Mots croisés avec… Baaba Maal, lead vocal du Daandé Léniol : ‘L’Afrique va parler au monde lors des JO de Londres 2012’

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En France depuis le 29 octobre, Baaba Maal a bouclé sa tournée par Mantes-La-Jolie le 12 novembre dernier.Dans la première partie de cet entretien qu’il nous a accordé jeudi 10 novembre, le leader du Daandé Léniol revient sur le sens de cette tournée célébrant les 25 ans de son orchestre mais aussi et surtout les opportunités qu’offriront les Jeux Olympiques de 2012.L’événement devrait servir de tribune à l’Afrique pour montrer sa place dans le monde.

Wal Fadjri : Vous êtes en tournée en France depuis quelques jours. Comme ça se passe ?

Baaba MAAL : Ça se passe bien. Au début, c’était un coup d’essai. Au fur et à mesure qu’on continue, la réception devient de plus en plus importante. Ce n’était pas aussi évident parce qu’on a confié la manifestation à des gens qui ne sont pas des professionnels du spectacle. Mais c’est des gens qui nous ont accompagné pendant 25 ans. La tournée ‘Vingt-cinq ans’, c’est un concept nouveau. Ils se sont adaptés au fur et à mesure sur le plan de la logistique, de la mobilisation de la communauté. Ils sont en train de réussir. On attend de voir la fin de la tournée pour voir si les objectifs sont atteints (la fin a eu lieu le 12 novembre un jour après l’entretien : Ndlr). Mais, je pense qu’on va les atteindre.

Qu’est-ce qui motive cette tournée ?

Elle a commencé depuis l’année dernière qui avait marqué les vingt-cinq ans de l’orchestre Daandé Léniol. La nouvelle équipe qui est venue renforcer le staff de Daandé Léniol au niveau de Dakar s’est dite qu’il faut marquer ces 25 ans avec une tournée qui va expliquer deux choses. D’abord dire merci à la communauté de l’Afrique de l’Ouest, surtout la communauté Puular du Sénégal et de la Mauritanie qui ont accompagné cet orchestre pendant 25 ans. Parce que 25 ans, c’est un quart de siècle. Ensuite montrer que cette relation qui existe entre le Daandé Léniol et son public est une relation très particulière parce qu’on a vu, qu’au départ, il y avait une génération qui était là. Quand cette génération n’arrivait plus à suivre l’orchestre, c’est la génération suivante qui a pris le relais. C’est toujours une nouvelle génération qui accompagne l’orchestre. Donc la relation entre la communauté est restée intacte au-delà même du business et de la position de l’orchestre. On s’est dit que cette relation est particulière et il fallait aller leur dire merci.

Cette communauté vit au Sénégal, en Mauritanie, au Mali, en Guinée, mais vit aussi en Afrique centrale. C’est des gens qui ont voyagé. Ils sont partis à la recherche d’opportunités. Donc il fallait aller les rendre visite et leur confier cette manifestation. C’est comme un anniversaire que l’on confie à ses amis. C’est ce qui nous a conduit jusqu’ici en France. L’année prochaine, nous projetons, même si les vingt-cinq ans sont dépassés, d’aller aux Etats-unis.

La deuxième raison, c’est pour marquer un tournant de l’orchestre. On s’est dit après 25 ans de carrière et pendant les cinq dernières années, j’ai beaucoup travaillé avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), la Bbc World service en tant qu’ambassadeur du changement climatique. Ce qui m’a amené à Copenhague. Il fallait montrer à cette communauté qu’on a envie qu’elle nous accompagne davantage et que c’est une autre démarche. C’est bien sûr de la musique, la performance sur scène, mais c’est une mobilisation pour allier la culture et le développement. Et on aura toujours besoin de cette communauté pour comprendre cette nouvelle touche, cette nouvelle démarche.

Mais il semble qu’il y a aussi une touche de solidarité avec les associations des Sénégalais vivant en France. Cela ne rentre-t-il pas dans ce cadre-là ?

Oui ! Parce qu’il y a deux ans, on a fait un premier spectacle à Mantes-La-Jolie avec l’association Sehilamé Daandé Léniol (les amis du Daandé Léniol, Ndlr). Cette association existe depuis 20 ans. Nous avons organisé ce spectacle non pas avec notre agent de spectacle qui organise nos tournées, mais avec les membres de cette association avec la compréhension de notre maison de disque parce qu’elle les voit à chaque fois. La Maison de disque les voit nous suivre en Allemagne, en Belgique, partout. Ce qui montre qu’il y a des relations entre cette association et l’orchestre.

L’argent qui a été recueilli à l’occasion de cette manifestation a servi à supporter des projets au niveau de la Vallée (du Fleuve Sénégal, Ndlr). Je leur ai dit de ne pas seulement s’arrêter sur la Vallée du Fleuve du Sénégal et de la Mauritanie, mais de viser d’autres régions. C’est vrai que je suis Hal Pulaar du Nord, mais je suis Sénégalais et Africain. Donc quand je travaille avec le Pnud et d’autres institutions de ce genre, c’est pour l’Afrique et non pas seulement pour les Hal Pulaar.

Vous avez été à Marseille, à Bordeaux, entre autres villes…, comment avez-vous senti le public ?

J’accepte que je n’ai pas fait beaucoup de tournées en France ces dernières années. Il y a des gens qui achètent des cassettes, nous regardent sur les télévisions africaines, donc suivent ce que nous sommes en train de faire. Ils se demandaient pourquoi Baaba Maal ne fait pas de tournées en France. J’étais agréablement surpris de voir qu’il n’y avait pas que des jeunes. Il y avait des personnes plus âgées qui sont venues avec leurs familles, leurs femmes, leurs cousins. C’est comme si c’était une très grande rencontre avec leur culture.

Ça m’a beaucoup impressionné dans certaines localités, comme à Strasbourg, par exemple. Dans d’autres localités, comme à Marseille, j’ai vu qu’il y avait dans le public des gens qui ne sont pas de notre communauté. Il y avait beaucoup de Français. C’est le cas aussi à Trappes, à Chartres. C’est ce qu’on espère voir entre notre communauté et les gens avec lesquelles elle vit. Cela montre aussi que ça se passe bien entre eux.

‘J’ai des engagements en 2012, notamment en direction des Jeux Olympiques de 2012. On m’a confié un ensemble de quatre à cinq grandes salles comme la Royal Festival Hall et des esplanades entre les deux ponts, entre les deux grandes tours (à Londres, Ndlr) pour qu’on sente l’impact de l’Afrique aux Jeux Olympiques.’

Après le concert, vous rencontrez votre public. Qu’est-ce qu’il vous dit le plus souvent ?

Il me dit : ‘Pourquoi vous ne venez pas souvent en France ? Pourquoi vous avez négligé ce pays alors que vous êtes très connecté avec nous qui comprenons ce que vous faites ?’ En même temps, ce qui m’a beaucoup réjoui, c’est que je reçois beaucoup de félicitations et d’encouragements des associations qui sont installées ici. Elles nous disent qu’elles sont prêtes à nous accompagner. Elles ont compris que la démarche de Baaba Maal n’est pas seulement une démarche musicale, c’est un engagement dans beaucoup de secteurs de la vie et qu’elles sont prêtes à m’accompagner et me demandent ce qu’elles peuvent faire en matière de collaboration entre culture et développement.

Leur avez-vous promis de venir souvent en France ou pas ?

Je leur ai fait part de certains de mes projets destinés à l’Afrique et pas seulement au Sénégal ou à la Mauritanie. Je suis en Angleterre où se trouve ma maison de disque. Ce n’est pas loin. J’ai des engagements en 2012, notamment en direction des Jeux Olympiques de 2012. On m’a confié un ensemble de quatre à cinq grandes salles comme la Royal Festival Hall et des esplanades entre les deux ponts, entre les deux grandes tours (à Londres, Ndlr) pour qu’on sente l’impact de l’Afrique aux Jeux Olympiques. Il y aura des scènes un peu partout qui vont représenter tous les continents. A chaque fois que je vais au Royal Festival Hall, je leur amène un programme bien ficelé. Ils se sont dit que je pouvais monter des choses inédites par rapport à la culture et pas seulement à la musique.

Mais, j’ai mis sur pied, avec mes partenaires, au niveau de Londres, une série de manifestations qui va de la musique au théâtre, à la littérature, au défilé de mode, à la cuisine. Tout ça, c’est des Africains qui ont marqué leur époque et des gens qui sont très ouverts à ces questions et avec qui j’ai discuté, qui vont participer. J’ai sillonné le monde pour en parler à des gens comme Taj Mahal, Carlos Santana. Ils ont promis de faire partie de ce projet pour l’année prochaine. Mais je me suis dit aussi que quelque part, il y aura un village pendant deux mois qui va s’appeler Africa Utopia, mais un village de Baaba Maal, où tous les Africains de tous les secteurs, dans tous les domaines culturels, scientifiques, technologiques, viendront se rencontrer pour parler de l’Afrique. L’Afrique va s’exprimer pour dire ce qu’elle apporte au monde, mais pas de ce qu’elle attend du monde. Mais tout cela, avec un fond de culture, de concerts, d’évènements.

J’ai dit à mes partenaires qu’il va falloir que je vienne en France durant toute l’année 2012, avant cette manifestation, pour que je puisse amener la partie francophone et la diaspora africaine qui se trouvent en France à s’intéresser à ce qui va se faire à Londres. Parce qu’on ne peut pas dire que Baaba Maal va être à la tête d’un évènement de ce genre, et ne pas sentir mes compatriotes africains et caraïbéens implantés en France et qui ont fait plein de choses. La Francophonie sera également sollicitée. On prévoit même d’aller voir le président Abdou Diouf pour lui en parler. Ce sont des occasions rares pour que l’Afrique ne puisse pas en profiter pour montrer sa place dans le monde.

Par rapport à ces Jeux de Londres, peut-on dire que vous êtes prêt ?

Ah oui, je suis prêt. Je travaille avec une maison de disque très professionnelle. Les gens de la Saf Bank sont très professionnels et sont dans tout ce qui est culture depuis plus de cent ans. C’est une équipe qui est venue au Sénégal au mois de décembre. Bien avant, on a commencé à travailler sur ce programme pour définir exactement les concepts que nous ciblons et savoir quels évènements proposés pour que ça soit différent de ce que l’Amérique va proposer, de ce que l’Europe va proposer dans un autre coin de Londres. Ceux qui s’occupent de la communication s’en occupent bien ; ceux qui s’occupent de la partie technique sont en train de travailler là-dessus. C’est ce qui manquait à Baaba Maal pendant les 25 ans. Nous n’avons pas en Afrique des partenaires qui connaissent à cent pour cent leur domaine. C’est bien de participer à ce genre de chose. Car au final, on apprend toujours des choses qu’on peut appliquer dans le continent.

Quels sont ces concepts ? Etes-vous avancé dans leur définition ?

Je ne pourrai pas donner de nom parce qu’on est en négociation avec de grands artistes. Peut-être que dans un ou deux mois, les gens connaîtront ces noms. Professionnellement, ça ne se fait pas tant que ce n’est pas encore signé. Mais ils ont donné leur accord de principe. A chacun de ces artistes, on leur a demandé de mettre des concepts que les gens n’ont encore jamais vus. On peut demander – c’est un exemple – à quelqu’un comme Carlos Santana de réfléchir, avec d’autres avec qui il aimerait bien travailler, tel ou tel produit, tel ou tel spectacle, des combinaisons. On peut lui demander de travailler avec Doudou Ndiaye ‘Rose’ avec ses 50 percussions, avec un autre rappeur de la Chine ou des Etats-unis. Le budget est sur place. Ce n’est pas là où se trouve le problème. Ce sont des choses inédites. L’engagement avec la Saf Bank, c’est qu’on puisse rêver. Les artistes, ce sont des gens qui rêvent. J’ai envie de faire des spectacles avec des gens que je ressens dans le monde entier, avec des percussions brésiliennes, ou sans percussion, avec des Tam-Tam du Burundi, etc. Je peux réfléchir à d’autres concepts et les proposer à la Saf Bank. Cela demande du travail, mais tout est possible.

Mais le plus important, ce n’est pas le spectacle, mais comment connecter davantage l’Afrique au reste du monde en utilisant la jeunesse. Parce que le village servira de tremplin pour que les jeunes de la diaspora de France puissent participer. Ce sera un espace où on va rencontrer des spécialistes de l’éducation, de la santé, de la technologie. Il y aura des échanges d’idées, de culture et mettre tout dans le net pour que ceux, qui sont, par exemple, en Afrique du Sud, puissent accéder à ces informations, renvoyer leurs impressions et communiquer avec le reste du monde. C’est très ambitieux, mais c’est possible. Le plus important pour moi, c’est d’utiliser cet acquis culturel et le faire passer par les nouvelles techniques de l’information afin que la jeunesse du monde comprenne que l’Afrique participe à la grande civilisation de l’universel.

Est-ce que des intellectuels et des musiciens sénégalais seront invités ?

Bien sûr ! On ne peut pas mettre Baaba Maal devant un tel évènement sans que ‘charité ordonnée ne commence par soi’. Je prévois de faire de très grandes rencontres africaines, mais aussi de très grandes rencontres sénégalaises. Pas seulement sur le plan de la musique. Je peux vous annoncer que l’œuvre de Léopold Sédar Senghor sera présente. Certains auteurs, qui savent ce que cela représente en matière de littérature en Afrique, vont intervenir pour en parler. Nous parlerons de la Négritude. Ce n’est pas aussi prétentieux que le Festival mondial des arts nègres, mais c’est dans la même direction et dans la mesure du possible. * (A Suivre)

Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY

Walf.sn

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