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France: L’errance d’un Sénégalais menacé par la double peine

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« Ma dette, je l’ai payée. Là, on cherche à m’appliquer une double peine. » Mobel Gueye, père de famille sénégalais de 51 ans, est amer. Depuis sa sortie de prison, c’est l’impasse. Mobel Gueye vivote, sans titre de séjour régulier, entre arrestation, centre de rétention et travail au noir. Il vit à Elbeuf, en Seine-Maritime. L’homme est père de cinq enfants, bientôt de six. Aujourd’hui, il a pourtant du mal à comprendre l’acharnement de la préfecture.

Condamné à 12 années de réclusion criminelle en 2002 pour des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, Mobel Gueye risque l’expulsion à tout moment. « La présence de cet étranger sur le territoire français constitue une grave menace pour l’ordre public », indique, en effet, l’arrêté d’expulsion signé par le préfet de l’Eure en 2006.

« Une situation hallucinante »

Jusqu’à sa condamnation en 2002, Mobel Gueye vivait et travaillait en France de manière régulière. Il est arrivé sur notre sol en 1980. Il a eu trois enfants avec une Française dont il s’est séparé quelques années plus tard. En 1999, lorsqu’il entre en prison, il est toujours « en règle ». En 2006, anticipant sa sortie, il fait des démarches pour renouveler ses papiers, mais il apprend de l’administration qu’il n’aura pas de nouveau titre de séjour. Pire, on lui indique qu’il va devoir faire ses valises et retourner au Sénégal, où il n’est plus allé depuis trente ans.

Le premier réflexe de Mobel Gueye est de contester l’arrêté d’expulsion devant les juridictions administratives, mais il perd en première instance et en appel. En clair, il ne fait pas partie des personnes protégées au titre de la loi Sarkozy de 2003 sur la double peine. « M.Gueye n’a pas toujours été près de ses enfants », avance Jean-Michel Mougard, secrétaire général de la préfecture de Haute-Normandie. « On est dans une situation hallucinante, rétorque Cécile Madeline, avocate de Gueye. Voilà quelqu’un qui est en France depuis très longtemps, avec de nombreux enfants français, une femme française, et on cherche à le renvoyer dans un pays qu’il ne connaît pas ! »

Titre de séjour

Depuis plusieurs années, Me Madeline s’emploie à contrer les actions de la préfecture. Il y a quelques semaines, à la suite d’une ultime interpellation de son client, elle a déposé un référé-liberté devant le tribunal administratif de Rouen, et a obtenu gain de cause. L’arrêté d’expulsion reste toujours en vigueur… mais la préfecture n’a plus le droit de l’appliquer et a choisi de ne pas faire appel. De quoi redonner un relatif sourire à Mobel Gueye qui, depuis plusieurs semaines, vivait caché hors du domicile familial, la peur au ventre, redoutant l’arrivée de la police. « Cela n’est plus vivable. Moi, j’ai besoin de mon mari. Je suis enceinte. On a aussi besoin qu’il puisse travailler », témoigne sa nouvelle compagne française, avec qui il s’est marié en 2008.

Si la famille Gueye peut désormais souffler, rien n’est encore réglé sur le fond, car l’arrêté d’expulsion n’est toujours pas abrogé et Mobel Gueye n’a toujours pas de papiers qui lui permettraient de travailler de manière légale. Seul point positif, les déclarations optimistes du secrétaire général de la préfecture : « Il peut à tout moment solliciter la préfecture pour obtenir un titre de séjour. Ce sera plus facile maintenant que la décision est suspendue. » Son avocate rappelle cependant : « Tant que l’arrêté d’expulsion existe, il s’oppose juridiquement à la délivrance d’un titre de séjour. » Dans les prochains jours, Mobel Gueye devrait déposer une demande officielle de titre de séjour.

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