La dynastie des Mbaye: une famille au cœur des affaires

Cheikh Tidiane Mbaye, par son geste, montrerait qu’il n’est pas du genre à se laisser tordre le bras par un chef d’Etat. L’homme a bien changé alors. Dans les années 1990, Cheikh Tidiane Mbaye  avait démis de ses fonctions de secrétaire général de la Sonatel, un certain Sangoné Sall parce que ce dernier, assurant l’intérim du directeur général de la Sonatel en voyage, avait exécuté des instructions du Premier ministre Habib Thiam. Sangoné Sall avait fait payer des frais de mission à des membres du cabinet du chef du gouvernement dont Mamadou Diallo, actuel leader du Mouvement Tekki. Habib Thiam avait exigé la réintégration dans ses fonctions de Sangoné Sall, qui, ironie du destin, est le frère utérin de Pape Dieng. Cheikh Tidiane Mbaye s’exécutera, après que le président  Abdou Diouf, par le biais du ministre Serigne Diop qui assurait la tutelle de la Sonatel, lui fera savoir que les instructions de son Premier ministre sont d’application immédiate. Dans cette affaire, le tout puissant pater Keba Mbaye n’avait pu faire fléchir Abdou Diouf. Placé lui aussi devant un choix difficile, en 1993, le grand juge Kéba Mbaye avait préféré démissionner plutôt que de rendre un verdict en son intime conviction de juge. Le fils veut-il imiter le père ?
L’éthique de gestion prônée par Cheikh Tidiane Mbaye serait recevable, s’il ne voulait pas pour lui-même le poste promis à Pape Dieng. Abdoulaye Wade avait annoncé destiner le poste de président directeur général de la Senelec à Cheikh Tidiane Mbaye qu’il avait fini de nommer président du conseil d’administration. Les syndicats de la Senelec avaient été informés de ce projet par Karim Wade, ministre de l’Energie. Cheikh Tidiane Mbaye se préparait à cette perspective et avait échafaudé ses plans notamment en voulant positionner la société nationale d’électricité sur le marché des Télécommunications avec la mise en service de la fibre optique et l’octroi de la quatrième licence de téléphonie mobile. Après avoir passé plus d’un quart de siècle à la Sonatel, Cheikh Tidiane Mbaye savait que l’heure de passer la main était arrivée. Il avait la possibilité de diriger à Orange le département Afrique et Asie mais il était personnellement tenté par le challenge de faire de beaux jours à la Senelec, qui deviendrait opératrice en services de télécommunications. Finalement Cheikh Tidiane Mbaye va se résoudre à accepter l’offre d’Orange.
Cheikh Tidiane Mbaye s’est gardé, près de deux mois durant, de convoquer la réunion du Conseil d’administration de la Senelec qui devrait entériner la nomination de Pape Dieng. Entretemps, son frère de Premier ministre, Abdoul Mbaye, soutenu par le directeur de cabinet du président de la République, Abdoul Aziz Mbaye, a cherché à travailler l’oreille de Macky Sall avec les arguments aujourd’hui brandis par Cheikh Tidiane Mbaye. Que les liens de famille sont bien forts ! Abdoul Aziz Mbaye aurait quelques liens de famille avec la descendance de Kéba Mbaye et de surcroît il a été de la même cohorte que Cheikh Tidiane Mbaye au lycée Van Vo de Dakar.
Macky Sall réunira son Premier ministre, son directeur de cabinet et Pape Dieng pour discuter de la question. Pape Dieng sortira de cet oral avec une décision du chef de l’Etat de confirmer la nomination. Curieusement, quelques minutes après cette réunion, une personne  anonyme appellera, d’un numéro téléphonique caché, Mademba Sock, patron du Sutelec, le puissant syndicat-maison de la Senelec. L’interlocuteur anonyme se présenta comme étant de la présidence de la République et mettra en garde Mademba Sock que Pape Dieng a déclaré au chef de l’Etat qu’il a déjà dans sa poche les syndicats de la Senelec. Le bon sens paysan poussera Pape Dieng à croire que ce mystérieux correspondant ne saurait être le Président Macky Sall qui lui avait spontanément proposé le poste et il fallait le chercher alors parmi les Mbaye. C’est dire que les manœuvres n’avaient pas manqué dans cette affaire. Las d’attendre, Pape Dieng commençait par s’impatienter d’autant qu’il ne voulait pas accepter qu’une collusion des Mbaye l’empêchât d’accéder à cette nomination. Il fera savoir le mardi 10 juillet 2012 au chef de l’Etat son étonnement quant à la lenteur constatée dans la convocation du Conseil d’administration. Macky Sall qui ne voulait pas trop gêner son Premier ministre avait songé à lâcher du lest en proposant à Pape Dieng un autre strapontin. Ce dernier le refusa catégoriquement. Certains proches du chef de l’Etat lui feront remarquer qu’il avait besoin de marquer son autorité et que s’il perdait la face dans cette affaire, il lui sera difficile de se faire obéir par des personnalités qu’il a pourtant nommées, par quelle opération du Saint Esprit se demande-t-on encore. Il s’y ajoute que sur deux décisions de nomination antérieures à des directions de structures publiques, Macky Sall avait été amené à préférer des candidats proposés par Abdoul Mbaye aux siens. C’est ainsi qu’en s’envolant pour le sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, Macky Sall demanda de faire passer la nomination de Pape Dieng. Il aura marqué son autorité mais n’a pas manqué d’être contrarié par la démission de Cheikh Tidiane Mbaye. Le Pca démissionna avant l’examen du point de l’ordre du jour relatif à la nomination du directeur général. Il n’a pas attendu de voter ou d’être mis en minorité. Espérait-il bloquer ainsi la réunion du Conseil d’administration ? En tout cas ce geste a été perçu comme un acte de défiance de la part des Mbaye. Certes, nul ne devrait répondre du fait d’autrui mais le chef de l’Etat n’a pas manqué d’être informé du projet de démission et surtout que Cheikh Tidiane Mbaye avait obtenu la caution de son frère de Premier ministre. Le chef de l’Etat se trouve ainsi jeté en pâture à l’opinion comme étant peu regardant sur les principes éthiques et de bonne gouvernance.

Madiambal Diagne lequotidien