La volonté populaire piétinée et nos institutions rabaissées : finalement Macky Sall ne rentrera pas dans l’histoire!

Date:

 

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai suivi toute la théâtralisation du reniement du président de la république. En lieu et place de soulever notre démocratie et d’en faire un modèle en Afrique et dans le monde, il a choisi de suivre son intérêt personnel et celui de l’oligarchie qu’il entretien au mépris de toute la symbolique du mandat que le peuple lui a confié sur la base de la parole donnée. Il me plait d’examiner dans cet article quelques conséquences qu’il pourrait en récolter comme retombées négatives du reniement et de la trahison du peuple.

Souvenons-nous, Macky Sall a pendant longtemps téléphoné cet avis favorable du conseil constitutionnel en déclarant lors d’un de ses déplacements dans le pays, que « le débat était prématuré » et qu’au moment venu il demandera « l’avis de la cour constitutionnel ». Cette nouvelle trouvaille de « l’avis » et non de « la décision contraignante » du conseil constitutionnel était alors une nouveauté dans son discours. Elle entre en contradiction avec toutes ses déclarations antérieures où il précisait : «…C’est un choix définitif, je réduirai mon mandat de 2 ans »; il déclare par ailleurs : « Si je prends un engagement, j’entends le respecter ». En martelant cette parole sur tous les toits du monde, il n’avait plus besoin du conseil constitutionnel pour soumettre « le pacte social » à la population qui devrait sans ambages s’y prononcer. Cet engagement de réduction du mandat a été un contrat social sur la base duquel plusieurs de nos concitoyens ont accordé leur suffrage à Macky Sall. Pour cette raison, la cour constitutionnelle n’a pas plus de légitimité que le peuple pour accepter ou non sa réduction. Par ailleurs, la composition de cette cour constitutionnelle, taillée au goût du Président en exercice lui donne encore moins de légitimité que le peuple souverain.

Tout cela pour dire que Macky Sall a manqué l’occasion de rentrer dans l’histoire et ressemble finalement à tous ces présidents d’Afrique qui ne verront jamais la véritable demande sociale de leur peuple. Contrairement aux avis incompréhensibles de certaines personnes se disant professionnels du droit, on ne comprendra jamais l’idée de dire que la parole d’une institution comme le Président de la république n’a aucune valeur juridique quand vient le moment de tenir son engagement. Du temps de Wade, certains esprits parlaient de « verbiage » pour noyer le poisson d’un 3e mandat illégal alors qu’aujourd’hui les mêmes catégories de personnes en recherche de légitimité, en reconversion politique ou en recherche de prébendes et de strapontins parlent de respect de la charte fondamentale. N’oublions pas que le mandat était de 5 ans et que c’est une interprétation opportuniste et parlementaire de Wade qui l’a ramené à 7 ans avec pour dessein de mettre son fils, malgré les verrous. Une logique simple aurait été d’abroger l’intrusion de Wade et de rétablir les 5 ans que le peuple avait déjà plébiscités en 2001. Mais, hélas on veut nous mettre face à un référendum qui n’a plus d’enjeu pour encore dépenser des milliards de nos maigres ressources. Après cette gifle aux citoyens que nous représentons, c’est encore nous demander d’aller jouer le jeu qui dirait qu’on fait un maquillage démocratique consolidant à nos institutions. Quelle perspective désenchantante pour ce vaillant peule du Sénégal !

Au-delà de considérer la volonté exprimée de la population du Sénégal dans les urnes sur la base de la parole donnée, il convient de pouvoir apprécier les conséquences suivantes sur la légitimité du pouvoir de Macky Sall :

  1. Monsieur le Président, vous avez la légalité de notre institution suprême qui vous est inféodée par sa composition et sa désignation, mais vous venez de perdre la légitimité populaire à jamais;
  2. Vous venez de banaliser la parole de l’homme politique sénégalais, encore une fois comme votre prédécesseur l’a fait, en donnant la symbolique que la parole donnée dans le champ politique n’a pas son pesant d’or;
  3. Vous venez de mettre tous les esprits sensés du pays, pas ceux opportunistes, dans la logique de combattre toute initiative qui vient de votre gouvernement parce que vous n’êtes plus une personne crédible sur parole. En fait, que vaut un homme politique s’il lance dans l’esprit des citoyens qu’il représente qu’il ne faudrait pas croire en sa parole donnée ?
  4. Enfin Monsieur le Président, vous venez vous mettre dans la logique de perdre les élections législatives et présidentielles car l’écrasante majorité des sénégalais se situent en dehors des partis politiques et juge ses dirigeants sur la symbolique et les actions.

Malgré ces jeux de passe-passe juricopolitiques qui affaiblissent énormément la parole des futurs présidents potentiels du Sénégal et la crédibilité de nos institutions, je demeure convaincu que le train du vrai changement est encore en marche au Sénégal avec des esprits qui savent mieux discerner et que les mêmes actes de trahison posés créeront sans nul doute les mêmes effets. Le reniement de Wade et son obsession d’imposer son fils lui ont coûté la perte du pouvoir et je ne doute guère que le reniement de Macky Sall et sa volonté d’imposer la famille le perdront également. Dans la logique déroutante du Wah Wahète, je vous dis clairement aujourd’hui « au moment venu, les sénégalais sauront prendre leurs responsabilités! ».  

 

Ibrahima Gassama, Québec

Économiste du développement durable au gouvernement du Québec

Contact : [email protected]

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Licences de pêche : Sonko et Diomaye filent du très mauvais coton (Par Moïse Rampino)

Avant leur accession à la magistrature suprême, ils avaient...

La publication des licences de pêche : quelle utilité ? (Par Mandiaye Diallo)

Il est crucial de faire la distinction entre la...

Mame Mbaye Niang, Loum Diagne, Luis Riu et les 16 milliards (Par Marvel)

Voici un gros scandale datant de 2018, portant sur...