Le discours de Sonko à la loupe (lors de la présentation de son livre « Solutions »)

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Les contradictions, les alertes, les conflits sont les moteurs d’une révolution, d’un renouvellement de tout système qui se veut évolutif. Un projet de société ne peut être fécond que lorsqu’il s’appuie sur les critiques de ses membres pour se reproduire, pour être novateur. Tout homme politique responsable doit véhiculer un discours critique et utile pour le changement social. Le discours d’Ousmane Sonko de Pastef s’inscrit-il dans cette dynamique ? L’homme lui-même est-il arrogant ? Doit-il se démarquer du système ?

Sonko est-il arrogant ?
Au Sénégal, tout se passe comme si l’on est obligé de taire, de contredire, ou de contrefaire pour masquer tout ce qui ne convient pas à la marche entreprise par l’Etat sous prétexte de se conformer aux notions de sagesse, de « masla », de yar (une bonne éducation). C’est comme si la sagesse est synonyme de complicité avec l’injustice dans un silence coupable. C’est le comble du ridicule  lorsqu’on érige un concept en dogme (l’arrogance) pour le brandir comme une arme, une épée de Damoclès contre tous ceux qui dénoncent l’injustice. Dans le dictionnaire Le Robert, l’arrogance est définie comme une « insolence méprisante ou agressive ». Maintenant qualifie-t-on quelqu’un d’arrogant lorsqu’il a une attitude méprisante à l’égard d’une injustice manifeste (crime, vol etc.) ?
D’après mon analyse Ousmane Sonko n’est même pas arrogant, il est plutôt un individu-sujet.  L’activité de l’individu-sujet est avant tout de nature critique et réflexive. Tout acteur politique ou citoyen ne peut se définir comme individu-sujet que lorsqu’il refuse d’être réduit à un simple pion et qu’il accepte de se réaliser en s’opposant à ce qu’il croit être injuste.
Selon l’approche sociologique d’Alain Touraine, l’individu-sujet est assimilé à une sorte de « micromouvement social, de mouvement minuscule », qui appelle à son corps, à ses sentiments, à son individualité, à sa dignité, afin de résister aux représentations de lui-même et aux divers contrôles sociaux qui le réduisent soit à ses rôles, soit à ses intérêts.  Ainsi, le sujet se réalise que lorsqu’il refuse d’être enfermé dans des structures, des modes de vie habituelles, des contraintes que les idéologies imposent aux citoyens : « le sujet se forme dans la volonté d’échapper aux forces, aux règles, aux pouvoirs qui nous empêchent d’être nous-mêmes, qui cherchent à nous réduire à l’état de composante de leur système et de leur emprise sur l’activité, les intentions et les interactions de tous. Ces luttes contre ce qui nous ôte le sens de notre existence sont toujours des luttes inégales contre un pouvoir, contre un ordre. Il n’y a de sujet que rebelle, partagé entre colère et espoir ».
Je ne vois pas en quoi les propos de Sonko, qui d’ailleurs n’a jamais insulté personne, sont –ils virulents alors que nous avons en face de nous un système qui normalise la déviance, tolère la corruption, la transhumance. Comment peut-il faire le « masla » avec de véritables abreuvoirs à mouches, des partis de coalition, faiseurs d’almanachs, de chimères et de fantaisies qui rachètent leur silence par un positionnement, par l’argent du contribuable ?

L’appartenance religieuse de Sonko
Contrairement à certains, je suis de ceux qui pensent que les journalistes ont la liberté de poser toute sorte de questions. A la question de savoir si Sonko est Ibaadou, il répond : « Je suis le seul homme politique à qui on demande son appartenance confrérique. Ça ne me gêne pas. Mais cette question induit une certaine stigmatisation d’une catégorie de sénégalais. Si tu as une barbe, une femme voilée, tu ne fais pas partie du Sénégal et tu n’es pas citoyens et pourtant ce sont des signes islamiques (…) Faire en sorte que le pays devrait être notre seul priorité. Et s’il y a un sénégalais patriote, honnête qui puisse le faire, qu’il soit athée, chrétien, musulman, témoin de jéhovah, ou de quelques confréries que ce soit, qu’on le mette à la tête du pays »
Je ne vois pas une réponse aussi rassurante, aussi intelligente pour quelqu’un qui aspire diriger un pays. Derrière ce personnage politique, se cache un rassembleur, un fédérateur dans la prise en compte de toutes les tendances religieuses et les sensibilités diverses. Non seulement Sonko  le dit mais il le pratique dans les faits. Je me demande ce que la société sénégalaise réclame de plus ! Par contre nous avons tous vu et entendu un président de la république avec un discours qui divise en invitant même les sénégalais à la haine dans une société sénégalaise où toutes les sensibilités religieuses se mélangent. On peut observer au sein d’une même famille sénégalaise toutes les tendances religieuses confondues : mouride, tidjane, ibaaabou, layene, niassène, chrétien etc. Tout discours qui vise à stigmatiser une seule catégorie est un discours dangereux, vecteur de déstabilisation de la cohésion sociale et doit être condamné par tous les partis politiques. Et tout responsable ou parti politique qui utilise ce discours dangereux pour discréditer un candidat est en l’encontre des principes de la république. Nous avons la chance de vivre dans la paix même si quelques rares excès peuvent provenir de n’importe quelle catégorie religieuse. Une bonne intelligence politique consisterait à jouer sur ce qui peut nous rassembler et non ce qui nous divise.

Le système ?
Adoptons l’approche fonctionnaliste (je dois signaler que cette approche a fait l’objet de critique mais ce n’est pas le débat d’aujourd’hui) pour comprendre la notion de système. En effet dans l’approche du fonctionnalisme, les individus ne sont que des pièces d’une machine qui les fait fonctionner. La société est une grande machine et la position de l’individu n’a de sens que par rapport à la fonction qu’occupe la machine. Le système regroupe ainsi l’ensemble des parties de la « machine ». Donc si le système est « malade », on le ressent aussi sur l’ensemble des parties intégrantes de  ce système : l’éducation, la santé, le travail, etc.
Si nous suivons cette logique, nous pouvons affirmer que dans un système où le tout n’est plus la somme des parties, nous ne pouvons plus parler de système proprement dit. J’ai l’impression que Sonko veut se démarquer des représentations trompeuses, des illusions, des mensonges que le système injuste impose à la société.
Nous avons ainsi l’impression de tourner en rond par le jeu d’une « rebelotte » dans un même système avec parfois les mêmes pions, depuis le temps de Senghor et en plus avec les mêmes acteurs politiques.
Le problème n’est jamais de savoir s’il faut être dans le système ou pas mais de savoir ce qu’est être un système juste. Comment insérer la justice dans un système de prestidigitateur dont les responsables sont des marchands d’illusion, prêts à tous les coups bas pour faire du « tong tong », du partage de notre argent, de nos biens et ressources tout en méprisant le peuple ?
Il n’existe pas de pouvoir sans peuple. Pourtant, tous ceux qui veulent s’éterniser au pouvoir le font en méprisant leur peuple. Tout régime entretenant son peuple par le mépris, la tromperie, la querelle et le mensonge finira tôt ou tard par être balayé par la vindicte populaire. Que chacun prenne ses responsabilités car « il n’y a pas de destin forclos, il n’y a que des responsabilités désertées », disait Frantz Fanon.

Docteur El Hadji Séga GUEYE- Sociologue, enseignant chercheur.
Contact : [email protected]

3 Commentaires

  1. Moi j’ai trois questions lourdes à lui poser 4 autres qui seront des questions subsidiaires :
    1. Maintient-il ses prises de position opportunistes avec les « amis de kémi séba » favorables à une sortie du CFA ? S’il le fait, je ne voterai pas pour lui.
    2. Quelles sont ses relations avec le mouvement Jamatou Ibadou al rahmane ? (question déjà posée par fatou thiam) S’il est Ibadou rahmane je préfère ne pas m’aventurer à lui confier mon destin.
    3. Qui sont ses bailleurs de fonds actuels (question déjà posée par fatou thiam) pour un fonctionnaire qui a été radié de la fonction publique ? Si ses bailleurs sont des lobbies occultes (réponse genre des amis qui me soutiennent) et venant de la diaspora, je ne serai pas prêt à voter pour lui.
    4. Va t il réduire de 75% toutes les caisses noires et les ramener juste à 20 milliards par an comme du temps de Abdou Diouf et réduire drastiquement le train de vie drastique de l’Exécutif, de la Magistrature et du Parlement ?
    5. Va t il continuer à privilégier nos relations bilatérales avec le monde occidental (France, USA, Allemagne, Canada etc.) ? Si ce n’est pas le cas, je ne voterai pas pour lui.
    6. Va t il nous ôter du pieds cet engagement diplomatique vicieux, atavique et stérile que nous avons avec la Palestine et le monde arabe ?
    7. Va t il pousser les forces de la Cedeao à s’investir sur le terrain dans la lutte efficace contre le terrorisme au Mali, au Tchad et surtout à côté de nos frères nigérians contre Boko Haram, Aqmi, etc ?

    SUR CES QUESTIONS SI LA REPONSE M EST ACCEPTABLE ET DIRECTE ALORS IL SERA MON CANDIDAT. A DEFAUT IL NE SERAIT PAS RASSURANT ET MEME IL SERAIT HASARDEUX DE LUI CONFIER LE PAYS.

    MIEUX VAUT PRESERVER LE STATU QUO ET VOTER POUR LE CANDIDAT MACKY SALL. LE SEUL QUI SOIT RASSURANT DANS LE CONTEXTE ACTUEL;

    • La fin de ton commentaire montre que tu n’es qu’un hypocrite qui fait semblant de poser des débats d’idées. Si tu t’appliquais ton semblant de rigueur, tu ne voterai jamais pour Macky, un homme au quotient intellectuel limité qui a volé des milliards de l’argent public dans un des pays les plus pauvres au monde ou l’éducation et la santé sont à terre. Nos dirigeants répugnent tellement notre système de santé qu’ils se soignent à l’étranger, préférant laisser nos hôpitaux crasseux à ceux qu’ils volent. Tu joues les intello, alors que tu n’es qu’un ignare.

      Tes questions idiotes ne méritent pas réponse. Tu as déjà choisi le vol, le mensonge, les caisses noires à milliards et l’instrumentalisation de la justice incarnés par Macky. Le bien être du Sénégal est la dernière chose qui te préoccupe. Peut être es tu un de ces vampires du système qui font que l’Afrique est un continent arriéré et la risée du monde, tellement la corruption nous ravage.

      Pauvre de nous. Notre sous-développement mental est encore pire que notre sous-développement financier.

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