Intelligentsia et Pouvoir face à l’Ethique des Réformes en cours Le Défi nouveau. Prof. Malick Ndiaye, Sociologue, UCAD

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Intelligentsia et Pouvoir face à l’Ethique des Réformes en cours
Le Défi nouveau
En appelant Intellectuels et artistes, gens de lettres et acteurs culturels de notre pays à « continuer d’instruire sans relâche le procès de notre propre société », Macky Sall n’aura pas seulement pris un risque ni énoncé un vœu ou procédé à une interpellation. Il aura posé,  quant au fond, un acte qui, en inversant le cours de l’histoire des rapports entre l’Etat et les clercs, ouvre une fenêtre sur le chapitre des Réformes en cours, ainsi que l’Ethique de la conviction et de la responsabilité qui leur correspond.
  Jusqu’ici, en effet, la pensée critique était partie de la société en direction de l’Etat, mais à présent c’est plutôt au mouvement inverse que l’on assiste ! Car, car c’est l’Etat qui interpelle la Société sur ses attitudes, ses options et ses devoirs. Si ce n’est pas la fin d’une époque, cela y ressemble. Toujours est-il que le dialogue est amorcé à défaut d’être lancé entre la Pensée et l’Action, la Théorie et la Pratique, le Pensé et le Concret, les Idées et leur Réalisation, le cru et le cuit, ou encore entre le plausible et le possible, le désirable et le souhaitable, le rationnel et le raisonnable, sans oublier le vécu et l’Impensé !
         Sous Dia/Senghor, Diouf/Tanor/Niasse/Djibo et Wade/Idy, l’histoire des rapports entre l’Intelligentsia et le Pouvoir se résumait à une conflictualité et des tensions feutrées ou violentes, génératrices de conflits ouvertement inamicaux ou d’évitements stratégiques et de non-débats ; à quoi correspondaient des rapports de force et de violence matérielle ou symbolique, de résistance et d’opposition, de répression et d’arbitraire, d’embrigadement et de caporalisation, de part et d’autre ; avec embastillement à l’occasion, et mort d’hommes en toutes circonstances, sinon de méfiance et de suspicion, de répression et de clandestinité, de traque d’opposants en filatures, et de rétorsion en tracasseries.
Nul doute qu’entre ces deux options, le Pouvoir de la Seconde Alternance n’a pas moins hésité, qui aura même bégayé et/ou maugréé – c’est selon -, à chaque fois que la Raison critique l’avait rappelé à ses engagements et à ses devoirs, à ses promesses et à ses options déclarées ! Mais sur le fond, nul pas décisif n’avait été fait, de part et d’autre, pour surmonter l’atavisme en ce domaine, conforté par les impératifs politiques de stabilisation du nouveau Pouvoir versus les exigences non moins élémentaires de l’esprit critique d’une Seconde Alternance qui avait tiré les leçons de l’impasse de la Première.
         Partant, il ne devrait pas être interdit de penser que Macky Sall aura tourné une page, et quelle page ! En prenant l’initiative de dégeler la rivière et de dresser un point de passage entre les deux rives, dans le respect des légitimités de chacune et des prérogatives des uns et des autres, au service d’un sacerdoce transformationnel et d’une éthique des attitudes susceptibles d’articuler sinon de fédérer, ou de mettre en synergie, au nom du Peuple, l’Intelligentsia et le Pouvoir, qui avaient passé leur temps à se faire la guerre, au lieu de mettre ensemble l’intérêt du pays au-dessus des querelles crypto-personnelles ou de l’intrigue partisane.
Aussi ce Banquet du samedi 4 janvier 2014 ne s’autorise-t-il donc point des pseudo-scoops en Une des journaux du lundi 6, concernant les « Audits » et les « Logements conventionnés », mais d’un événement jamais imaginé auparavant, y compris au temps pourtant quasi mythique de Senghor , en ce qu’il aura fait descendre le platonisme antique du domaine de la spéculation sur le devenir social contemporain à celui de l’Action pour les Réformes indispensables pour transformer le pays de Senghor et d’Aline Sitoye, de Dé Thié Fu Ndiogou et Fodé Kaba, Thierno Souleymane Baal et Lamine Guèye, Cheikh Ahmadou Bamba et Seydi El Hadj Malick, Mamadou Lamine Dramé et Emile Badiane, Mamba Guirassy et Aboubacry Kane, Oumar Blondin, Balla Gaye et Mamadou Diop, en parangon de la civilisation africaine nouvelle qui a grandi sous nos cieux depuis l’amorce de la décolonisation, à la suite des massacres de Thiaroye en 1944, de Sétif en 47, puis les victoires anticoloniales de Dien Bien Phu en 1954 et le déclenchement de la guerre d’Algérie la même année ! Sans parler de la création du RDA en 1946 ou de l’historique Conférence de Bandoeng en 1955.
Nouveau départ ou gageure aventureuse ?
Ce qui est dit est dit, n’en déplaise aux agnostiques et aux va-t-en- guerre ! Il s’agit maintenant de passer aux actes, ni plus ni moins. Avec l’espoir en bandoulière et le regard droit devant. Car enfin, cette Rencontre, qu’est-ce à dire sinon un bail nouveau entre le Pouvoir et l’Intelligentsia, entre l’Etat et la Société, les élites et la masse, au Sénégal et en Afrique singulièrement ? Il y a des raisons de le penser; car l’un dans l’autre, ce texte n’est pas seulement de circonstance ni de complaisance ou de pure coquetterie. Il constitue un acte fondateur qui en appelle d’autres de la part de l’initiateur comme des destinataires.
         Avec ce texte-message délivré par le Président de la République soi-même devant une partie significative des Intellectuels et Artistes de notre pays, le Projet social et intellectuel de la Seconde Alternance prend forme, qui manquait au Plan Yoonu Yokkutéjusqu’ici.
A présent, l’éthique du développement et l’intelligence critique de la pensée debout peuvent cheminer ensemble au lieu de s’ignorer, de se télescoper ou de s’humilier de façon mutuelle et réciproque, dans une méfiance irraisonnée, débouchant presque toujours sur une véritable paralysie de la volonté doublée d’une inefficacité programmée de toutes Réformes et de toutes Ruptures audacieuses et profondes, inédites et originales.
En somme, si le grain ne meurt, étouffé en terre par la saga des nuls et la réprobation des médiocres, c’est sans doute un jour nouveau qui tente de se lever sur notre monde, par suite de cette alliance inédite, dans notre pays, entre un Pouvoir démocratiquement constitué et une Intelligentsia critique et libre, qui semblent avoir compris que le Développement du pays et l’essor des Idées sont les deux faces d’une même médaille, i.e. le Génie de notre peuple ; dès lors qu’il entend élaborer pas à pas le logos nouveau de l’Afrique sur elle-même et sur le monde. La Re-naissance du Sénégal, disons-nous, de l’Afrique et des Diasporas africaines, c’est aussi cela : le compagnonnage, voire la complicité, entre une Pensée intellectuelle qui renonce à être frileuse ou nihiliste pour s’engager aux côtés du peuple, sans cesser d’être elle-même, i.e. libre et critique, et un Pouvoir (politique) qui gère des urgences et des contraintes selon des rythmes et des délais imposés par l’état du monde et les besoins du peuple, mais qui lève la tête à chaque instant, pour scruter la ligne d’horizon, afin de conformer ses choix du moment et de l’instant à un Avenir ouvert et à des Futurs possibles, qui ne viendront pas d’eux-mêmes et qu’il va falloir Inventer !

Mais les intellectuels, les artistes et les créateurs du Bien et du Beau sont-ils prêts ? Là est toute la question que la diffusion la plus large de ce document fondateur a pour objectif de promouvoir chez les élites, et au-delà, dans la masse telle qu’elle est, avec ses contradictions et ses tensions multiples et diverses, lesquelles rappellent tout un chacun à ses devoirs de penser et d’agir en vue de la transformation positive d’une société sénégalaise qui ne peut plus différer plus longtemps ni ajourner les réformes qui commandent son futur prochain, et ce, dans tous les domaines.

Arrivée à un point de non retour, notre société a le dos au mur : il nous faut vaincre ou périr, face à ce tournant majeur qui sollicite et notre pays et notre continent, voire le monde entier. Dans ces conditions, bien plus qu’un engagement, l’invite du Soldat Macky Sall : « instruire sans relâche le procès de notre propre société », constitue un viatique pour les générations actuelles et à venir !
Telle fut la dominante de la Rencontre entre le Président et les Intellectuels et Acteurs culturels en date du 4 janvier 2012. Authentique New deal ou Jeu de dupes ? La question est légitime on ne peut plus, au regard des expériences passées. Mais, à temps nouveaux, nouveaux symboles, serait-on tenté de dire ! La Seconde Alternance oblige, qu’il s’agit de réussir par l’union sincère des parties en présence : Pouvoir et Intelligentsia sont interpellés par l’Histoire et la Culture devant les juridictions morales et sociales ad hoc de la Patrie, dans une conjoncture sociopolitique et économique, où l’Ethique des Réformes et la Conduite à l’égard de celles-ci conditionnent, plus que par le passé, nos existences d’Aujourd’hui et Demain.
Alors, Débattons, comme des choses vitales doivent l’être, mais Agissons ! Dans la bonne tradition pugnace et critique, mais combative et généreuse de nos devanciers prestigieux. Et vous connaissez le reste que deux et deux font cinq ! (Césaire). Au demeurant, pour reprendre la maxime de Goethe :« Quoique tu puisses faire ou rêver, entreprends ! Car l’audace a du génie, de la puissance et de la magie » !
 
 
Prof. Malick Ndiaye, Sociologue, UCAD
Coordonnateur du Cercle des Intellectuels du Sénégal – CIIS.

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