La hausse des frais d’inscription plonge l’UCAD dans la violence

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Les raisins de la violence à l’Ucad

L’Ucad renoue avec la violence. De titre alléchant faisant les choux gras des journaux, cette phrase est devenue une banalité qui frise la méprise. La crédibilité de l’étudiant remise en cause est passée par-là. Pour une grande partie de l’opinion publique, les étudiants constituent dans leur écrasante majorité, une bande de fainéants à qui l’Etat donne tout.

Cette conception est la conséquence d’une politique savamment exécutée par un ancien  directeur des Bourses et un ex-ministre de l’Education nationale à qui l’ancien Président Wade avait soufflé le fatal stratagème. Les étudiants ne se sont jamais demandé ; pourquoi quelques temps après qu’ils aient bloqué l’avenue Cheikh Anta Diop, l’argent se remettait à couler à flots des guichets ? Ils savaient juste que c’était un moyen efficace et indispensable. Ainsi, toutes les fins de mois, à coups de pierres, les étudiants lapidaient leur crédibilité auprès des populations qui, pour certaines, étaient directement pé­nalisées par leurs agissements. Et à force de se faire entendre parce que le paiement est en retard, les étudiants s’en sont retrouvés inaudibles quand une véritable cause s’est posée.
C’est véritablement ce qui arrive présentement aux étudiants qui ne manquent pas d’arguments, mais que personne n’écoute.
La violence n’a jamais quitté l’Ucad, elle s’est manifestée hier à travers les codifications et les inscriptions. Aujourd’hui, elle s’e­xerce dans les restaurants, les salles de télé et les toilettes. Les étudiants s’empoignent, s’insultent, se rouent de coups à l’occasion comme ferait n’importe quel groupe de 60 000 jeunes réunis dans un espace clos et exigu.  La violence qui est relayée est celle qui se manifeste sur l’avenue Cheikh Anta Diop. C’est celle-là qui dérange. Elle dérange parce qu’elle crée des embouteillages jusqu’au centre-ville. Sinon, personne ne se plaindrait de la bastonnade d’un groupe d’étudiants par des policiers en mal d’actions.  On en est arrivé là. Et impunément, des nervis appelés vigiles se promènent dans l’espace universitaire, mé­chamment armés. C’est ce genre d’énergumènes  qui a fait face aux étudiants qui contestaient jusqu’à le manifester, la hausse des ins­criptions. Quarante parmi eux se sont retrouvés au service médical du campus, quatre dans un état grave.
Les Sénégalais savent si le montant exigé pour l’inscription dans les universités est raisonnable ou pas. C’est eux-mêmes qui le paient. L’Ucad peut-être considérée com­me un autre monde, mais les étudiants ne sont nullement détachés du reste de la société.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane, a tout faux de croire que les Séné­galais vont gober que les étudiants s’inscrivent en payant moins cher que les enfants du préscolaire comme il l’a froidement indiqué. Soit par mauvaise foi, soit par calculs politiques ou alors les deux, il refuse  d’admettre qu’en plus des 5 000 frs Cfa versés à l’agence comptable de l’université, les différentes facultés de l’Université Cheikh Anta Diop s’organisent admirablement pour soutirer 10 000 frs Cfa à chaque étudiant à travers des inscriptions pédagogiques  loin d’être logiques. Certaines scolarités exigent encore 1 000 francs avant un quelconque retrait de carte d’étudiant. 1 000 frs Cfa ne sont peut-être rien, mais multipliés par les 27 000 étudiants que comptait la faculté de Lettres et sciences humaines en 2008, cela devenait conséquent, mais toujours immatériel. Dans l’un ou l’autre cas, Mary Teuw Niane doit se ressaisir avant de se pervertir. Personne n’oublie qu’il a abandonné le Pit pour embarquer dans le bateau libéral au summum de sa splendeur, avant de s’enfoncer dans les profondeurs de la prairie marron quand le navire bleu commençait à tanguer. Etre un intellectuel, c’est aussi avoir le courage de ses idées. Ses prises de position radicales ne sont rien, comparées à l’abominable silence d’un de ses prédécesseurs. La prétention de ce dernier avait fini par éclater le ministère de l’Education nationale en trois entités. Il n’en occupe qu’un pan aujourd’hui. Alors Basta !
S’il tient à ce que  les frais d’inscription soient sensiblement augmentés, soit ! Mais qu’il ait le courage de demander à certains professeurs d’actualiser, au moins de quelques décennies, les cours qu’ils transmettent tels des automates. Qu’il fasse de sorte que les étudiants qui quittent l’Ucad puissent faire autre chose qu’enseigner. Qu’il arrête la politique qui consiste à renvoyer à la faculté de Sciences et techniques les meil­leurs nouveaux bacheliers des sé­ries S, alors qu’ils souhaitaient être orientés à la faculté de Médecine, de pharmacie et d’odontologie. Favoriser les Marocains et les autres nationalités parce qu’ils paient onéreusement leur inscription ne saurait soigner les Sénégalais ma­lades. Qu’il s’active pour que les étudiants ne suivent plus leurs cours assis à même le sol ou à travers les fenêtres. Le ministre sait-il que de nombreux étudiants en quatrième année sont privés d’inscription faute de  professeur encadreur ; que des étudiants attendent leurs résultats pendant près de 45 jours, avec tout ce que cela représente comme difficulté du point de vue psychologique ? Ancien recteur de l’Université Gaston Berger, M. Niane est-il imprégné qu’à l’Ucad plus de 10 000 étudiants sont exclus chaque année ? Si de telles conditions doivent persister, pourquoi demander plus aux étudiants ?
Et si pendant ce temps, l’idée de diminuer le montant des bourses prospère, les étudiants ne peuvent qu’être, à juste titre, sceptiques. Il ne s’agit pas de conformisme, mais de justice. Il n’est pas question d’obscurantisme, mais d’équité. En 2008, l’Etat du Sénégal avait aidé à partir en France 1 017 étudiants et sans aucune garantie qu’ils reviendront un jour servir le pays, il leur versait chacun une aide de 1 300 euros. Ces 1 017 étudiants, des fils de nababs pour l’essentiel,  ne sont aucunement plus méritants que les 40 000 non boursiers de l’Ucad, qui perçoivent chacun 60 000 frs Cfa l’année. Il est archi-faux de dire que tous les étudiants sont boursiers.
L’Etat cherche, coûte que coûte, à faire des économies quitte à revoir non pas son train de vie, mais les subventions englouties par l’infertile enseignement supérieur. Et pour permettre aux différents rectorats  de survivre à cette mesure qui s’est manifestée sur le budget 2014 voté le mardi 26 novembre, le ministre de l’Ensei­gnement supérieur est mis en branle pour trouver une alternative. Sa potion magique, pousser les étudiants à hausser leurs frais d’inscription. Mais au-delà des inscriptions en ligne qui sont certes salutaires, mais à la périphérie des maux dont souffrent les universités sénégalaises, il n’indique aucune orientation clairement définie. Tout dépendant de l’argent, le Temple du savoir est en phase de devenir un hypermarché où businessmen endurcis et visiteurs perdus se retrouveraient. Certains doyens, de connivence avec des recteurs, ont créé des Masters dont les inscriptions sont hors de portée de la plupart des étudiants régulièrement inscrits. Des instituts privés dont les promoteurs ne rendent compte à personne, pullulent à l’Ucad, sans jamais susciter la moindre interrogation.  Une université est certes censée créer des richesses, mais jamais dans l’immédiat. Elle est certainement source d’immenses ressources dans le moyen et long terme, mais jamais elle ne créera de fortune en termes d’espèces sonnantes et trébuchantes. Ou alors, elle aura foulé du pied sa véritable vocation et ce serait alors compréhensible que 1 100 bacheliers et 109 étudiants ayant le niveau de la licence ou de la maîtrise postulent à l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité pour devenir vigiles.
Aux étudiants, il ne faut pas répéter ce que Frantz Fanon disait dans Les Damnés de la terre (1961) : «Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir.»

Mame Birame WATHIE
[email protected]
Ancien président de l’Amicale  des étudiants de la faculté de lettres et sciences humaines

 

1 COMMENTAIRE

  1. «LA JUSTICE DOIT FAIRE LA LUMIERE SUR L’ARGENT INJECTE DANS
    L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR »
    BIRAHIM SECK DU FORUM CIVIL
    sur seneplus
    la-justice-doit-faire-la-lumiere-sur-l%E2%80%99argent-injecte-dans-l%E2%80%99enseignement-superieur
    Publication 16/09/2013

    Actuellement, la polémique fait rage entre le Saes et ministère de l’Enseignement Supérieur sur l’utilisation des milliards injectés dans l’enseignement privé pour l’orientation des bacheliers. Qu’est ce que cela vous inspire ?

    Le Saes a tout à fait raison de demander des comptes au gouvernement sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur pour la prise en charge des bacheliers orientés dans les universités privées. Les dirigeant du Saes n’ont usé que des dispositions des
    articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante du préambule de notre constitution qui prône la bonne gouvernance et la transparence. Il ne devrait y avoir même pas de polémique. Les autorités devraient
    même rendre compte avant que le Saes ne le demande. Les étudiants également doivent demander des comptes parce que les services sont pour eux.

    De plus, mon étonnement est plus grand sur le silence affiché par le gouvernement par rapport aux différents audits publiés sur l’enseignement supérieur qui intéressent les autorités de l’enseignement supérieur et au plus haut niveau. C’est grave et inquiétant au moment où nous dit que l’Etat veut injecter 302 milliards dans le domaine de l’enseignement supérieur.

    La justice traque des citoyens sénégalais et quand on produit des audits qui intéressent les membres du gouvernement ou des administrateurs, l’Etat ferme les yeux. Ce sont ces pratiques que les Sénégalais ont combattues. La justice sénégalaise doit également faire la lumière sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur. Les rapports d’audit sont là.

    Cependant la Banque mondiale est également interpellée car il ne sera logique ni acceptable que de l’argent soit à nouveau injecté sans que la vérité ne soit connu sur les faits invoqués dans ces rapports d’audit sur l’enseignement supérieur.

    Le Saes est bien dans son rôle et il appartient à l’Etat d’éclairer les Sénégalais si on veut avoir un enseignement supérieur de qualité dans un espace de sérénité et de lumière.
    _________

    LE RAPPORT D’AUDIT QUI MET À NU LA GESTION DE MARY TEUW NIANE
    (rapport commandité conjointement par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Économie et des Finances, sur financement de la Banque mondiale)
    sur ndarinfo
    UGB-de-Saint-Louis-Le-rapport-d-audit-qui-met-a-nu-la-gestion-de-Mary-Teuw-Niane

    __________

    «MARY TEUW NIANE MENE LE PRESIDENT DROIT AU MUR»
    SEYDI ABABACAR NDIAYE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SAES
    Oumar KANDE | Publication 23/08/2013
    sur seneplus «mary-teuw-niane-mene-le-president-droit-au-mur »

    « Seydi Ababacar Ndiaye, continuant son interpellation, demande quelle suite sera donnée à l’audit des universités où il a été noté une mauvaise gestion généralisée, «y compris la gestion du ministre actuel quand il était recteur de l’Ugb».

    «Est-ce qu’on peut continuer à faire confiance à des dirigeants qui ont été épinglés par différents rapports ? IL Y A AUSSI UN AUTRE DOCUMENT COMMANDITÉ PAR L’ACTUEL RECTEUR DE L’UGB AU NIVEAU DE LA DÉLÉGATION POUR LA RÉFORME DE L’ETAT ET DE L’ASSISTANAT TECHNIQUE (DREAT), QUI ÉPINGLE LE MÊME MINISTRE.

    Ce document à montré que l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, quand il était recteur à l’Ugb, son jeu favori c’était de créer des postes de responsabilité, de direction. Il en avait créé dix-neuf dans une petite université comme l’Ugb et il y avait des conséquences sur la masse salariale car tous ces directeurs avaient l’équivalent d’un million d’indemnité.

    Ces manquements devraient édifier qu’il faut faire les bonnes enquêtes et prendre les individus qu’il faut pour les missions importantes.

    Quelqu’un qui dirige une simple université et qui a ces types de comportement, on lui confie le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il y a lieu de se poser des questions», a dit Seydi Ababacar Ndiaye. »

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