Une octogénaire de la Rive-Sud qui se sentait délaissée par ses proches a légué sa maison et des avoirs totalisant environ 1,4 million $ à ses voisins avec qui elle s’était liée d’amitié.
Madeleine Misérany menait une vie rangée et sans histoire dans sa maison de Carignan lorsqu’elle est décédée en février 2013 à l’âge vénérable de 84 ans. Mais ses derniers vœux ont provoqué un bras de fer judiciaire entre ses voisins attentionnés et ses proches déshérités.
Elles ont témoigné devant le tribunal que lors d’une visite en avril 2012, notamment, elle disait «que la télévision les épie et que François Paradis la suit de ses yeux à l’écran quand elle se déplace». Sans compter sa confusion et ses pertes de mémoire, selon les trois femmes.
Aucune démence
Pourtant, un mois plus tard, lors d’un examen médical majeur, sa docteure avait souligné que «la patiente n’a démontré aucun indice laissant soupçonner un début de trouble cognitif».
Même constat de la notaire qui a entériné ses volontés en juillet 2012. Elle a relaté que Mme Misérany motivait sa décision par le fait que les enfants du couple de voisins la considèrent comme leur «mamie», qu’elle est seule dans la vie, que la famille l’invite à des repas et qu’elle ne voit presque pas sa propre famille.
D’ailleurs, toujours en 2012, la trépassée confiait à une amie n’avoir reçu aucun appel de ses proches pour son anniversaire.
À l’inverse, la relation de bon voisinage avait commencé avec les enfants du couple dès 2005 et s’était intensifiée à partir du décès du mari de Mme Misérany en 2009 jusqu’à sa propre mort.
En décembre, le juge Brian Riordan, de la Cour supérieure, a donné raison aux voisins, près de six ans après le début des procédures. Il a rejeté du revers de la main certaines prétentions des membres de la famille, les qualifiant «d’anecdotiques» et «pas fortes».
Affection et générosité
«Nous sommes convaincus que c’était une relation basée sur l’amitié, l’affection et la générosité mutuelles, sans soupçon quelconque de fraude», a-t-il notamment expliqué.
Le juge a donc permis aux voisins de prendre possession de ce qui leur revenait, soit la résidence et les meubles évalués à 770 000 $, une voiture de marque Lexus, le solde des comptes de banque et tous les placements de la dame.
Pour leur part, la belle-sœur et les nièces de Mme Misérany ont dû se contenter de quelques milliers de dollars, de tableaux, d’une collection de livres et d’un manteau en vison noir.
«Ç’a été très difficile pour mes clients de se faire traiter de voleurs à mots couverts», déclare Me Jérémie Martin, de Champlain Avocats, qui représentait Johanne Fournier et Normand Brodeur, les voisins héritiers.
«[Le juge] est très respecté, alors ça pourrait faire jurisprudence. On risque d’en voir de plus en plus en raison du vieillissement de la population. Ça réaffirme encore le droit de donner à qui on veut», note Me Martin.
C’est que la dame a laissé derrière elle deux testaments, l’un datant de 2004, l’autre de 2012. Ce dernier document, notarié sept mois avant sa mort, déshéritait presque entièrement sa belle-sœur Joyce Misérany et ses nièces Mylène Labrie et Michèle Saint-Jean.
«Sous l’emprise»
Les trois membres de la famille s’attendaient à toucher une part substantielle de l’héritage totalisant environ 1,4 million $, même si elles n’avaient presque plus de contacts avec la dame. Elles ont tenté de faire invalider le plus récent testament, arguant notamment que la défunte n’était pas apte à le signer et qu’elle était sous l’emprise du couple de voisins.
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