« Il y a un recul de la démocratie dans notre pays. »
« J’aime écrire pour raconter des histoires », ironise Sémou Mama Diop. Des histoires qui en tout cas, ne sont pas du goût de ces autorités qui ont bloqué son livre, « Thalès le Fou », dont les exemplaires ont été saisis par la douane sénégalaise il y a quelques jours.
« Le fait de fabuler me plaît, mais je n’ose pas faire de l’art pour l’art, car je veux inciter certaines personnes à prendre conscience de certaines réalités. Je suis extrêmement imprégné des réalités des populations d’Afrique ». Ce sont les propos de Sémou Mama Diop. Ses idées, il les fait porter par un « fou », un certain Thalès, qui assène ses vérités crues, sans se soucier des représailles éventuelles. Mais, précise l’auteur, dans la société traditionnelle, le fou est l’une des rares personnes autorisées à agir de la sorte. « Nous avons une société très pudique en Afrique, la vérité est dite toujours à mots couverts ». Quant au fou, « il rompt toutes ces conventions, il va droit au but ; il peut injurier le Roi comme son sujet, et dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. » C’est justement ce rôle que Sémou Mama Diop fait jouer à Thalès dans le roman où il dénonce l’« immobilisme des sociétés africaines». Pour lui, il faut des gens comme Thalès pour « secouer les consciences ».
« Il y a un recul de la démocratie dans notre pays. »
Qu’en est-il de ces consciences qui ont été si violemment secouées par les vérités de Thalès, au point d’ordonner la saisie de ses livres par la douane sénégalaise? « On est tout à fait dans la censure, une censure qui ne dit pas son nom », martèle l’écrivain. Mais il se veut prudent. « Jusqu’à présent, on n’a pas eu de notification officielle. Les autorités sénégalaises se sont servies des services de la douane pour bloquer le roman », confie-t-il. L’auteur va même plus loin et parle de violation de la constitution.
« Ils ont trop de choses à se reprocher »
Sémou Mama diop dit ne pas comprendre qu’on censure encore des textes dans son pays, le Sénégal, où les gens votent depuis des décennies. Pour lui, « il n’y a que dans le régime de Kim Jong Hill de Corée du Nord qu’on peut censurer un roman». L’auteur constate: « il y a un recul de la démocratie dans notre pays. Il faut le dire tout haut. Il faudra que tous les citoyens se mettent au travail pour rétablir la norme », renchérit Sémou Mama Diop, convaincu que ces gens là, qui ont bloqué son livre, « ont trop de choses à se reprocher ».
Toutefois, l’auteur se veut prudent et attend d’en savoir plus. « Je n’ai jamais accusé qui ce soit d’être à l’origine du blocage des livres, je n’ai pas de preuves concrètes, même si j’ai des soupçons. » A qui la faute ? L’auteur pointe du doigt les journalistes, dont il dénonce l’exagération de ses propos, dans le seul but de vendre leur papier.
En attendant, Sémou Mama Diop travaille avec ses avocats pour, dit-il, « faire sortir le bouquin ». « Le jour où je saurai que c’est Abdoulaye Wade, je le dirai, si c’est un petit fonctionnaire qui a bloqué les livres, je le dirai aussi », a prévenu Sémou Mama Diop.
Momar Mbaye
