Ces chefs religieux que l’on ne souhaite pas

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« Réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Tel est le souhait ardent du Président Macky SALL depuis son accession au pouvoir en 2012. Pour concrétiser cette envie d’écraser ses adversaires, Macky SALL, dans son grand boubou bien taillé d’Hyper-présidentialisme Africain, a mobilisé toute la rigueur des Institutions de la République dans l’objectif de traquer, de réprimer et d’exclure des potentiels adversaires politiques du jeu électoral.
 Mais hélas, Macky SALL a échoué à concrétiser cet objectif. Car même s’il a réussi à retarder la candidature de certains de ses adversaires, il s’est heurté sur une adversité inécrasable, immuable et extrêmement déterminée : Le Peuple.  
 
Cette autre phrase de Macky SALL qui consiste à dire : « Les marabouts sont des citoyens ordinaires », a suscité beaucoup de polémiques. Pour calmer les ardeurs, le Président SALL a mis en place beaucoup de programme d’investissement dans les foyers religieux. Il convient d’en citer le fameux Programme de Modernisation des Cités Religieuses. Ce programme n’est en réalité qu’une tentative plus ou moins réussie d’achat de conscience. 

Les événements que vivent les Sénégalais depuis plusieurs années, plus particulièrement la décision du Président de la République d’annuler unilatéralement les Élections présidentielles tout en étant très minoritaire dans cet avis, semblent corroborer cet état de fait : Investir dans les cités religieuses en échange d’obtenir le silence voire le soutien des marabouts en cas de dérive autoritaire. Cet investissement dans lesdites cités est même en réalité détourné pour enrichir certains chefs religieux les plus en vue. 

Le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins. Cette décision d’annuler les Élections présidentielles est la mesure la plus impopulaire depuis les indépendances, la plus autoritaire qu’un Président n’a jamais prise au Sénégal. Car les dispositions de l’actuelle Constitution de la République n’ont jamais été aussi claires et catégoriques en ce qui concerne le mandat du Président de la République. 

Malgré le choc que vivent les populations, l’injustice et le coup de force qui bafouent les principes démocratiques de ce pays, nous constatons un silence très éloquent de nos chefs religieux. Toutefois, il convient de souligner ce comportement deux poids deux mesures que tout le monde a constaté. Lors des événements du mars 2021, quand le pouvoir était quasiment étranglé, nous avons tous magnifié et apprécié l’excellent rôle de régulation sociale que le Khalif générale des Mourides a joué. 

INFORMÉ de la gravité de la situation du mois de mars 2021, le Khalif a envoyé son émissaire pour demander à l’opposition d’abandonner les manifestations qui pourraient aboutir à un massacre sans précédent voire au départ prématuré du Président Macky SALL. L’opposition s’est montrée obéissante pour ne pas dire pacifique et responsable en suivant à la lettre les vœux du Khalif. 
Depuis ces événements de mars et le dénouement qu’ils ont connu, Macky SALL a reculé pour mieux sauter. 

Chronologiquement, des événements de répression d’une ampleur considérable se succèdent. Mais cette fois-ci, c’est l’État qui prend les devants sur l’opposition et les citoyens. Inversement, les chefs religieux préfèrent battre en retraite. Les pistes d’une médiation sélective des religieux commencent ainsi à se dessiner.  À la place d’une sortie allant dans le sens de l’apaisement, du dialogue et de la régulation sociale, nous avons vu le porte-parole du Khalif général des Mourides dire aux Sénégalais que le Khalif est désormais inaccessible pour les politiciens, à vrai dire, pour l’opposition. Il nous dit que le Cheikh serait désormais entièrement consacré aux affaires de la confrérie. La politique ne l’intéresse plus. 

Les questions pertinentes à se poser est de savoir si le Khalif est INFORMÉ au même titre qu’il l’était lors des événements de mars 2021 ?  Assiste-t-on à un revirement de jurisprudence sur le déclenchement de la médiation du Khalif ? La tenue d’un discours véridique aux affaires de la cité est-elle censurée chez nos guides religieux ? Ou tout simplement, nos vaillants guides religieux ont-ils démissionné de leur rôle de régulateurs sociaux dans une conjoncture où toute la nation les attend ? 

En 1934, Mame Cheikh Anta MBACKÉ jeune frère de Cheikh Ahmadou Bamba, venait de retourner au Sénégal suite à un exil forcé d’une durée de quatre (4) longues années au Mali. À cette époque c’est Galandou DIOUF qui était le Député du Sénégal Français (1934-1941). Face à la situation d’injustice qui gangrenait le climat national, Serigne Mbacké BOUSSO, chef religieux et régulateur social par excellence, a rédigé une lettre ouverte qu’il a adressée à Galandou. Le titre de ladite lettre est : « Le langage de vérité s’exprime ». Dans cette tribune, il s’adresse ouvertement, publiquement et sans langue de bois à Galandou. Serigne Mbacké BOUSSO s’est érigé en un véritable avocat pour la justice, pour les pauvres et les oubliés de la Nation. Il rappelle à Galandou DIOUF ses droits, mais surtout ses devoirs en tant que Souverain. 
De la même manière, alors que Serigne Touba était dans les liens de détention, la société commençait à connaître une dépravation à laquelle aucune couche sociale ne fut épargnée. À fortiori, au sein de la famille descendante de Mame Balla, Serigne Mbacké BOUSSO a pris ses responsabilités de leurs rappeler les fondamentaux de l’islam avec tout ce qu’ils comportent comme devoirs et obligations. 
Plus récemment, nous sommes tous au courant des rôles qu’avaient joué la génération de Serigne Fallou MBACKÉ , Serigne Abdoul Ahad ou Mame Abdou Aziz SY. De la même manière, ce fut le rôle de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Falilou ou Serigne Sidy Mokhtar. Nous n’attendons pas moins de nos actuels guides religieux. 

Le statut de chef religieux au Sénégal est un privilège. Un privilège car être au service de sa population, avoir une posture de neutralité courageuse et véridique avec une légitimité acceptée unanimement, faisant ainsi l’exception Sénégalaise dans un monde incertain, n’est pas à la portée de tout le monde. C’est également une responsabilité lourde de conséquence. Les disciples font allégeance à leurs guides pour qu’en échange, ces derniers les aident à faire face aux défis d’ici bas et de l’au-delà. En contrepartie, ils (les disciples) mettent corps et âmes à la disposition de religieux. Ils leur assurent tout le soutien financier et moral ainsi qu’un respect qu’ils n’accordent même pas à leurs propres parents ou proches. 

Par conséquent, face à l’indifférence de nos guides sur la crise actuelle que traverse le pays, au moment où le monde entier en parle, au moment où le Clergé en parle sans ambiguïté, au moment où l’association des imams ainsi que toute la société civile du pays en donnent leur position, des questions méritent d’être posées. Assiste-t-on à une nouvelle génération de marabouts qui ont des droits, qui acceptent les addiyas et qui réclament tous les privilèges de leurs aïeuls sans pour autant être à la disposition des disciples ? Sommes-nous désormais en face d’une génération de guides religieux qui n’ont que des droits et pas de devoirs ?

Le Prophète Mohammed Paix et Salut sur Lui a dit : « Le meilleur des djihâds c’est de dire la vérité à un prince injuste ». Nos guides religieux sont-ils prêts à prononcer un discours de vérité et de rappel à l’actuel Président de la République ? S’ils le font en privé et que ce dernier ne leur prêtent pas une oreille attentive, sont-ils prêts à s’adresser à la Nation pour montrer leur position dans cette injustice ? 

Contrairement à son bien vouloir vis à vis de l’opposition, Macky SALL a-t-il réussi à réduire les chefs religieux à leur plus simple expression ? Conformément à ses propos précédemment cités, Macky SALL avait-il raison de dire que les marabouts sont des citoyens ordinaires ? 

Les populations attendent religieusement mais surtout très intelligemment leurs guides confrériques. Continueront-ils à garder le silence (qui serait synonyme d’adhérence) ? Ou sortiront-ils de leur discrétion éloquente et assumer leur responsabilité devant l’histoire ? Les prochains jours et semaines nous édifieront. 

Cheikh Ahmadou Bamba Bousso 
Juriste, politiste et écrivain. 
Bordeaux, France

1 COMMENTAIRE

  1. Un gros bravo à vous !!! Vous venez de decrire avec intelligence, clarté et sincérité ce gros mal qui gangrène la société sénégalaise c’est-à-dire nos chefs religieux et plus précisément nos marre-a-bout. Cela fait des années que je ne cesse de dénoncer cette imposture religieuse. Il est temps que le citoyen sénégalais apprenne à avoir une autonomie de conscience, de pensée et de que sa vie ne dépende que de lui et de Dieu le le tout puissant.

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