Scènes de panique au nord du Sénégal : « Je n’ai jamais vu autant de peur et de tensions à Podor »
Archive : photo de la sortie d’un collège de Podor publiée par le site de l’association CASES.
Une manifestation organisée à Podor, dans le nord du pays, a dégénéré en violentes échauffourées entre les gendarmes et les partisans du Mouvement du 23-Juin (M23) ce lundi 30 janvier. Deux personnes ont été tuées dans les altercations, un collégien et une femme âgée d’une soixantaine d’années. Sept autres ont été blessées. Notre Observatrice, sortie en ville pour faire son marché, s’est retrouvée au cœur des affrontements avant de réussir à s’échapper.
La marche de protestation était organisée par des membres du M23, mouvement qui regroupe des organisations de la société civile et des partis politiques d’opposition. L’objectif était de dénoncer la candidature d’Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 12 ans, à sa propre succession. Après l’annonce de la validité de sa candidature, le 27 janvier, des manifestations avaient éclaté un peu partout dans le
« Une femme a reçu un projectile dans le sein et s’est effondrée par terre »
Amina (pseudonyme) est enseignante à Podor.
Je ne travaillais pas ce matin alors j’en ai profité pour aller faire mes courses au marché. Je me suis retrouvée tout près des affrontements entre les jeunes et les gendarmes. Ces derniers tiraient des gaz lacrymogènes alors que je n’ai vu que des pierres dans les mains des jeunes. Les gens couraient dans tous les sens, les commerçants, paniqués, fermaient leur boutique. J’ai même entendu des balles siffler [rien n’indique pour l’heure s’il s’agissait de balles réelles].
Une femme s’est mise à courir parce qu’elle prenait peur. Elle ne faisait pas partie des manifestants. Comme moi, elle avait l’air d’être venue en ville pour faire des courses. Elle a reçu un projectile dans le sein et puis s’est effondrée par terre. Je ne sais pas si c’était un tir de lacrymogène ou autre chose, mais ça provenait des gendarmes [les témoignages cités par l’AFP rapportent que les tirs provenaient des forces de l’ordre]. Un jeune de 14 ans est mort aussi. Il était collégien. Il avait suivi les manifestants qui avaient fait le tour des collèges et du lycée de Podor ce matin pour inciter les élèves à se joindre à la marche.
Je n’ai jamais vu autant de peur et de tensions à Podor. Même vendredi soir, après la validation de la candidature de Wade par le Conseil constitutionnel, il n’y a pas eu d’explosion de violence. Ce week-end, les jeunes du mouvement ‘Y’en a marre’ [mouvement d’opposition créé par des rappeurs de Dakar en janvier 2011] se sont concertés et ont appelé la population à manifester ce matin, mais il n’y a jamais eu de débordement. Aujourd’hui, la ville est en deuil. Et ce qui s’est passé à Podor risque d’énerver davantage les jeunes d’ici l’élection. »
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france24.com