Comment Wade a vécu la journée du 23 juin

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Comme les députés et les manifestants, le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, a eu une journée très chargée, hier. Une journée pleine de séquences marquantes qui ont débouché sur le retrait du projet de loi constitutionnelle instituant le ticket de l’élection simultanée, au suffrage universel du président et du vice-président de la République. L’Observateur révèle les péripéties de 24 heures très spéciales.

Mercredi 22 juin. Veille de l’examen du projet de loi constitutionnelle instituant le ticket de l’élection simultanée, au suffrage universel du président et du vice-président de la République. De retour de l’inauguration de l’Ecole supérieure des métiers du management et des langues (Groupe Estel), une propriété de la première épouse du ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, le Président Wade n’est sorti de son bureau que très tard dans la soirée. Son Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye déboule pour un long entretien avec le Maître. Il sera suivi sur la fiche d’audience par la notaire proche de Idrissa Seck, Me Nafissatou Diop Cissé. C’est un peu après 22 heures que la notaire, accompagnée de Karim Wade et de son conseiller en communication, Cheikh Diallo, ont franchi le seuil de la porte du bureau présidentiel. Contre toute attente, durant la vingtaine de minutes que l’audience a durée, pas une seule fois le nom de l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, n’a été évoqué, jure-t-on. Les discussions portaient sur autre chose. Un peu loin même de la chose politique.

Jusqu’à minuit, le Président Wade continue ses audiences. Ses plus proches collaborateurs et les cadres de son parti défilent. Le Président de l’Assemblée nationale, Mamadou Seck le Président du Sénat, Pape Diop entre autres se sont entretenus avec le Président.

L’idée est de toucher le fond du texte, particulièrement les articles les plus contestés, comme l’a révélée en exclusivité L’Observateur dans son édition d’hier. L’option est prise de préparer deux amendements que le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, devra cacher sous la manche pour doucher les éventuels contestataires et donner la preuve de son ouverture au dialogue. Wade consulte. Ecoute les propositions de son état-major politique dont les membres de son groupe parlementaire Libéral et démocratique. Un schéma est arrêté. La balle est dans le camp de Cheikh Tidiane Sy.
Jeudi 23 juin, 4h 50 du matin. La journée-marathon de Wade démarre à cette heure. Une voiture, avec quelques éléments de la garde rapprochée, s’immobilise devant la maison militaire. A 5 heures 25 minutes, une autre personne non identifiée les y rejoint. Ce sont les prémices d’une journée mouvementée. Le chef de l’Etat se signale à son bureau, après des «Nafilas» effectués quelques minutes plus tôt. Il décroche son téléphone, joint quelqu’un à l’extérieur. Puis il quitte son bureau pour ne revenir que vers 6 heures 30. Personne n’aura plus accès à lui jusqu’à l’heure du Conseil des ministres.

10 heures. La Salle dés banquets accueille les ministres pour la traditionnelle réunion du Conseil des ministres. Le Président ouvre le débat sur 1a question du projet de loi : «J’ai reçu le compte rendu de la réunion de la commission des : Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi. Il y a eu beaucoup d’amendements et la plupart porté sur les 25% retenus pour le minimum bloquant. » Le constat fait, Me Wade annonce, les yeux rivés sur les papiers empilés devant lui, sa décision de supprimer cette disposition sur le quart bloquant. Aussitôt, il demande à son porte-parole, Serigne Mbacké Ndiaye, d’annoncer la décision. La réunion du Conseil a enregistré les absences dé Cheikh Tidiane Sy, ministre de la Justice, et de son collègue en charge des Relations avec les Assemblées, Aminata Lô.

Le Khalife général des Mourides, Sérigne Sidy Mokhtar Mbacké, dépêche son porte-parole, Serigne Bassirou Abdoul Khadre, à Dakar pour rencontrer le Président Wade. Avant l’arrivée de l’émissaire de Touba, Serigne Abdoul Aziz Sy «Junior» joint le chef de l’Etat au téléphone, sur ordre du Khalife général des Tidianes, Serigne Mansour Sy.

« Junior» rapporté la commission du Khalife qui veut que Wade trouve une solution pour mettre fin au feu qui embrase le Sénégal: Le chef de l’Etat donne des garanties et rassure.

Vers 13 heures, la silhouette de Serigne Bass Abdoul Khadre est aperçue au Palais. La rencontre avec Wade ne dure que quelques dizaines de minutes. Le temps pour le porte- parole du Khalife de transmettre le message de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké. «La paix n’a pas de prix, a fait transmettre le guide Mouride. Au nom de la préservation de la paix civile, le Khalife voudrait que vous retiriez le projet de loi. Cela aiderait à éviter le pire.» Le chef de l’Etat promet au porte-parole de donner une suite favorable à la demande formulée par Serigne Sidy Mokhtar Serigne Bass quitte le Palais.

13 heures 30 minutes Le Président en liaison, téléphonique avec un correspondant, lui confie: «Peut-être que j’ai été abusé dans l’exposé des motifs du projet de loi.» Apparemment, il semble viser le ou, les rédacteurs du projet. Et de poursuivre : « Dans tous les cas, je vais prendre mes responsabilités, compte tenu de l’évolution de la situation.»

14 h 30. Le Président Wade rappelle d’urgence son ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, et l’enjoint de se rendre à Touba pour porter un message au Khalife. Malgré qu’il ait jeûné, Me Madické Niang, courroie de transmission entre le Palais et Touba, s’envole à bord d’un hélicoptère et atterrit dans la ville religieuse. Il est reçu par le Khalife des Mourides à qui il réitère la décision du chef de l’Etat d’accéder à sa demande de retirer le projet de loi. Non sans lui expliquer les raisons qui avaient guidé une telle démarche. «Il s’agissait de faire éviter au Sénégal les transitions douloureuses constatées un peu partout en Afrique», expose-t-il au Khalife. Ce dernier est sensible à la démarche de Wade qui, après avoir reçu son porte-parole, a pris la peine d’envoyer son ministre pour confirmer sa position. «Une marque d’estime» que le Khalife a louée. Avant de prier pour le
Président, son émissaire et le Sénégal. Madické Niang reprend les airs. Cap sur Dakar où il vient rendre compte au Président: Mission accomplie. A la même heure à Dakar, le chef de 1’Etat décide enfin de desserrer l’étau au niveau de l’Hémicycle. Son entourage voit les premiers signes d’énervement. Wade ordonne à son assistant de joindre des correspondants.

14 heures 55 : Toujours en communication, il confie à son interlocuteur : «Je ne suis pas au courant de sa démission du gouvernement.» Fait-il allusion à Djibo Kâ, le ministre de l’Environnement et leader de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd) dont la démission a été agitée dans la journée d’hier ? La décision du retrait du projet de loi est prise, mais le Président envisage aussi le scénario d’un retour du projet de loi au gouvernement en seconde lecture. Il s’informe aussi de l’heure de la suspension de séance de la plénière à l’Assemblée nationale.

16heures 15 minutes à l’Assemblée nationale. Le Président Mamadou Seck suggère une suspension de la séance pour 15 minutes. Les députés ne font aucune observation à ce sujet. C’est l’occasion de déployer la nouvelle stratégie. Le Président du groupe Libéral et démocratique, Doudou Wade, est briefé sur le retrait du texte. Et le Président Wade d’entrer en contact avec Mamadou Seck et Cheikh Tidiane Sy. Les échanges durent un peu moins de 40 minutes, mais sont entrecoupés par des appels téléphoniques.

16 heures 49 : Doudou Wade appelle les députés en conclave dans la grande salle sise dans le nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale. Le président du groupe parlementaire annonce la volonté de la majorité des députés de ne pas voter le texte et dit la position dégagée : «Il faut que le gouvernement retire son texte.» Daour Niang Ndiaye ne cache pas son opposition au retrait du projet. «Ce serait une humiliation», s’écrie-t-il. Non sans s’énerver. Et Seynabou Wade, la mairesse de Fass-Gueule Tapée-Colobane et nièce du chef de l’Etat, de s’aligner derrière l’ancien maire de Pikine. La majorité s’est dégagée. La réunion prend fin à 17 heures 30.

17 heures au Palais. Wade débite sa vérité à un correspondant au téléphone : «Etes-vous conscient de l’impact de ce retrait du projet de loi sur ma candidature en 2012 et sur le Pds ? Mais on verra.» Le Président n’est plus sûr de l’opportunité de sa candidature.

30 minutes plus tard, toujours au bout du fil avec un interlocuteur, il dit : «Personne d’entre eux n’avait objecté pendant que j’exposais le texte. Ni avant ni après. Je comprends et on verra. »

17 heures 40 : La messe est dite. Doudou Wade demande au gouvernement de retirer le projet. Le ministre de la Justice abdique et applique la consigne de Wade: Pendant ce temps, Wade s’entretient avec quelqu’un d’autre au téléphone. La relation a l’air d’un compte-rendu de naufrage : «Il y a eu déferlement dans les rues. La presse privée a servi de relais dans les foyers, les bureaux et dans le pays. Il a été plus sage pour moi de le retirer. Mais, je n’ai pas senti le Pds et la Cap21 est inopérante.» Parlait-il à Sarkozy, un de ses «sponsors» ? Ou à Karim, qui se trouvait en France ?

18 heures 50. Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, arrive au Palais, sur convocation du Président. A l’Assemblée nationale, les députés libéraux convoquent une nouvelle réunion. Les parlementaires tirent les enseignements de la journée. Les premières flèches sont décochées contre le Président de la commission des Lois, Me Abdoulaye Babou, à qui il est reproché d’avoir précipité les choses pour n’avoir pas aidé à prendre en compte les 32 amendements introduits par les députés en commission. Les députés ont aussi fait cas de leurs inquiétudes sur les raisons qui ont fondé la décision du ministre de l’Intérieur d’autoriser toutes les manifestations alors que les mesures appropriées n’ont pas été prises.

De même les collègues de Doudou Wade ont déploré l’absence de communication entre l’Exécutif et les députés sur des questions d’ordre politique contre le projet de loi.

Devant cette situation, les libéraux enjoignent le Président du Groupe parlementaire de former une commission chargée de rédiger une correspondance au président de la République pour lui porter toutes les observations faites par les députés. Mais, séance tenantes, Doudou Wade et Mamadou Seck sont instruits d’aller rencontrer le Président afin de lui donner les explications supplémentaires.
Vers 21 heures, le ministre de la Communication, Moustapha Guirassy, est reçu par le chef de l’Etat. Il devait être suivi par le porte-parole de la Présidence, Serigne Mbacké Ndiaye, et le Premier ministre, Souleynane Ndéné Ndiaye. «Je vais en tirer toutes les conséquences ! Il n’est pas question d’endosser tout seul cette déconvenue », assène le Président à ses visiteurs.

22 heures 45 : Les ambassadeurs des Etats-Unis et de l’Angleterre au Sénégal, Marcia Bernicat et Christopher John Trott, franchissent le portail du Palais pour une audience avec le chef de l’Etat. Pour une explication de texte.

A la place d’une conférence de presse, l’idée d’une adresse à la Nation prend forme chez le Président. Reste à en discuter aujourd’hui avec ses proches collaborateurs pour juger de sa pertinence.

Source: Lobs

2 Commentaires

  1. Si réellement vos commentaires sont vrais alors Daour ND Niand et cette pute de niéce de Wade sont de véritables crétins. Ils croient vraiment que une quelconque force de l’ordre pouvait empêcher ce qui est arrivé ce jeudi. Pauvres ignards de libéraux, ils n’ont toujours pas compris que le temps des ruses est terminé. Les gouvernés sont plus instruits, plus intégres et plus patriotes que les gouvernants. Pauvres incultes.

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