Statut de l’opposition et de chef de l’opposition : Les enjeux du fromage de Macky Sall

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Le Président Macky Sall veut un statut de l’opposition pourtant constitutionnalisé. Mais, au fond, c’est le chef de l’opposition qui est en jeu. Contrairement au difficile choix entre Niasse et Tanor sous Wade, le Pds n’a pas de concurrent pour le poste. Mais, si Macky Sall y arrive, Idrissa Seck, son potentiel et redoutable adversaire en direction de 2012 pourrait en pâtir.
Le président de la République a lâché un morceau à croquer encore pendant des semaines. Invité de Rfi, lundi dernier, Macky Sall a indiqué qu’il «faut absolument donner un statut à l’opposition». C’est un débat déjà soulevé par son prédécesseur, Ab­doulaye Wade, dès les premières heures de son accession au pouvoir. Si lui, l’ex-chef- de fait- de l’opposition d’alors avait souhaité une telle considération, il n’en demeurait pas moins que le contexte et les circonstances suggéraient plus une ruse politique qu’une réelle volonté de «systématiser le rôle qu’(il) je jouai(t) avec Senghor», comme il a eu à le dire lors d’une conférence de presse au premier tour de la Présidentielle de février-mars dernier. Cette belle idée de «consolider la démocratie» sénégalaise était, sans nul doute, un moyen politique savamment recherché pour diviser Moustapha Niasse- son principal allié qu’il avait renvoyé dans l’opposition -et Ousmane Ta­nor- qu’il a déboulonné. La polémi­que s’installe, comme Me Wade l’avait voulu, entre les deux leaders de l’opposition au coude-à-coude aux Législatives d’avril 2001. L’Alliance des forces du progrès (Afp) ayant obtenu 11 députés alors que le Ps n’en avait que 10. Il s’en est suivi un débat de leadership entre deux ex-camarades mais surtout deux hommes séparés par un «congrès sans débat». La bataille de la préséance se pose ainsi, les Socialistes s’arc-boutant sur leur avance sur le nombre de voix et les Progressistes arguant du plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale. Au final, personne ne veut de ce statut de l’opposition. Mais, Wade avait réussi tout au moins son coup politique en cristallisant cette adversité entretenue- dissimulée pendant 10 ans- et ravivée par le flop de la «candidature unique» de Benno siggil senegaal en 2011.

Opposition parlementaire et extraparlementaire
Le débat sur le statut de l’opposition et de son chef est encore repris par le Pr Seydou Madani Sy, dans son ouvrage Les régimes politiques sénégalais de l’Indépendance à l’alternance politique, 1960-2008. A coup sûr, Macky Sall risque de se heurter à un duo de l’opposition. Parce que, selon Seydou Madani Sy, «à côté du chef de l’opposition parlementaire, il existe un chef de l’opposition dite nationale». C’est ce que le constitutionnaliste, El Hadji Mbodj, cité par Pr Sy, appelle, dans Les garanties et éventuels statuts de l’opposition en Afrique, lors du Symposium international de Bamako en mai 2000, «op­position parlementaire» et «ex­tra parlementaire». Citant Ab­doulaye Wade dans une interview avec Le Soleil du 31 août 2003, Pr Sy rapporte que le chef de l’Etat déclarait que «lorsqu’il s’agissait de discuter des lois au sein de l’Assemblée nationale, son interlocuteur était le chef de l’opposition parlementaire, mais s’il était question de problèmes nationaux, le chef de l’opposition dite nationale était le responsable du Parti socialiste parce que ce parti a obtenu le plus grand nombre de suffrages parmi les partis d’opposition».
Même si cette opération de charme politique de Wade n’a pu se matérialiser, on savait, au moins, que Tanor serait le chef de l’opposition nationale et Niasse celui de l’opposition parlementaire. Au­jour­d’hui, le scénario sous Macky Sall est unique. Si, bien entendu, l’on met sur la table les mêmes critères. Le chef de l’opposition reviendrait in­contestablement au Parti démocratique sénégalais (Pds), majoritaire à l’Assemblée na­tionale avec ses 12 députés, mais aussi détenteur du plus grand suffrage des partis et coalitions de partis à l’issue des Législatives du 1er juillet 2012. Mais qui, parmi les libéraux, pour être le chef de l’opposition ?

Wade ou son successeur ?
Macky Sall a parlé de «donner un statut à l’opposition», mais la question qui coule de source est celle du statut du chef de l’opposition. Un chef issu du Pds semble évident, mais qui ? L’encore secrétaire général de ce parti et militant d’un statut de l’opposition et de son chef va-t-il accepter ce privilège ? Abdoulaye Wade ne semble pas être dans les dispositions de répondre éventuellement à cette invite. Son statut d’ancien chef d’Etat, mais surtout sa retraite qui l’a d’ail­leurs poussé à prendre du recul et organiser sa succession en sont les contraintes. En voilà des facteurs qui font que les enjeux du contrôle du Pds sont encore plus importants. Le congrès prévu en fin d’année, avant d’être reporté, sera des plus surveillés au moment où certains comme Se­rigne Mbacké Ndia­ye, Karim Wade Ous­mane Ngom, Modou Diagne Fada, Oumar Sarr, etc. lorgnent le fauteuil de Wade.

Macky veut-il court-circuiter Idy ?
Il est clair que les alliés de Macky Sall ne peuvent prétendre au statut de chef de l’opposition. A moins qu’il y ait des critères plutôt subjectifs. Ni Moustapha Niasse, ni Ousmane Ta­nor Dieng, encore moins Idrissa Seck, tous qui ont choisi d’être dans la majorité. Mais, surtout parce que personne d’entre eux n’a le poids du Pds. Quoique le maire de Thiès reste un potentiel adversaire du chef de l’Etat pour 2017. Ce fromage de Macky Sall semble très généreux pour ne pas laisser penser à une ruse politique. Idrissa Seck compterait-il devant le parti et le chef qualifiés de l’opposition ? Macky Sall n’aurait-il pas enlevé une épine sur son chemin vers 2017 ?

Les privilèges du chef de l’opposition
En l’état actuel, dans son article 58, «la Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du gouvernement le droit de s’opposer». Mais mieux, dispose le second alinéa, «la loi définit leur statut et fixe leurs droits et devoirs». Le Pr El Hadji Mbodj, estime que «le leader de l’opposition n’est pas désigné par le chef de l’Etat, mais constaté par l’électorat». Mais, la tâche s’annonce délicate puisque les privilèges qui doivent accompagner ce statut ne tournent pas forcément en faveur du chef de la majorité. Le constitutionnaliste est d’avis que le chef de l’opposition doit, entre autres, avoir «une place de choix dans le protocole républicain fixé par décret sur les préséances», percevoir «à ce titre un traitement et bénéficier d’avantages financiers et matériels, disposer d’un droit de réplique aux interventions médiatisées du chef de l’Etat et du Premier ministre, être invité à toutes les cérémonies officielles de la République et traité chaque fois que de besoin avec les égards et honneurs dus à son rang».
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1 COMMENTAIRE

  1. Moi qui me donne corps et âmes pour défendre notre nouveau Président qui, quoi qu’on dise est une « fabrication » du Président Wade qui l’a converti au Libéralisme Social, bien qu’il tarde à s’affirmer tel aux oreilles de tous les Sénégalais . Je suis triste de constater que notre Président qui prônait une rupture compte totalement sur le bon vouloir de l’Union Européenne devant laquelle il nous a presque fait la danse du ventre hier à Bruxelles! Je n’en revenais pas mes oreilles, je pensait entendre un Président des années 1970, quand nous pensions que tous nos problèmes pouvaient être résolus par les Européens avec l’aide de la défunte C.E.E . qui n’a fait que nous retarder. Cette nouvelle danse du ventre pour solliciter un accompagnement de l’Union Européenne n’est-elle pas la preuve que ceux qui nous dirigent depuis quelques mois sont désemparés jusqu’à ne plus savoir à quel saint, pourvoyeur d’aides se vouer ? J’ai peur que la prédiction alarmiste du Président Abdoulaye Wade commence à se réaliser, malheureusement ! Comme disait l’autre, il faut que nous sachions dores et déjà où va le Sénégal,et avec quel équipage ?

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