont encore des jupons et le retrouver sur le marché est une gageure. «Vous êtes l’une des rares  filles à me demander un jupon. Elles achètent plutôt des boxers ou des bas», s’étonne un jeune vendeur.

Pourtant les leçons de grand-mère trouvent encore des adeptes. Adama, étudiante en année de maîtrise de droit, confesse : «Je porte encore le jupon. C’est mieux que de sortir avec juste un pagne, ce n’est même pas sûr.»  Louisa, 31 ans, pense que les filles n’ont pas bien compris la différence entre le bas et le jupon. Elle explique: «Le bas, même noir, ne peut pas servir de dessous sous une robe transparente. De loin, on croit qu’elle ne porte rien en dessous et cela donne une mauvaise image.»

 

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