L’Etat sénégalais s’est fait rappeler à l’ordre une fois de plus par ses partenaires, quant à sa gestion des ressources financières du pays. Les explications que Amadou Kane a rechigné à donner aux représentants du Peuple, il les a fournies vite fait une fois que les représentants des bailleurs ont élevé la voix, en le prenant en flagrant délit de «mis-reporting».
L’affaire des 26 décrets d’avance signés par Macky Sall en 2013, n’a pas encore fini de dévoiler toutes ses facettes. Devant le tollé soulevé par les députés de sa propre majorité, on a vu le gouvernement, à travers son ministre de l’Economie et des Finances, produire une note pour justifier ses actes. Et il semble que cela n’a pas suffi, puisque un haut-fonctionnaire, Mamadou Moustapha Bâ, Directeur de la coopération économique et financière (Dcef) a indiqué hier, qu’une note d’information a été adressée aux partenaires afin de préciser que «tous les décrets d’avance proposés à ratification dans la Loi de finances rectificative (Lfr) 2013 sont pris en application stricte de cette disposition, notamment dans le respect scrupuleux de l’équilibre budgétaire préalablement défini par la Loi de finances initiale».
Ces décrets d’avance, estimés à environ 100 milliards de francs Cfa, ont été signés en catimini. Le gouvernement de Macky Sall n’en avait donné aucune information, ni sur leurs motifs ni sur leur destination. Ce que Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire de la majorité (Bby), avait jugé anormal, le jour de l’adoption de la Loi de finances rectificative. Le député avait même fustigé le comportement du gouvernement : «On ne peut pas combattre une pratique sous Wade et l’accepter maintenant. Les décrets d’avance sont légaux, mais ils devraient être une exception. Lister des décrets d’avance sans justifier leurs motifs ni leur destination, ce n’est pas normal. On va passer au peigne fin ces décrets d’avance et au besoin ouvrir une commission d’enquête parlementaire à la moindre zone d’ombre».
Demande d’explications
Les bailleurs de fonds ont également, semble-t-il, été alertés par les remous à l’Assemblée nationale, car quelque temps après, Mme Dominique Dellicour, porte-parole de la Communauté des partenaires techniques et financiers du Sénégal, dans le cadre de l’Arrangement cadre pour l’appui budgétaire (Acab), a interpellé le ministre de l’Economie et des finances par correspondance. Les partenaires ont été émus de se rendre compte que certaines dispositions introduites dans la Loi de finances rectificative 2013, différaient de la version de projet de loi qui leur avait été présentée au préalable.
Ainsi, l’un des cas qui ont choqué plus d’un parmi eux, concernait les mesures d’exonérations fiscales prévues en faveur de toutes les entreprises qui passaient des marchés avec la Senelec. Pour certains comme le Fonds monétaire international particulièrement, cette mesure était particulièrement mal venue au moment où la plus forte recommandation de la revue de l’Ispe visait particulièrement à encourager l’Etat à pratiquer la vérité des prix, et en finir autant que possible avec les mesures de subventions en faveur de la société d’électricité. De plus, cette différence dans les documents était un cas patent de «mis-reporting», ou fausse déclaration, qui pour beaucoup, ne pouvait être toléré.
Il fallait donc au plus vite, calmer les partenaires étrangers, avant que leur sortie ne fasse des vagues jusqu’en haut lieu. D’où les sorties de Amadou Kane, que le Dcef Mamadou Moustapha Ba a voulu justifier à sa manière.
On se rappelle que sur la destination des décrets d’avance, M. Kane a déclaré aux députés que «les décrets d’avance ont couvert l’annulation de crédits dépensés pour la subvention allouée aux universités qui n’était pas prise en charge par le budget de 2012 d’un montant de 9 milliards, de même que l’organisation de l’Africité ; le paiement des bourses des étudiants ; la gratuité de l’hémodialyse pour les insuffisants rénaux estimée à 1milliard de francs Cfa ; l’octroi de vivres de soudures pour le monde rural à hauteur de 9 milliards», entre autres. Dans le communiqué adressé à la presse, le ministère de l’Economie a aussi souligné que «sur les vingt six (26) décrets d’avance soumis à la ratification de l’Assemblée nationale dans la Lfr, seuls deux (2) ont été pris au titre du budget 2013. Les vingt quatre (24) autres concernent la gestion budgétaire 2012».
Malgré toutes ces explications, les parlementaires ne se sont pas estimés satisfaits par les explications des services de Amadou Kane. Espérons que celles fournies aux bailleurs de fonds ont été plus convaincantes.
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