Alla Kane, inspecteur des impôts à la retraite: « La gauche privilégie le Palais et la Place Tatcher »

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Ça ne court pas les rues. Un Inspecteur principal des impôts et domaine, communiste jusqu’à la moelle. Dans sa corporation, c’est le luxe : lampes à lustres dorés, grosses cylindrées, salons en cuir, villas somptueuses, etc. Alla Kane, 74 ans, devrait être érigé en modèle. Lui qui s’attache encore au communisme. Et déplore l’émiettement de la gauche. Parti à la retraite depuis 1995, l’ancien militant du Pai n’est pas surpris par la difficulté de la gauche à trouver en son sein son propre candidat à la Présidentielle de 2012. Faute d’ancrage dans les masses et de tâches de formation.
Dans le contexte sénégalais, il est rare de voir un homme de votre position sociale militer dans un parti de gauche…

C’est le combat de gauche qui m’a mené à cette fonction. J’ai adhéré au Pai en 1957. J’ai commencé par être enseignant et dans le cadre de la lutte politique j’ai été révoqué. Je suis devenu permanent du Pai à Dakar et à Diourbel. C’est à cette époque que j’ai fait le concours du Cfpa pour être contrôleur des domaines. Ensuite je suis admis au concours de l’Enam. En dépit de cette ascension sociale je suis toujours resté fidèle à mes convictions de gauche.

Vous êtes, jusqu’à présent, dans des structures de gauche ?

Je reste toujours un militant de gauche. Actuellement je suis dans l’organisation citoyenneté (Ordc) regroupant d’anciens militants du Pai. Les membres de cette organisation tentent de continuer à apporter leurs expériences pour aider à trouver des solutions. Dans nos réflexions nous avons déploré la situation de la gauche caractérisée par son émiettement.

Qu’est-ce qui explique cet émiettement ?

Il faut interroger l’histoire de la gauche pour comprendre son état actuel. L’apparition de la gauche au Sénégal est à situer à la première guerre mondiale avec Lamine Senghor, Garang Coulibaly et consorts qui avaient créé la Ligue de défense de la race nègre. L’histoire politique de notre pays est caractérisée par la domination du socialisme scientifique, c’est-à-dire le marxisme-léninisme. Les premiers mouvements comme le Gec sont apparus pour la première fois au Sénégal et ils ont eu à former les premiers dirigeants communistes en Afrique. Cette situation est à l’origine de la création du Rassemblement démocratique africain (Rda) au congrès de Bamako en 1946. Ce même esprit de gauche a présidé à la création de l’Union démocratique sénégalaise (Uds) en 1948 et du Pai en 1957. Malheureusement la stratégie adoptée par la France pour contrer la lutte anticolonialiste a beaucoup affaibli la gauche. Tirant des leçons de sa défaite au Vietnam et en Algérie, la France a abandonné les guerres coûteuses pour créer un nouveau concept bâti sur l’échange de compétences et la coopération bilatérale. Le pouvoir colonial avait pour mission d’installer un régime néo colonial en vue de sauvegarder ses intérêts. C’est ainsi qu’ils se sont employés à liquider toutes les forces progressistes dans ce pays. D’abord en commençant par dissoudre le Pai en 1960, à liquider l’aile démocratique et progressiste du Bds représentée par Mamadou Dia et à interdire le Bms de Cheikh Anta Diop. La dissolution des formations progressistes a imposé un parti unique de fait. Sur le plan international, la crise Sino-soviétique a eu des répercussions dans la vie des partis de gauche.

On a l’impression que les partis de gauche ont déserté les tâches de gauche pour s’occuper des questions électoralistes. Est-ce que vous avez le même sentiment ?

Absolument ! Cette situation est la raison principale de la faiblesse de la gauche. On dépense plus d’énergie à des questions électoralistes qu’à former les masses. La gauche dans notre pays souffre particulièrement de deux problèmes. D’abord son émiettement et l’absence de liaison avec les masses.

Est-ce que les partis de gauche on eu dans l’histoire un ancrage dans les masses ?

Le Pai est la seule formation de gauche qui a eu une base solide dans les masses. Par la suite, les autres structures ont négligé la formation des masses. La gauche privilégie le palais et la Place Tatcher au lieu d’aller conscientiser les masses. C’est une contradiction. Car ce sont les masses qui constituent les électeurs. Aujourd’hui, la misère des populations, l’exploitation des paysans, le chômage endémique, l’immigration clandestine et les injustices sociales sont autant de raisons pour les partis de gauche de travailler à la formation d’une conscience de classe qui va leur permettre de prendre en charge leurs propres intérêts.

Réalisé par Hamidou SAGNA et Baye Makébé SARR
lagazette.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Quand l’Afrique sera libre, libérée par la victoire des masses sur la bourgeoisie bureaucratique, leurs historiens exhumeront de l’Histoire les noms de ces rares militants qui ont dédiés leurs vies au peuple et Alla Kane parmi eux.

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