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INSPECTION GENERALE D’ETAT L’arme fatale des Wade

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Les Wade ont tôt fait de découvrir que l’Inspection générale d’Etat (l’Ige), pouvait servir d’épouvantail et d’instrument « irremplaçable » de coercition politique contre des adversaires récalcitrants ou des mal pensants aux affaires ou ayant été aux affaires. Ils ne sont pas gênés de l’utiliser comme une « arme » politique ces douze dernières années, confie-t-on de sources proches de la haute administration. Les chantiers de Thiès 44 en sont un des exemples le plus spectaculaire, mais pas unique, ajoutent les mêmes sources ulcérées par l’utilisation politicienne à outrance d’un des plus grand corps de l’Etat. Un corps de contrôle auparavant, craint et respecté, aujourd’hui dévoyé, à l’image ternie.

Dans les précédentes éditions, Sud s’était intéressé au Conseil constitutionnel et à la Division des investigations criminelles (Dic). Aujourd’hui, elle s’occupe de l’Inspection générale d’Etat. Snobée au début de l’ère des Wade qui confient les audits d’après 2000 de la gestion de leurs prédécesseurs socialistes à des cabinets privés payés rubis sur ongle des sommes faramineuses, l’Inspection générale d’Etat est bien vite mise en selle par le nouveau pouvoir, le Parti démocratique sénégalais (Pds) et ses alliés de la mouvance présidentielle. Ceux-ci découvrent en effet, assez tôt, révèle un ancien pensionnaire de la présidence, « toutes les possibilités qu’offraient les inspections d’Etat et leurs rapports qui sont craints par tout gestionnaire à quelque niveau qu’il se situe. On se mit à dresser à tours de bras ordres de mission pour un oui ou pour un non, pourvu simplement que ceux qui étaient visés sachent qu’ils avaient une épée de Damoclès sur leur tête et qu’ils devaient par conséquent se soumettre ainsi au désidérata du roi ou du prince ou encore de leurs féaux».
L’Ige, corps d’élite

L’Ige, institution administrative supérieure de contrôle placée sous l’autorité directe du président de la République, s’est voulue depuis sa création en 1964, à la place de l’ancienne Inspection générale des affaires administratives, la crème de l’Administration à tout le moins dans son volet audit et contrôle. La loi fixe en effet, des conditions de sélection rigoureuse de ses membres et leur garantie une indépendance fonctionnelle. C’est ainsi que les 3/5 de son effectif théorique qui n’a pas dépassé jusqu’en 2011 où il est passé par décret à 50, la trentaine, étaient scrupuleusement recrutés par un concours très sélectif, ouvert pour le concours direct, aux titulaires au moins d’un troisième cycle en Economie ou en Droit. Pour le concours professionnel, aux fonctionnaires de la hiérarchie A 1 ou A spécial ayant au moins dix ans d’ancienneté dans leur corps d’origine. Il était loisible cependant au président de la République de nommer les 2/5 restants de cet effectif théorique, parmi les hauts fonctionnaires de la hiérarchie A 1 et A spécial se prévalant d’au moins quinze ans d’ancienneté dans leur corps. Une nomination triée sur le volet avec comme critères, l’expérience, la compétence, la moralité, l’éthique et la déontologie pour une maximisation des ressources humaines de la Fonction publique.

A ce titre, l’Ige était considérée jusqu’à l’avènement du pouvoir dit de l’alternance de 2000 comme une source d’informations objectives sur la gouvernance économique et financière. Aucun décret, aucun projet de loi, aucun texte réglementaire ne se prend sans l’avis de l’Ige. Elle concourt ainsi à l’orthodoxie administrative, financière et juridique de l’Etat, procède conséquemment à la supervision des passations de service entre ministres et hauts fonctionnaires de l’Administration et des sociétés et entreprises publiques et parapubliques. Elle est la conseillère privilégiée de l’Exécutif et de son chef, le président de la République en leur fournissant études et évaluations documentées et outillées. Elle assiste à tous les conseils interministériels. Un rôle et des compétences consacrés avant 2000, ravalés depuis par le pouvoir libéral des Wade.

Les contingences du développement de la pauvreté, la demande exponentielle en services sociaux de base dans un contexte de crise de légitimité du service public, la forte demande de transparence de la société civile, les exigences des opinions publiques des pays mécènes qui réclament plus de transparence et d’impacts dans l’utilisation des fonds internationaux, ont été à l’origine d’une énième réforme du corps en 2005 argue le pouvoir libéral. Ceci en pleine « crise politique » qui secoue la majorité présidentielle. Une crise née des fameux chantiers de Thiès 44 qui mettent en cause l’ex-Premier ministre, Idrissa Seck et plusieurs autres personnalités du régime, notamment l’ancien ministre de l’Habitat, Salif Bâ, le ministre de l’Economie et des finances, épargnant curieusement le ministre délégué chargé du Budget de l’époque, dans une vaste opération qui s’apparente pour beaucoup d’observateurs à une cabale pour détruire un adversaire politique. Une crise où l’Ige joue un rôle central ou du moins un de ses membres et son équipe de vérificateurs jouent les pivots.
Cheviller davantage le corps

Un moyen cependant, confient certains hauts fonctionnaires, sous le couvert de l’anonymat il est vrai, « de cheviller davantage l’Ige à son seul et unique chef, le président de la République », qui se permet, confie publiquement l’un d’eux, notamment sa cheftaine, d’offrir de l’argent à certains d’entre eux. Même si la réforme permet à l’Ige de procéder à la relecture de ses missions et méthodes d’intervention et d’en tirer une réflexion stratégique qui définit une nouvelle vision de son action à travers des objectifs renouvelés. Parmi lesquels entre autres points, « satisfaire l’obligation, pour l’Inspection générale d’Etat de rendre compte de la gouvernance de l’audit et du contrôle internes… » Ou encore, « contribuer à la création des conditions d’une culture de reddition des comptes… »

Certes, depuis sa création en 1964, l’Ige a connu plusieurs réformes dans le sens de l’amélioration des conditions de travail de ces agents, du renforcement de leur pouvoir d’investigation et de leur indépendance fonctionnelle. A ce niveau, le décret n°80-914 du 5 septembre 1980 organisant l’Ige, modifié par le décret n°87-588 du 7 mai 1987, la loi n°87-18 du 13 aout 1987 portant statut des Inspecteurs généraux d’Etat, abrogée et remplacée ont été pris ou votés.
La réforme induite par loi n°2005-23 du 11 aout 2005, modifiée elle-même par la loi n° 2007-17 du 19 février 2007 du même objet, sera renforcée par un décret pris en 2007 qui a visé à améliorer davantage l’organisation et le fonctionnement de l’Ige. L’objectif poursuivi étant de lui permettre d’accomplir ses missions de manière efficiente. Il a été également question de procéder à l’harmonisation de l’ensemble des divers textes qui la régisse afin de préciser ses missions, leur typologie, leur étendue et leur exécution ainsi que les objectifs poursuivis. On emprunta aux Canadiens pour beaucoup dans cette nouvelle approche, sans pour autant les copier totalement.

Si en effet, assurent d’anciens contrôleurs, « on a pris aux Canadien jusqu’à l’appellation, le concept de Vérificateur, on n’est pas allé aussi loin qu’eux dans ce domaine. Le décret n° 2007-809 du 8 juin 2007 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Inspection générale d’Etat a été modifié comme suit :1 –: « Outre le plan d’audit, le programme annuel d’activités et les missions occasionnelles ordonnées par le président de la République, le Vérificateur général du Sénégal peut décider de toute autre mission jugée utile, à charge pour lui d’en informer immédiatement le président de la République ». 2 –: « L’effectif théorique du corps des Inspecteurs généraux d’Etat est fixé à 50 ».3 – « En cas d’auto saisine, l’ordre de mission est signé par le Vérificateur général du Sénégal » Au Canada le Vérificateur ne fournit qu’un rapport annuel au Premier ministre et au Parlement. Un rapport sur lequel, il communique pour informer largement l’opinion. Ici le rapport de l’Ige reste uniquement destiné au président de la République qui lui donne la suite qu’il veut ».
Un corps « écrémé »

Jusqu’ici muette, réservée à l’obsession, cultivant le secret d’Etat et la discrétion républicaine sur tous les dossiers qu’elle a en charge, l’Ige se mit à communiquer publiquement sur des dossiers en instruction, notamment dans celui des chantiers de Thiès 44 où la « vérificatrice », cheftaine de la mission s’épanche dans la presse, dans les journaux, à la radio et à la télévision. Du jamais vu ! Une situation qui laisse sans voix ses collègues abasourdis par tant de désinvolture. Le vieux Sirocondy Diallo alors patron après le président de la République de l’Ige qui lui, tout au long de son magistère ne s’est jamais exprimé publiquement sur quelques dossiers que ce soient, ses devanciers encore moins, se tait. Ses prédécesseurs, parmi lesquels, l’inspecteur en chef Samba Diallo et tous les autres dont beaucoup ne sont plus de ce monde, doivent se retourner dans leurs tombes devant « tant d’ignominies » ou se mordre impuissants les doigts. Les mêmes sources de certifier «qu’elle n’avait même pas l’aval de ses pairs, peut-être avait-elle l’autorisation motivée du président de la République avec qui, elle semblait en bonne intelligence dans cette affaire ? Autrement, elle devait être traduite devant le conseil de discipline, mais on a vu plutôt qu’elle a pris du galon après sa sortie ».

Une sortie dont le contenu dans la forme comme dans le fond laissait à désirer pour bon nombre de hauts fonctionnaires outragés. Mais qui n’a pas moins entamé sérieusement la crédibilité morale de l’institution, ébréché son autorité et affecté son image. Au finish c’est pourtant elle qui, comme s’elle touchait les dividendes d’un « dévouement » sans faille aux ordres du « généreux » chef d’Etat qui n’hésitait pas à la couvrir de tous les bienfaits même en pleine mission de vérification où il était partie prenante directement ou indirectement, a rapporté la presse, elle-même s’en est ouvert publiquement, devient sans être la plus gradée indiquent les mêmes sources, la Vérificatrice en chef du corps. Un mandat non renouvelable de sept ans qui aurait expiré depuis… le mois de février dernier, ajoutent-elles. Plusieurs Ige encore en activité sont plus gradés qu’elle, soulignent-elles.

N’empêche, elle a la conscience tranquille, même après les acquittements et non lieu prononcés dans l’affaire des chantiers de Thiès, avait-elle déclaré à nos confrères du journal le « Quotidien » qui avaient recueilli sa réaction à la suite du verdict du procès Etat du Sénégal contre Bara Tall, le Président directeur général de l’entreprise Jean Lefebvre Sénégal (Jls) et ses co-prévenus parmi lesquels, El Hadji Seyni Seck, Massamba Sall Samb, patron d’un bureau d’étude épinglé dans cette affaire, l’entrepreneur Marwane Sakhem… « J’ai la conscience tranquille. L’essentielle était de remplir ma mission au moment où il le fallait », avait-elle martelé.
Des Ige nommés entre les deux tours de la présidentielle 2012

Selon des sources généralement bien informées, l’ancien président Abdoulaye Wade n’a pas seulement promu des généraux à la veille de l’élection présidentielle de cette année et pendant la campagne électorale, tout comme il n’a pas aussi commis que des actes de gestion que l’élégance républicaine réprouve en pleine élection. Il se raconte qu’il aurait nommé de nouveaux Ige entre les deux tours. On cite parmi ces « appelés », l’ancien patron de la Cellule d’information financière (Centif) dont le mandat était arrivé à expiration et qui s’était épanché dans la presse contre son « ami » Abdoulaye Diop. L’a-t-on récompensé ? Si oui, pour quel service ? Toujours est-il qu’entre 2011 à nos jours, le chef de l’Etat sortant a « élu » une dizaine d’Ige au titre des 2/5 de l’effectif théorique passé d’une trentaine de membre avant à une cinquantaine dorénavant. Parmi lesquels, le mari de… la Vérificatrice en chef ! Les mêmes sources de révéler par ailleurs, que depuis 2000, l’Ige n’est jamais parvenu à accomplir la totalité de son programme annuel approuvé par son assemblée générale.

Distraite qu’elle est par les missions ponctuelles de vérifications qui visent le plus souvent à « dompter ou à mettre au pas », un adversaire politique ou de punir un militant indocile ou indiscipliné. « Il est heureux que la plupart des collègues, ont toujours réagi en professionnel, imperméables aux injonctions de l’autorité politique. Ils ont accompli leur travail, rien que leur travail ». N’empêche, leurs misions avaient des relents politiciens certains. A cela s’ajoute les missions de passation de service entre les ministres. Au rythme de nomination et de changement de gouvernement de Wade pendant ces douze ans, quasiment un gouvernement tous les six mois, les Ige passaient l’année à rédiger des rapports de passation de service. Une situation qui ajouté aux missions ponctuelles dont ils étaient bombardés, fait qu’ils n’ont jamais depuis 2000, puis accomplir plus d’un tiers de leur programme annuel.

Pour autant, plusieurs d’entre eux, ne cautionneraient pas la dissolution du corps ou son reversement à la Cours des comptes. « Même si l’image de l’Ige a été sérieusement écornée, notamment par l’agissement de certains d’entre nous et du fait également de la politisation à outrance par le chef de l’Etat sortant, de notre corps, il n’en demeure pas moins que nos missions quoi ne sont pas seulement d’inspection, de contrôles et de vérifications, mais bien plus large ne sauraient se diluer dans les rôles de la Cours des Compte. Il se poserait même des questions de préséance. Il ne faut pas oublier que pour être Ige, il faut déjà plafonner dans son corps d’origine, sinon disposer d’un doctorat au moins de 3ème cycle ». Que faire donc ? « Réformer le corps de sorte à raffermir son indépendance et son autonomie vis-à-vis de toutes les autres pouvoirs institutionnels en le sortant du joug de la présidence. Faire élire le vérificateur en chef par l’assemblée générale du corps sur la base des critères d’ancienneté, de probité, de compétence et d’éthique reconnus par la majorité des pairs. Rendre public ses rapports après la saisie si nécessaire de la Justice », entre autres pistes pour une réforme de fond d’un corps après le passage et la gouvernance des Wade.

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