«Tous ces Normands veulent se moquer de nous»

C’est une page entière de publicité, dans plusieurs journaux, que le Premier ministre s’est payée, ou l’a fait faire par quelques souteneurs forts
nantis, pour assurer sa défense devant l’hostilité croissante de l’opinion à son endroit. Comme s’il suffisait d’avoir et d’injecter plein d’argent
dans les médias pour, non pas en être quitte avec sa conscience, mais pour retourner une opinion, plus que rétive, en sa faveur. il n’en est
rien, hélas, et l’histoire récente du sénégal vous le prouve à suffisance. Personne, en effet, n’a disposé d’autant d’argent qu’Abdoulaye Wade et n’en a été aussi prodigue. Car, comme il était peu regardant quant à la façon pour lui d’obtenir cet argent, il ne comptait pas, non plus, lorsqu’il s’agissait de le redistribuer. Là, il y allait «francs» et même moi à titre personnel je peux en attester.

Ces pages de «pub» donc à 500 000 francs l’unité, selon ce que l’on en dit, auront le même sort que la prodigalité tous azimuts du Père Wade. Les lignes éditoriales des journaux, ainsi arrosés, ne changeront pas, d’un iota, si ce n’est peut-être que les points seront, encore, plus gros et gras, dans les articles concernant le premier de nos ministres. mais, probablement, m. Abdoul mbaye subodorait-il déjà cela. Car dans le même temps qu’il se payait des pages de pub, il s’en faisait aussi offrir gracieusement par les soins de l’Ambassadeur de France au sénégal. serait-ce tout bénéfice pour lui ? Voire ! en y regardant d’un peu plus près, en effet, l’on peut observer ceci : l’Ambassadeur a beau être «de France», celle qu’il a représentée est justement celle qui n’est plus. C’est-à-dire celle des Robert Bourgi et toute la «sarkozie». Aucune théorie sur la «continuité de l’etat» n’ôtera sa pertinence au fait que c’est la gauche française qui est, aujourd’hui, aux affaires et non pas les parrains de m. Normand. en serait-il autrement d’ailleurs, que rien ne pourrait nous empêcher de nous indigner et de protester suite aux libertés qu’il s’est permises avec le devoir de réserve qui sied à tout diplomate qui, un tant soit peu, se respecte, respecte sa fonction et le pays dans lequel il est accrédité. Que l’Ambassadeur de France décore, au nom de son pays le Premier ministre du sénégal est une chose naturelle, estimable et gratifiante par elle-même, mais qu’il demande, ce faisant, à Abdoul mbaye de «tenir bon» face aux critiques, légitimes et pertinentes, que nombre de sénégalais lui font, c’est pousser le bouchon de champagne trop, trop loin et se mêler, vraiment, de ce qui, en aucun cas, ne peut le regarder. A-t-on jamais entendu ambassadeur de puissance étrangère, si amie fut-elle, donner ainsi, publiquement, des leçons de conduite, tel un moniteur d’auto-école, au chef d’un gouvernement auprès duquel il est accrédité ? Négatif, jamais, même pas dans le courant des années peu glorieuses de la défunte françafrique. de la part de m. Normand, c’est manquer de respect à tous les sénégalais et d’abord au premier d’entre eux, que s’introduire ainsi, comme un éléphant, dans leurs affaires intérieures. mais peut-être, pense-t-il, que le Président lui serait redevable de quelque chose, quelque part, ainsi qu’Abdoulaye Wade lui le croit encore ? il aurait tout faux dans ce cas. en fait, ce sont les circonstances qui l’ont amené à se retrouver ici à dakar qui lui ont fait perdre le nord à lui le Normand. Wade et sa famille ne voulaient vraiment plus de l’Ambassadeur Ruffin parce que ce dernier avait eu le tort de donner son avis sur une possible dévolution monarchique du pouvoir au sénégal. Ce que tout homme de bien aurait dit ou aurait fait, n’a pas eu l’heur de plaire aux Wade, père, mère et fils. d’où le rappel de l’émule de saint-Léger et son remplacement par un Normand qu’on aurait dit sorti tout droit des «Plaideurs » de Racine. mais comme le disait Petit-Jean le «Picard» au début d’un de ses monologues dans cette même pièce : «ma foi, sur l’avenir, bien fou qui s’y fiera «Tel, qui rit vendredi, dimanche pleurera»
Par Abdou Salam KANE

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