Beaucoup d’argent ont été générés pour justifier la cession des terrains de l’aéroport pour bâtir le monument voulu par le Président Wade. Or, un mouvement d’humeur des travailleurs coréens a permis de mettre à nu des manœuvres de détournement d’argent, dont on se demande encore au profit de qui elles se sont faites.
Par Mohamed GUEYE
Avant-hier, un mouvement d’humeur, sur le chantier du monument de la Renaissance africaine, avait poussé les travailleurs nord-coréens à stopper le travail. Les employés de la Mansudae overseas project group avaient décidé d’exprimer de cette manière leur mécontentement de voir les Sénégalais ne pas leur payer l’argent convenu pour la réalisation du fameux monument de la controverse.
Avant de passer aux actes, les sujets de Kim Jong Il avaient écrit une lettre, expédiée aux autorités sénégalaises, le Président et les principaux concernés par cette œuvre, pour leur expliquer la nature du mouvement. Il se dit au Palais présidentiel que, sitôt informé, le Président Abdoulaye Wade a reçu une délégation des Coréens, pour les rassurer quant à sa volonté de leur payer ce qu’il leur doit. Entre-temps, les dirigeants de Mansudae sont également entrés en jeu, et ont convaincu leurs compatriotes de reprendre le cours du travail.
Rencontré avant-hier soir sur le site, le chef de chantier coréen n’a pas cherché à cacher les problèmes, même s’il a usé d’un langage bien nuancé. Il a volontiers reconnu «quelques difficultés», qui les ont poussés, ses compatriotes et lui, à arrêter le travail. Mais il a expliqué que, leurs chefs leur «ont demandé de reprendre le travail. Car nous ne pouvons laisser le chantier comme cela».
Ce responsable explique que selon les termes du contrat, l’infrastructure devrait être livrée le 15 mars prochain au plus tard. Ce n’est donc plus le moment de prendre du retard dans sa réalisation. Donc, pour lui, en ce qui concerne leur part de travail : «Nous allons tenir parole, et espérons que tout le monde tiendra sa parole.» Cela ne traduit pas une confiance excessive, mais plutôt une certaine résignation.
Sur la somme qui leur serait due par les autorités sénégalaises, le Coréen reste évasif, tout en déclarant que les autorités sénégalaises savent que c’est important. Il a confirmé par ailleurs, que la statue en elle-même, a coûté 8 milliards de francs Cfa environ. Ce sont les aménagements extérieurs qui font que la somme ait atteint les 12 milliards de francs Cfa. Et cette somme n’a pas encore été recouvrée.
Ce mouvement d’humeur des Coréens suscite bien des interrogations. Ceux qui suivent l’affaire savent que c’est le promoteur immobilier Mbackiou Faye, qui, en échange des terres de l’aéroport, devait trouver, entre autres, l’argent destiné à désintéresser les Coréens. Or, des personnes proches de ce dossier ont pu démontrer qu’il y a environ trois mois déjà, M. Faye avait sorti 8 milliards de francs Cfa, pour régler sinon la facture, du moins une partie de la facture de l’entreprise Mansudae Overseas. Or, si M. Mbackiou Faye, dont on sait qu’il n’est pas le maître-d’œuvre du monument, a décaissé l’argent, comment se fait-il qu’il ne soit jamais arrivé chez les destinataires ?
Dans l’affaire des terres de l’aéroport, dont le monument de la Renaissance a été le prétexte au dépeçage, on a parlé de plus de 35 milliards de francs au moins, en basse estimation. Et l’on sait que des acquéreurs comme l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), a payé rubis sur ongle environ 18 milliards de francs Cfa, pour acquérir sa part de terrains. Comment justifier qu’avec tout cet argent, on hésite encore à payer les Coréens ?
M. Mbakiou Faye, qui détient une partie des réponses à ces questionnements, n’était pas joignable hier, malheureusement. Et Pierre Goudiaby Atepa étant presque exilé hors du pays, depuis que la famille présidentielle lui bat froid, ce n’est pas de son côté que l’on pouvait avoir de réponse. Sans doute peut-être, un jour, du côté de la famille Wade ?