La Poste, disruption, réinvention. (Par Cheikh Omar Diagne At Tijani)

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Dans les cercles initiés, on parle beaucoup de restructuration de la Poste via la recapitalisation de l’entreprise par apurement, la conversion de dettes et la privatisation d’une filiale mal gouvernée qui marche lentement vers la bancarisation.
Il est légitime de s’interroger sur la mutation institutionnelle de Postefinances en banque postale décrite comme une panacée par le FMI qui a fait plus de mal aux PED que de bien depuis ses fameux PAS. Rappelons juste que les réalités sectorielles de la LONASE, de SONACOS, de la NEAS, de la NSTS, du CEREEQ ne sont pas les mêmes que celles de la Poste dans une démarche restructuratrice.
Aujourd’hui, à la lecture des tendances partout dans le monde, la mort des banques est décrétée et le banking est en translation vers des acteurs insoupçonnés avec l’apport de la technologie d’une part et les dynamiques de diversification d’autre part qui sont au cœur de la mondialisation des entreprises.
Déjà, on parle de l’open Banking consistant à l’ouverture et le partage des systèmes d’informations des banques avec des tiers à travers des API qui permettent d’utiliser les données des comptes clients et d’opérer sur tout un réseau en temps réel. C’est un pas de géant des nouvelles structures qui imposent aux banques le partage d’un marché qu’elles ont su jalousement gardé depuis les templiers. Sur toutes les activités « chasse gardée » des banques, de nouveaux acteurs y opèrent avec plus de transparence et de moindres coûts que l’oligarchie bancaire. A côté de ce type de partenariat, les Fintech connaissent un essor mondial, ils se proposent de repenser la finance et la banque grâce à l’innovation technologique.
La croissance des start-up qui se lancent dans un exercice éclectique à l’abolition d’un monopole des banques sur la gestion de compte, le crédit, l’épargne, le transfert et des services sur mesure qui s’adaptent aux besoins exprimés par des clients de plus en plus exigeants. Il pousse partout des réseaux de prêt P2P appelé Crowdlending et des plateformes de financement participatif comme le Crowfunding, il faut dire à ce niveau que la généralisation d’internet est un facteur d’explosion d’offres d’intermédiation banco-financière hors des canaux classiques.
La diversification enclenchée dans ce siècle dans le domaine bancaire dépasse de loin la théorie d’Ansoff. D’abord Apple qui après avoir intégré la puce NFC à ses nouveaux iphones, lance ApplePay en négociant avec de grandes structures comme Macdo, Disney store, Subway et chez plus de 220.000 commerçants équipés. Apple signe avec des mastodontes comme Bank of America, Capital One, Chase, Citi, Wells Fargo tout en nouant contrat avec les seigneurs de la CB comme Mastercard, Visa, American Express, etc. Ce geste n’est pas fortuit pour Apple (qui a une démarche soft) qui a plus de 800 millions de comptes itunes gérés.
Paypal concurrence frontalement les banques avec ses 220 millions de clients et sa présence dans 200 pays, il s’est séparé d’Ebay en 2014 (qui l’avait acheté en 2002) et lance sa solution de paiement « One Touch ».
Google n’est pas en reste dans cette dynamique hautement stratégique car il rachète Motorolla en 2012 pour 12,5 milliards $ avant de la revendre à Lenovo pour 3 milliards (je reviendrai sur cet acte intelligent).
Amazon crée en 2013 « Amazon Coin » avec 3 milliards $ qu’elle distribue sur base d’achat de ses produits.
Microsoft rachète Nokia en 2013 et développe le paiement avec la techno NFC.
Facebook a obtenu des autorisations pour services financiers et bientôt les transferts, épargne, paiements factures etc seront dans son portefeuille.
Twitter s’est allié à BPCE via sa filiale S-money qui est à mon avis un bon début.
Samsung, numéro 1 de la vente de smartphones lance avec LG, les barons des CB (mastercard, visa, etc), les chaines de distribution, Paypal le « Grand NFC Korea Alliance » en 2011 pour maitriser le M-commerce.
Je cite tous ces acteurs car il est montré que les détenteurs de smartphones ou téléphones portables sont supérieurs en nombre à ceux qui ont des comptes bancaires. Et que le temps de connexion sur smartphones est supérieur de quatre fois à celui sur machine. Le Sénégal n’échappe pas à ces tendances.
Le marché du transfert n’est pas entre les mains des banques (depuis longtemps d’ailleurs avec les WU, Money Express, Money gram, Wari, etc) et en atteste le projet M-Pesa au Kenya avec Vodafone qui cherche même à exporter le modèle en Europe de l’est et du centre (Roumanie, Pologne, Rep Tchèque, Hongrie, etc). Orange-money est sur cette dynamique, elle qui avait déjà 12 millions de clients en Afrique noire en 2014 et lançant en joint-venture avec visa « Orange Cash » sur les smartphones en France. Ces compagnies de télecoms ont compris la tendance et investissent l’Afrique de l’ouest qui est sous bancarisée et avec des économies désarticulées. Même les télés, radio se sont lancés dans le secteur à HVA ici au Sénégal avec des LampfallCash, Tigocash, etc.
MTN qui a lancé « Mobile-Money » dans 14 pays africains vise le Sénégal et a démarré sa phase « d’amarrage ».
C’est juste dire que des initiatives assimilable à « Compte Nickel » sont lancées partout et proposent des comptes sans banques. Dans une analyse simple, je peux aisément dire que la structure bancaire dans l’UEMOA subira une mutation intégrale avant 2035 avec les systèmes monétaires privés (SEL, crypto monnaies, monnaies complémentaires) et les dynamiques d’intégration en cours qui ouvriront davantage notre espace économique. Imaginez tout ce que fera les smartphones dans 15 ans ?
Le Banking (activités classiques des banques) est en déplacement vers des opérateurs de téléphonies, des sociétés de commerce en ligne et des start-up qui s’inspirent de la pensée néolibérale dans ses 3D (Désintermédiation, décloisonnement, déréglementation). Et la mondialisation pousse la duplication des modèles partout d’où l’attente des géants sénégalais qui vont dupliquer les modèles Paypal, Amazon et autres entreprises en les tropicalisant. Les banques ne sont plus maîtresses dans leurs métiers de base et s’orientent plus dans la finance casino et l’achat d’obligation d’état déconnecté de l’économie réelle. La crise des subprimes l’illustre amplement et depuis l’épisode Chypriote de siphonage des comptes en 2013, il devient dangereux de laisser son argent dans les banques au vu des recommandations du FMI et de la directive européenne (BRRD).
La Poste peut faire mieux qu’une banque tout en récupérant le banking à l’instar des opérateurs d’internet et de télécoms. Elle n’a pas besoin de privatisation pour s’affirmer dans un pays où explosent des opportunités d’affaires surtout dans le commerce P2P, les assurances et la téléphonie.
Il n’est pas question de s’adapter à un environnement évolutif mais il est plus question de tout réinventer sur la base d’une offre nouvelle, d’une garantie étatique et d’une ressource humaine de qualité : une disruption !
La Poste a tous les atouts dans sa manche ; une démarche prospective et entreprenante devient une exigence pour ses cadres s’ils veulent relever le défi de l’existence et ne pas être cannibalisé par des start-up en quête de sang frais.

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