une arnaque réactionnaire ? par Elimane H. KANE

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La société civile : de quoi parlons-nous ?
De l’opportunité d’une étude récemment publiée par l’Alliance Civicus en partenariat avec le Wacsi pour l’Afrique de l’ouest et  le Forum civil au Sénégal, nous pouvons tirer beaucoup d’enseignements mais nous poser surtout de sérieuses questions sur les bases de légitimité et les fonctions des organisations et personnalités qu’on appelle «société civile» et leur véritable rôle dans la mission transformatrice de nos sociétés.
L’étude commence par une appréciation bigarrée mais  prudente de la notion, postulant que «la société civile» au Sénégal peut être caractérisée a priori de la manière suivante : un concept flou, une réalité bigarrée, un rôle problématique, une contribution importante mais peu systématisée et valorisée.»
A partir de là, il devient intéressant de revenir sur les origines du concept pour mieux comprendre de quoi nous parlons, pourquoi avons-nous besoin de catégoriser des actions sociales complexes et de les situer dans un groupe d’action «homogénéisé»?
Les enjeux ne sont pas si candides. Tout ceci renvoie à un modèle d’organisation du monde. Il y relève bien de soucis de commodité et de rationalisation des rapports politico-socio-économiques pour mieux veiller à un équilibre du système en vigueur. Il est plus facile de catégoriser les canaux de revendications et d’expression des aspirations et frustrations sociales pour pouvoir mieux gérer les possibilités de restructuration du modèle à travers les crises qu’il traverse. Car le fait de stratifier le monde en pôles permet de maintenir son équilibre et surtout de maîtriser les différents pôles et garder le système permanent.
Quand l’Europe a eu besoin de maîtriser les dynamiques dans les pays Acp, contrôler les mécanismes de régulation  et garantir une stabilité des règles commerciales favorables à ses intérêts, elle a suggéré la mise en place des Acteurs non étatiques, en tant qu’entité légitimée dans le processus de négociation des accords commerciaux. Depuis, les Osc se sentent fiers d’évoquer les accords de Cotonou pour brandir cette reconnaissance extérieure qui leur octroie une réalité plus confortable au sein de leur pays, mais en même temps fait d’elles des instruments d’une stratégie ourdie pour d’autres intérêts que ceux des populations qu’elles sont censées représenter.
Il faut sortir du système paramétré
Il est évident que cette réalité ambiguë découle de la trajectoire historique  du rapport Etat-société dans le contexte du Sénégal et de la plupart des pays en Afrique au Sud du Sahara. Notre éternelle difficulté à sortir de cette réalité extravertie est à la fois à l’origine du biais qui entrave notre compréhension objective des dynamiques sociales internes en cours et des mauvaises solutions préconisées face aux défis de transformation sociale qui est la suite conséquente au constat d’échec de nos institutions et politiques mises en œuvre depuis les indépendances.
Persévérer dans la typologie des acteurs, dans cette perspective d’endiguement, équivaudrait donc à un refus chronique au véritable changement auquel aspirent nos populations. Les organisations qui animent la dynamique locale d’auto détermination et de transformation ne peuvent continuer à s’accommoder de ces pratiques. Il est donc nécessaire d’aborder définitivement la rupture épistémologique et d’adopter des comportements courageux et déterminés à aller dans le sens de la déconstruction des paradigmes dominants pour que la transformation fondamentale soit effective.
L’attitude critique doit aller au-delà du concept importé et des enjeux opportunistes qui découlent de l’approche extravertie de la perception que les acteurs ont de la «société civile», mais vers une remise en cause profonde du paradigme d’origine et surtout du projet de nouvel ordre mondial, qui a introduit les schémas politiques connus depuis le début des années 80 avec l’introduction de la «bonne gouvernance» à la londonienne (Margaret Thatcher), la démocratisation depuis la Baule (François Mitterrand),… Un tel schéma a jeté le cadre institutionnel nouveau qui a abrégé les libertés des Peuples à décider de leur propre système sociopolitique, de leurs propres choix économiques et de la légitimité de leur représentation. Ce schéma usurpateur des droits et responsabilités légitimes a mis à la place des Etats «irresponsables», une «société civile» manipulée et parfois corrompue et un secteur privé multinational qui en dernière instance, impose son influence sur les choix et stabilise le cercle vicieux indécemment appelé «cercle vertueux» au service de la globalisation, dont  la seule logique est le  marché mondialisé.
L’indice Civicus a d’abord défini la société civile comme «l’arène, en dehors de la famille, de l’Etat et du secteur privé (marché-entreprise) où des gens s’associent pour faire avancer des intérêts communs» pour ensuite devenir  «le cercle, en dehors de la famille, de l’Etat et du marché, qui est créé par des actions individuelles et collectives, des organisations et institutions pour poursuivre des intérêts communs.»
Cette définition postule toujours la possibilité de poursuivre des intérêts communs en dehors de la famille, de l’Etat et du lieu économique. Nous pouvons dès lors nous demander à quelle finalité cette action est donc vouée si elle doit s’appliquer en dehors des institutions sociales de base, qui structurent le commun vouloir de vivre ensemble et durablement. Peut-il exister d’initiatives, de luttes en dehors des préoccupations de la première institution sociale qu’est la famille, de l’institution politique agrégée qu’est l’Etat et du domaine de définition des échanges économiques qu’est le marché ? Comment avoir une action efficace quand on réduit son domaine de définition à un enclos, exclu des processus d’élaboration de la demande et de prise de décisions ?
L’engagement populaire, au lieu de la participation qui est encore le cheval de bataille de la presque totalité des organisations, ne prend-il pas sa source des déséquilibres observées dans la fonctionnalité de ces institutions pour plus de justice, plus de respect des libertés individuelles et collectives, des droits humains, sociaux et économiques,…
Au lieu d’une invitation à la participation dans un système initialement paramétré, l’engagement citoyen est le moteur de la transformation car il trouve son origine dans le «cri» qui aspire au changement.
Une action en dehors des sphères institutionnelles sociales, politiques et économiques ne peut être une action de transformation. Voilà pourquoi les organisations qui acceptent de jouer le rôle de «société civile» doivent s’amender, se remettre en cause pour redéfinir leur véritable identité et champ d’action.  Une initiative de défense ou de promotion des libertés et droits des populations ne pourrait réduire le champ de liberté de ses membres. Surtout que cette limite est fixée par les maîtres du jeu eux-mêmes.
L’indice Civicus est certes un outil d’introspection, dans sa démarche, mais surtout un outil d’évaluation de l’action, de la structure et de la conduite  des organisations qui se réclament de la société civile. D’où la première limite objective d’ordre phénoménologique. Peut-on vraiment  rester à sa fenêtre et se regarder, en même temps marcher dans la rue ? L’analyse des forces dans l’arène où on est engagé comme principal acteur, s’avère une entreprise périlleuse, car il est rare de voir un lutteur aller au combat en estimant ses forces négatives. Ou alors y aurait-il une société civile sentinelle de sa propre tour, surveillant ses acolytes comme les brebis galeuses de la cour royale ? Un autre déterminisme réactionnaire est qu’on a l’impression que c’est toujours la faute des autres ! Difficile de voir ses propres rides devant le miroir.
Le débat est donc loin d’être celui de la gouvernance des Osc, ni de l’éthique dans ces organisations, car ces questions sont d’abord individuelles, mais d’abord et avant tout de leur identité et de leur mission véritables. C’est une lapalissade de dire que ces organisations qui fonctionnent avec les avantages et tares de leurs propres sociétés sont les abris exclusifs des bonnes gens. Les mêmes problèmes vécus dans la gestion des affaires publiques par nos gouvernants, caractérisent le fonctionnement de ces organisations. Elles sont loin d’être des îlots de clairvoyance dans un océan d’opacité. Elles font partie du problème, donc sont aussi sujet de transformation. Le débat interpelle surtout la fonction de toutes ces dynamiques populaires dans la perspective de transformation, donc en dehors du système dominant.
Pour plus d’engagement transformationnel
L’enjeu ultime de l’engagement citoyen moderne est de changer notre monde, car tel qu’il est organisé, il augmente de jour en jour la masse des laissés-pour-compte et renforce la minorité ploutocrate qui  le dirige. De moins en moins  les pauvres ont d’opportunités pour se loger décemment, se nourrir, se couvrir, s’éduquer, préserver leur santé et leur environnement.  L’incertitude face à la crise financière et économique hypothèque l’avenir de futures générations, qui sont loin d’être les préoccupations des capitalistes à la boulimie insatiable de jouissances futiles, à la recherche effrénée du profit, toujours du profit, encore du profit. L’«économie positive» telle que énoncée par Jacques Attali et alii n’est pas encore à l’ordre du jour. Il nous faut plutôt trouver «la Voie» comme nous y invite Edgard Morin. Le véritable sens de la révolution aujourd’hui est de changer le monde, en dehors des appareils conventionnels, au-delà du pouvoir (John Holloway), par l’engagement !
Il  ne s’agit pas de faire face à une crise fonctionnelle avec des solutions  de restructuration  du système dominant, par l’alchimie de la «destructive créatrice» (Schumpeter), avec la complicité des «forces vives», notamment la «société civile». Mais plutôt de s’engager pour la désintégration des relations établies par ce paradigme dominant.
En définitif, le cri de la transformation doit être celui de la véritable liberté : celle de décider soi-même de l’orientation à donner à ses propres forces, mais surtout celle de disposer de ces moyens d’existence en toute autonomie. Elle va au-delà même de la simple résistance.
L’engagement (individuel et collectif) est donc le seul baromètre de la dynamique de transformation. Il tire sa source des aspirations profondes et légitimes de nos Peuples et non des agendas préétablis qui nous laissent une petite page de «participation» dans le livre de l’histoire de l’humanité. Avec discernement, allons vers l’essentiel…
Engageons-nous, résistons, transformons !!!

Elimane H. KANE
Leadership, Ethique, Gouvernance, Stratégies pour l’Afrique (LEGS-Africa)
[email protected]

4 Commentaires

  1. Oui ! Ça c’est un excellent article ! Très rare ce genre d’analyse. Ce qu’il faut dire c’est que ces gens qui disent défendre les intérêts des populations ne sont en général intéressés que par leur propre bien être. Constatez depuis que Macky est Président la plupart ont changé de discours. Ils ont de nouveaux postes, de nouvelles responsabilités, des comptes bancaires qui se remplissent alors pourquoi continuer à râler ? Triste pour le Sénégal mais génial pour eux. Oui c’est ça le Sénégal : la vie continue quoiqu’il arrive…

  2. La société civile made in Sénégal porte en elle même les germes de ce qu’elle dénonce. C’est une vrai mafia qui a comploté dans le dos de la nation et ouvert la porte à toutes les dérives. Les gens qui l’a compose ne sont rien d’autre que des intellos mythomanes de salon qui ont simplement le mérite de s’accoquiner avec la mafia médiatico-occidentale pour assujettir leur peuple moyennant un pseudo renommé international. au fait, où est cette société civile qui inventait à tout va des scandales imaginaires sous le magistère de Wade malgré les réalisations infrastructurelles et ses bonds positifs au niveau économique; que disent-ils des innombrables scandales en moins de deux ans sous le règne de sa mackyesté avec sa justice à double vitesse. Je pense que le soleil commence à se lever et il va faire jour.

  3. LA SOIT DISANT SOCIETE CIVILE SENEGALAISE COMPOSEE DES ESCROCS ET BAVARDS QUE SONT LES ALIOUNE TINE,ASSANE DIOMA NDIAYE,PENDA MBOW,MAME ADAMA GUEYE ECT…. N’EST RIEN D’AUTRE QU’UNE GRANDE ESCROQUERIE OCHESTREE PAR QUELQUES SOIT DISANT AVOCATS QUE SEULS LES ABRUTIS QUI VEULENT PERDRE LEURS PROCES PRENDRAIENT COMME DEFENSEURS
    DEPUIS QU’ILS ONT RECU LEUR PITANCE CES IMPOSTEURS ONT VIDE LES PLACES PUBLIQUES ET LES PLATEAUX DE TELE OU NAGUERE ILS CAMPAIENT DURANT TOUTE L’ANNEE 2011 ET 2012 POUR DENONCER DISAIENT ILS LES DEVIATIONS ET LES VIOLATIONS GRAVES PERPETREES PAR LE REGIME DE WADE

  4. La voie a été tracée par le parlement russe: obligation des ONG de dévoiler leurs bailleurs. Parce que c’est la connaissance des bailleurs qui permet de comprendre le but de ces ONG et non ce qu’elles déclarent dans leurs textes. Voilà ce qui a permis la duperie que le peuple sénégalais a vécu en 2012. On a même découvert des Y en a marre financés par des sionistes. Il faut que les masques tombent.

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