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«Au nom de quoi, au nom de qui, ils prennent les armes, prennent nos vies» par Madiambal Diagne

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On ne sait même pas s’il faut être en colère ou se résigner. Après les attentats de Paris du vendredi 13 novembre 2015, qu’est-ce qu’on n’a pas entendu ou lu ? Des esprits «éclairés» n’ont pas trouvé mieux à dire que la France n’avait en quelque sorte que ce qu’elle méritait pour avoir tenté le diable, pour avoir bravé les terroristes ou même pour être coupable d’être le pays du vice, de la fornication et des libertés ou même de n’avoir pas réussi à assurer un avenir à certains de ses enfants.

En France même, une certaine classe politique a poussé le bouchon jusqu’à chercher à tenir François Hollande pour responsable de ce qui était arrivé. Une polémique politicienne avait failli être entretenue à l’Assemblée nationale au point d’avoir choqué toute une opinion publique, émue, abasourdie et qui n’avait même pas encore identifié tous ses morts. Au Sénégal, Macky Sall est déjà désigné comme responsable d’éventuelles prochaines attaques terroristes. Ah oui ! Le chef de l’Etat sénégalais et son gouvernement n’ont pas laissé les cellules terroristes continuer à dormir tranquillement. Il les aura réveillées en faisant arrêter certaines personnes qui seraient leurs têtes pensantes et en condamnant les actions terroristes. Comment peut-on penser que les forces de sécurité savaient l’existence de cellules terroristes et qu’il y aurait une sorte de gentlemen agreement pour ne pas toucher à ces terroristes et en contrepartie qu’ils se garderaient de frapper au Sénégal ? C’est comme qui dirait qu’ils pouvaient ainsi se préparer au Sénégal et aller frapper ailleurs. Le Sénégal devrait fermer les yeux…
Le Sénégal serait ainsi un pays que les terroristes auraient choisi de préserver ! Pourtant, tout en nous et chez nous devrait les heurter. Si les pays attaqués le sont parce que leurs populations vont dans les bars, les restaurants, les hôtels, ou s’attablent en plein air pour boire un verre ou écouter de la musique ou en dégustant des côtelettes de porc, il faut bien dire qu’au Sénégal nous devrions être en bonne place sur la liste des cibles des jihadistes. Si des gens ont été attaqués sur les plages de Sousse pour s’être baignés avec des maillots de bain, les armes des jihadistes devraient crépiter sur nos plages. Si les peuples attaqués l’ont été parce que leurs femmes sont libres et sont élégantes et s’habillent avec beaucoup de goût et que leurs filles sont dévergondées et fument en public, alors là mon vieux, le Sénégal est tout désigné pour être une cible idéale. Si les autres peuples sont attaqués parce que musulmans, chrétiens, animistes et autres fraternisent et vivent en harmonie, le Sénégal ne saurait être aucunement épargné par les tueurs. Chez nous, musulmans, chrétiens et animistes s’invitent à leurs fêtes religieuses respectives et partagent une table et à l’occasion, le musulman se plaît à remplir au chrétien son verre de vin. Musulmans et chrétiens sont si mêlés que parfois on les trouve enterrés dans le même cimetière. Si les autres sont frappés parce que les jeunes dansent dans les night clubs et vont au stade, force est de dire que le Sénégal ne saurait être épargné. Si les autres peuples sont frappés parce que leurs pratiques de la religion musulmane ne seraient pas conformes aux croyances des jihadistes et à leur façon de prier ou de s’habiller, alors là le Sénégal ne saurait encore être épargné. Si les autres peuples ont été attaqués parce que leur société est démocratique et que les populations peuvent exprimer librement leurs opinions, le Sénégal devrait être en tête de liste des pays cibles. Si les autres pays ont été frappés parce que leurs fils sont revenus des camps d’entraînement jihadistes et pour donner des gages à leurs maîtres, ils devraient frapper en premier dans leur propre pays, le Sénégal ne pourrait non plus être épargné, car ils sont désormais nombreux, les fils du Djoloff à être dans les camps jihadistes. Nos croyances, notre démocratie, notre liberté, notre tolérance, notre paix et nos sourires fâcheraient les terroristes. Le Sénégalais serait une cible de choix avec sa façon de vénérer des guides religieux, avec cet islam confrérique typique de chez nous avec ses Gamous et ses Magals folkloriques. Vraiment, tout nous expose à la furie ou à la folie des Jihadistes, jusqu’au fait que chez nous, nous serrons la main aux femmes et même nous leur faisons la bise. Nous serions si mécréants, selon le code moral des jihadistes, que nous pouvons avoir un chien comme animal de compagnie. Sacrilège ! Nous serions un Peuple de vermines à supprimer parce que nos lois prévoient un âge légal pour marier nos filles. Nous sommes donc tout ce que les jihadistes abhorrent. Notre pays est comme ce Mali durement éprouvé. Nous sommes comme la France. Nous sommes comme ces musulmans du Nord du Nigeria qui sont victimes tous les jours des actions des kamikazes. Nous sommes comme ces Turcs qui voient un kamikaze s’exploser au milieu d’une foule qui marche pacifiquement pour la paix. Nous sommes comme ces Américains de Boston qui sont foudroyés par des engins explosifs lors d’un marathon. Nous sommes comme ces populations d’un Cameroun ou d’un Tchad dont le seul tort serait d’être voisins d’un Nigeria ensanglanté par Boko haram. Nous sommes un Peuple musulman majoritairement sunnite ou chiite frappé en prière dans une mosquée au nom du Dieu qu’il vénère et de la religion qu’il pratique. Nous sommes comme ces passagers d’un vol commercial dont le pilote a décidé de précipiter son avion dans les abîmes de l’océan. Nous sommes comme ces passagers dont un voisin de siège a décidé de faire sauter sa bombe ou de prendre les commandes de l’avion pour le diriger contre des immeubles. Nous sommes comme ces étrangers à Bamako qui avaient choisi de dormir tranquillement à l’hôtel Radisson Blu. Si nous sommes frappés demain, c’est simplement parce que nous ressemblons aux autres. Les terroristes n’ont pas de cibles privilégiées, ils tuent tout le monde, tous ceux qui sont vulnérables, même leurs frères.

lequotidien.sn

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