IDIOVISUEL, LA CHRONIQUE MEDIAS DE NETTALI Wade, l’oraison muette

Date:

Dimanche 04 mars, édition spéciale après le 20 heures de la Rts. Une heure de temps d’antenne. Presque un « breaking news ». Que se passe t-il ? Wade est-il sorti de son silence ? Y a-t-il une figure du M 23 qui a décidé de ne pas soutenir Macky Sall ? Djibo Kâ a-t-il fait une déclaration de ralliement à la coalition anti-Fal 2012 ? Non, rien de tout cela. C’est un « thiant » de Serigne Cheikh Béthio Thioune.

Sous une grande tente, le guide des « Thiantacounes » a rassemblé son monde. Deux européennes –des journalistes qui enquêtent sur le sujet ?- viennent se convertir à l’Islam. Il leur demande de formuler la Chahada, attestant qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Mohamed est son envoyé. Les disciples brandissent des cartes d’électeur et des cartes d’identité. Beaucoup ont des gourdins qu’ils agitent au-dessus de la mêlée qui chante la gloire de l’ancien administrateur civil devenu guide religieux, disciple du cinquième khalife général des Mourides, feu Serigne Saliou Mbacké.

« Thiant » veut dire remerciements. Il remercie donc Serigne Saliou, explique qu’il a réalisé une « fusion » avec lui. « C’est lui-même qui m’a dit que je suis lui et il est moi. A partir de maintenant, vous ne m’entendrez plus dire Serigne Saliou a dit ceci… » Le plus important, alors que le pays prépare le second tour d’une présidentielle dans son histoire, est que Serigne Cheikh Béthio a décidé de « faire gagner Wade. » Il a fait dans la nuance toutefois : « je ne dis plus que Serigne Saliou a dit, mais cette fois-ci c’est moi qui dis : je vais faire maintenir Wade au pouvoir ! »

Babacar Diagne, le Dg de la Rts, a été romantique dans cet exercice de propagande sans nom. Comme si l’encadrement imposé par la loi en période de campagne électorale, avait été un corset encombrant, le Triangle a mis les gaz à fond avec une plage horaire accordée à un partisan d’un camp, en cette période cruciale. La régulation du Cnra lors de la campagne du premier tour terminée, c’est comme si on avait été mis du poil à gratter (raay duut) dans le joli costume du très british Dg de la Rts. « Oh, my godness, Wade va tomber… » Délicatement briefé sans doute, il a, dans une insupportable impunité, laissé défiler pendant de longs moments des séquences d’allégeance qui ne se comprennent pas autrement que par la volonté de faire croire que le régime a des leviers sur lesquels agir pour renverser la tendance au second tour.

Il est vrai que le silence du palais n’arrange pas les choses. C’est une oraison muette. Si le silence peut impressionner, faire diffuser l’idée d’une posture de réflexion, il peut aussi laisser entendre le désarroi, l’inquiétude, l’impuissance…

Pour la première fois depuis qu’il a goûté aux délices du pouvoir, il y a douze ans, c’est peut-être la première fois que Wade parvient à tout verrouiller en ce qui concerne ses faits et gestes. Rien ne filtre. C’est comme si les grilles du palais de l’avenue Senghor s’étaient rétrécies, les fenêtres moins larges ; une sorte de parapluie électronique s’est déployée au-dessus de la belle bâtisse blanche au point que les sulfureux sms, les appels téléphoniques du soir, les « scoops » délicieusement refilés aux journalistes pour alimenter la chronique du règne, ont été shiftés.

Une fois, rappelez-vous, Wade avait aligné ses ministres dans la salle des banquets du palais de la République et leur avait demandé de jurer qu’ils garderont secrètes les délibérations du conseil des ministres, et autres huis-clos officiels. Beaucoup oublieront le serment, au sortir du « château », dès la première caresse de la brise de la Corniche-Ouest …

Cette fois-ci, comme si la gestion de la communication présidentielle commençait (enfin) sous son magistère, les journalistes n’ont rien à se mettre sous la dent à son propos. Si cette situation rend Macky Sall de plus en plus attractif –« il fait vendre ! »- auprès des journaux, elle altère l’image de candidat de Wade. Il a disparu de la campagne électorale, alors qu’il est arrivé en tête du premier tour, avec toutefois, comme l’ont souligné dans un bel unanimisme les médias, une marge de manœuvre quasi-inexistante.

Le camp présidentiel est en état d’urgence. Les premiers jours qui ont suivi le premier tour, avec le KO debout du vieil animal politique, seuls Serigne Mbacké Ndiaye et Farba Senghor ont tenté des raids solitaires. Mais ils n’avaient pas assez d’eau dans leur gourde pour prétendre traverser ce Ténéré que constitue le projet de redorer le blason politique –voire plus pour les plus méchants- du président sortant.

L’ancien coordonnateur de l’organisation du Festival mondial des arts nègres, le brillant Aziz Sow, le sympathique Pr Iba Der Thiam et le fin tacticien Me El Hadj Amadou Sall, sans oublier le ministre des Sénégalais de l’extérieur, Mme Ngoné Ndoye, une lumière en matière de stratégie politique, et quelques autres, plutôt aigrefins voulant racler la caisse de notre troisième président de la République, personne, voilà ceux qui sont montés au créneau pour s’adresser aux Sénégalais.

Où sont Me Souleymane Ndéné Ndiaye, Premier ministre, directeur de campagne ; Karim Wade, vice-président officieux ; Habib Sy, ministre d’Etat, directeur de cabinet du président de la République ; Cheikh Tidiane Sy ; Me Ousmane Ngom ; Mme le ministre d’Etat, Aïda Mbodj, « ma carte, ma caution, au revoir » ; Mme le ministre d’Etat, Awa Ndiaye ; Où êtes-vous preux chevaliers du wadisme ? A moins de saboter le scrutin, le deuxième tour risque de sonner le glas de douze ans d’une formidable aventure personnelle et d’exaltation d’un homme qui avait décidé de croire en son étoile.

Très vite, la force de la réalité s’est imposée. Sage et grand, Wade n’a fait qu’une sortie publique, le lundi 27 février, lendemain d’un scrutin qui l’a marqué, surtout lors de sa présence mouvementée dans son bureau de vote au Point E, pour reconnaître que les choses ne se présentaient pas bien. Il est apparu digne, en chef d’Etat, mais déçu par ses troupes. C’est que l’heure est grave. Wade, perdre le pouvoir ? Les médias sénégalais ne paraissent pas envisager autre chose que sa défaite. Radios et journaux sont pris dans cette frénésie de fin de règne, jubilatoire pour les uns, comme la terre qui se dérobe sous les pieds pour les autres.

Nettali.net

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Gouvernement : Un projet de réforme du code du travail pour promouvoir l’emploi et la protection des travailleurs

XALIMANEWS- Le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye,...

Abrogation des décrets de Macky Sall : Ousmane Diagne convoque une importante réunion avec les magistrats

XALIMANEWS- Une importante rencontre est programmée au ministère de...

La photo officielle de Bassirou Diomaye Diakhar Faye dévoilée

XALIMANEWS-Le portrait officiel du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye,...