Entretien exclusif avec Abdou Latif Coulibaly. « Wade adopte la politique de la paille brûlée »

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L’affaire dite de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) qui a fait parler d’elle avec l’emprisonnement de son ex Dg accusé de détournement de fonds de 137 millions F Cfa sur les primes de Sudatel, continue d’alimenter le débat politique national. Pour Dr Abdou Latif Coulibaly, journaliste-écrivain et auteur du livre « Compte et mécomptes de l’Anoci « sans nul doute, ce scandale est encore la résultante de la politique laxiste mise en place depuis 2000 par le régime dit libéral d’Abdoulaye Wade ». Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le directeur de publication du magazine « La gazette » soutient que « ce scandale, malgré sa gravité, n’égale point ce qui s’est passé avec l’Anoci qui jusqu’ici, n’a pas encore connu ce sort ». Selon lui, « le président de la République, en arrêtant l’ex patron de l’Artp et ses compagnons d’infortune, ne fait qu’essayer de laver son image déjà ternie en adoptant la politique de la paille brûlée ».

L’affaire Artp fait couler beaucoup d’encre avec l’emprisonnement de son ex-Dg, Daniel Goumblo Seck. Ce dernier a finalement recouvré la liberté provisoire après six jours de détention à Rebeuss . Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Dans l’ouvrage que j’ai publié en juillet 2003 intitulé « , Wade, un opposant au pouvoir, l’alternance piégée », je disais que la corruption a de beaux jours devant elle au Sénégal. Je le disais parce qu’ à l’époque, trois ans après l’alternance, la tournure que prenait, de manière générale, la gestion d’Etat qui a été mise en place depuis 2000, laissait voir un laxisme , un laisser-aller qui n’avait en réalité d’autre explication qu’une volonté affichée de s’enrichir et de s’enrichir autant qu’on pouvait le faire en utilisant les positions occupées au sein de l’Etat ou à travers ses démembrements. Je n’avais aucune peine, à l’époque, à déceler les signes précurseurs d’une terrible corruption. Je lie ce qui est arrivé à l’Artp et ce qui est arrivé dans d’autres structures à cet esprit globale qui a été installé au Sénégal avec l’arrivée au pouvoir du régime libéral. C’est vrai que ce qui est arrivé à l’Artp n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qu’on peut citer et qui ont caractérisé la gestion des derniers publics, la gestion de l’Etat de manière général par le régime libéral. En vérité, on parle d’1 milliard 600 millions qui ont été détournés, je veux bien. Mais est-ce qu’on s’est interrogé réellement sur les sommes qui ont été versées à l’Artp ou plutôt à l’Etat du Sénégal pour l’achat de la licence de Sudatel. Ma conviction profonde est que cet argent a fait l’objet, quelque part, de transaction douteuse et a permis sans aucun doute, d’enrichir des gens sans cause. Je pense qu’ au-delà de ce qui arrive à Goumbalo Seck, le pauvre, et à d’autres compagnons d’infortune, il faut qu’on ait la possibilité un jour de regarder de plus près ce qui s’est passé avec Sudatel. Il y a un politicien qui l’a dit avant-hier en l’occurrence Mamouth Saléh, il n’a pas tort de s’inquiéter et de croire qu’il y a des choses qui ont donné d’une vérité dans le cadre de Sudatel.

Pour certains, Wade donne ainsi des gages de bonne gouvernance aux bailleurs, êtes-vous de cet avis ?

Wade ne donne pas des gages aux bailleurs de fonds. Il n’a même pas de préoccupation par rapport à ce que disent les bailleurs de fonds. La preuve, les bailleurs de fonds sont parfaitement au courant de ce qui se passe au pays. Le Sénégal n’a jamais reçu d’argent autant qu’il en reçoit aujourd’hui. Ils n’ont pas de préoccupation majeure par rapport à cela. Wade a tenté de corrompre le représentant du Fmi. Mais par contre, Wade se sent cerné de toute part dans le pays par des critiques extrêmement violentes contre la gestion qu’il a imprimée à ce peuple. A un moment donné il a besoin de desserrer l’étau auprès de l’opinion publique par rapport à ces questions et en appuyant sa politique actuelle sur une perspective éthique, il essaie de conquérir un terrain où il a toujours été faible. C’est d’abord à l’opinion publique nationale qu’il s’adresse et subsidiairement, à l’opinion internationale. Il faut que les gens le comprennent. Quand vous recevez des critiques fortes, à un certain moment vous avez besoin d’allumer des contre-feux intelligents pour montrer un visage très positif par rapport à l’éthique, à une question fondamentale qui est la sauvegarde des derniers publics. Ce type de politique ne va pas au-delà de l’effet feu de paille parce qu’il va être très vite rattrapé par d’autres cas tellement scandaleux que ce qu’il a fait va très vite être annulé par ces scandales qui vont se révéler très prochainement, vous verrez.

Vous avez sorti un livre sur l’Anoci et bien avant celui-ci, sur la Lonase. Ces affaires de corruption que vous soulevez dans ces ouvrages sont-elles moins importantes que l’affaire Artp ?

Seulement si vous considérez simplement le milliard 600 millions. Mais si on découvre la réalité qui s’est passée à l’Artp entre les cent milliards reçus et les quatre-vingt qui ont été encaissés, vous verrez qu’il y a effectivement problème de ce point de vue là , aussi énorme que ce qui s’est probablement passé ailleurs. Mais à l’Anoci, cela a été le summum. On ne peut pas faire pire que l’Anoci. C’est vraiment le symbole le plus dramatique et le plus spectaculaire de la mauvaise gestion dans notre pays.

La presse prête au Chef de l’Etat l’idée de remettre entre les mains de la justice l’affaire de la Lonase, votre commentaire ?

Que Wade remette entre les mains de la justice les délinquants qui sont à la Lonase, c’est une bonne chose. Les citoyens n’attendent pas autre chose de lui, mais ça tarde. Cela fait trois ans que j’ai révélé ce qui s’est passé à la Lonase. Mais dites-vous qu’en trois ans, on a eu le temps de réaliser des choses négatives qui risquent de compromettre à jamais cette entreprise. C’est malheureux, qu’ils attendent aujourd’hui seulement pour décider de régler cette affaire-là. C’est triste

Peut-on s’attendre à ce que Me Wade donne des instructions pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur la gestion de l’Anoci ?

Non, je ne le pense pas. Personne ne décide volontairement de mettre son fils en prison. Ce n’est pas possible.

Exergues

1-Wade se sent cerné de toute part dans le pays par des critiques extrêmement violentes contre la gestion qu’il a imprimée à ce peuple. A un moment donné, il a besoin de desserrer l’étau auprès de l’opinion publique par rapport à ces questions

2-On ne peut pas faire pire que l’Anoci. C’est vraiment le symbole le plus dramatique et le plus spectaculaire de la mauvaise gestion dans notre pays.

sudonline.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Non, je ne le pense pas. Personne ne décide volontairement de mettre son fils en prison. Ce n’est pas possible.

    C’est pour cela aussi que « la propreté morale » exige que l’on ne nomme pas des gens parce qu’ils sont de la famille.

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