Le 1er mai et les 364 jours de férié en banlieue

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Le 1er mai est une date symbolique dans l’histoire du monde. Une date consacrée aux travailleurs pour aussi faire connaître leurs revendications. Elle ne pouvait pas être saisie par ces milliers et des milliers de jeunes sénégalais, notamment de la banlieue de Dakar qui n’ont jamais savouré le 1er mai en tant que travailleurs. Il ne s’agit pas, donc, pour nous ici de poser des revendications mais de faire connaître notre situation de chômage chronique.
Le 19 mars 2000 est une date qui a marqué les esprits à plus d’un titre. Si d’aucuns qualifient cette date de tournant décisif dans l’histoire politique du Sénégal, on ne risque pas de verser dans l’exagération en affirmant qu’elle a ressuscité l’espoir chez bon nombre de jeunes. Ces derniers, frappés par un chômage qui s’intensifiait au temps du régime socialiste et a perduré avec le pouvoir actuel criaient leur galère à tout bout de champ. On se rappelle bien de ces titres de rap très symptomatiques de l’état de galère et de désespérance des jeunes, «génération sacrifiée» de Pee Froiss, «Wax ji daf ci baax fok am ku wax» de Bmg 44, «Rang bi dématul» de Nioul Té Rap Adio, etc.


Cette situation avait été bien comprise par le candidat Abdoulaye Wade au point qu’il ne manquait pas à l’occasion de demander lors de ses meetings pendant la campagne électorale de 2000 aux jeunes n’ayant pas de travail de lever leur main. Sans surprise, toutes les mains étaient en l’air. Cet état de fait était sans aucun doute l’un des facteurs majeurs ayant précipité la survenue de l’Alternance. Ainsi, tout naturellement, les jeunes espéraient voir leur situation changer avec l’accession à la Magistrature suprême d’un homme qui était très proche d’eux.
Dix ans après l’Alternance, le Sopi (changement en wolof, slogan de campagne du Président Wade) tant rêvé au niveau de la situation sociale des jeunes sénégalais demeurent encore un rêve. Cela a fini par plonger bien de ces jeunes, particulièrement ceux de la banlieue dans un état de désespoir total. A cet effet, au nom de la science et de l’honnêteté intellectuelle, faisons fi des spéculations et faisons confiance aux faits à partir desquels nous allons fonder notre analyse. Au lendemain de l’Alternance du 19 mars 2000, le Président Abdoulaye Wade a pris beaucoup d’initiatives (Fnpj et Anej) en vue de lutter contre le chômage des jeunes. Hélas ! Dix ans après le constat reste le même : l’équation de l’emploi des jeunes de la banlieue demeure entière. Le désespoir profond qui habite les jeunes de la banlieue explique leur envie de quitter le pays en quête d’une vie meilleure par tous les moyens. Le premier mandat du Président Abdoulaye Wade a été fortement marqué par l’émigration clandestine. Après avoir tenté et, très souvent, sans succès la voie aérienne et par la suite la voie terrestre, les jeunes toujours tenaillés par une conjoncture économique de plus en plus aigue ont inventé un nouveau moyen à savoir la voie maritime. Cette dernière plus connue sous le nom de «mbëk mii» était très révélatrice de la situation socioéconomique très précaire qui frappait les jeunes de la banlieue.
La réalité de la société sénégalaise est telle qu’un jeune en âge de travailler subit en premier lieu les conséquences d’une conjoncture socioéconomique difficile car devant toujours venir en aide à ses parents. Sans compter le fait que dans cette société, la respectabilité de l’individu est intrinsèquement liée à sa capacité de satisfaire les besoins de son environnement.
La fin du premier mandat du Président Wade a été caractérisée par une augmentation vertigineuse des denrées de première nécessité. Une situation qui certes est mondiale, mais qui se vie différemment selon les mesures prises par les  gouvernements pour amoindrir ses effets sur leurs peuples. Au Sénégal, le peuple a le sentiment d’être abandonné, délaissé et trahi par ceux en qui il a investi sa confiance. Les gouvernants s’éloignent de plus en plus de leur peuple et se refugient toujours derrière des facteurs exogènes tels que la cherté du baril de pétrole pour expliquer leur «impuissance» et donnent l’impression d’avoir d’autres préoccupations que celles du peuple. Au moment où bien des Sénégalais subissent la violence de la pauvreté, les gouvernants, eux, vivent dans un eldorado qui a fini par imprimer dans la conscience collective des Sénégalais qu’il existe deux Sénégal c’est-à-dire le Sénégal d’en haut et le Sénégal d’en bas.


C’est vrai que le pouvoir déshumanise, le pouvoir rend fou, le pouvoir corrompt. Ceux qui devraient avoir pour seule et unique ambition de satisfaire le plus grand bonheur du grand nombre ont profités de leur relation avec l’Etat pour s’enrichir d’une manière insolente et ce, en un temps record. Le peuple fortement sensible à cet état de fait est envahi par le sentiment de «xonet».  L’expression  «xonet» qui a une double signification à savoir la pauvreté et la colère est très significative. Dit autrement, les populations, généralement, frappées par la violence de la pauvreté sont de manière permanente et latente en colère. Comme le disent les anglais «a hungry mop is a hangry mop» (un peuple affamé est un peuple en colère).
Les manifestations violentes de la marche des marchands ambulants, de la manifestation dite l’«émeute» de la faim, des violences constatées suite aux inondations, au délestage de la Senelec, à l’élimination des Lions du football, aux accidents ayant causés mort d’homme à Keur Mbaye Fall et de la marche des Imams de Guédiawaye sont de belles illustrations de ce «xonet». Toutes ces manifestations violentes ont en toile de fonds les conditions difficiles dans lesquelles vit le plus grand nombre des Sénégalais, notamment sa jeunesse. A cela s’ajoute l’érection du mensonge d’Etat en mode de gouvernance du genre «un bateau est en route avec x tonnes de gaz butane donc dés le début de la semaine prochaine le marché sera suffisamment approvisionné en gaz», «dés le mois prochain le problème de l’électricité sera complètement résolu». A cela s’ajoutent la calomnie, le mensonge et la médisance de certains «responsables» contre tous ceux qui osent faire une analyse objective fondée sur le verdict des faits.
Etant certainement conscient que la banlieue est devenue un véritable volcan social susceptible de s’exploser à tout moment, le président de la République décide de mettre en application la théorie selon laquelle «les peuples vivent de l’espoir». Ainsi, il crée l’Ofejban en décembre 2008 dans le but, dit-on, de venir à bout du problème de l’emploi des jeunes dans la banlieue. Une grosse farce. Dans le site de l’Ofejban, il n’y a aucune offre d’emploi publiée. Le seul mérite de la création de l’Ofejban et de la volonté des plus hautes autorités du pays de réunifier le Fnpj et l’Anej est la reconnaissance implicite de l’échec patent de ces deux agences de la mission que le Président Wade leur avait confiée.
Ces «responsables» à la tête de ces structures d’emploi des jeunes qui ont fini de montrer tout leur talent de manipulateurs de chiffres et d’escrocs intellectuels présentent au besoin des chiffres contrastant profondément avec le verdict des faits marqué par un chômage endémique. Pour justifier leurs limites, ils leur plaisent d’évoquer le manque de formation des jeunes, précisément ceux de la banlieue. Cet argument dégradant et insultant à l’endroit de nous autres, jeunesse de la banlieue n’étant pas moins diplômés qu’eux (diplôme universitaire et professionnel confondus) met à jour leur incompétence et leur immoralité notoires. Le taux de chômage élevé en banlieue prouve le paradoxe de l’intérêt que portent les autorités à cette localité.
Mais, les jeunes, généralement, plus que jamais déterminés à changer leur statut social développent leurs propres stratégies de réussite sociale. Si certains se refugient, malheureusement, derrière la drogue et la prostitution pour sortir de leur désarroi, le plus grand nombre se livre à l’émigration (devenue de plus en plus une utopie), l’informel et le sport, notamment la lutte. Ainsi, ces derniers nourrissent l’espoir de savourer un jour l’accès à l’emploi et de ne plus célébrer les 365 jours de l’année à l’instar du 1er mai.
Adama SADIO ADO, Sociologue-politologu Mouhamed FALL Economiste Cheikhou DRAME Etudiant Initiative pour la sécurité et l’émergence de Guédiawaye (Iseg) [email protected]

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