Ayant été moi même requis par l’autorité judiciaire pour effectuer des prélèvements sanguins en vue de déterminer l’alcoolémie d’un conducteur présumé en état alcoolique, j’apporte ma modeste contribution sur l’affaire qui défraie la chronique actuellement au Sénégal.
Pour rapporter la preuve d’une infraction et l’implication de la personne poursuivie, les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) vont, sur autorisation ou sous contrôle du Procureur de la République, procéder à un certain nombre d’investigations et peuvent être amenés à requérir le concours des médecins.
Le terme « réquisition » et le caractère contraignant qu’il suppose est souvent source de confusion pour certains médecins .
C’est pourquoi les médecins doivent connaître la conduite à tenir face à une réquisition de l’autorité judiciaire, dans le cadre de leur activité professionnelle.
PROCÉDURE DEVANT UN DÉPISTAGE POSITIF OU UN ÉTAT D’IVRESSE MANIFESTE :
Le présumé contrevenant après un dépistage à l’ethylotest positif doit être amené immédiatement à l’hôpital et l’Officier de Police Judiciaire en charge de l’affaire doit requérir un médecin pour qu’il effectue deux prélèvements sanguins en vue de leur analyse par un laboratoire agréé afin d’établir si le conducteur était ou non en infraction.
Le médecin requis accepte sa mission et prélève les échantillons de sang demandés suivant des règles techniques strictes (pas d’utilisation de désinfectants contenant de l’alcool notamment +++).
Il est très très important de préciser que le médecin doit PRÊTER SERMENT PAR ÉCRIT s’il n’est pas inscrit sur la liste nationale des experts dressée par la Cour de Cassation ou sur sur la liste dressée par la Cour d’Appel.
Pour cela le médecin doit cocher la case présente sur le formulaire de réquisition au terme de laquelle il est indiqué: « Accepte la mission et prête serment d’apporter son concours à la justice en son honneur et conscience ».
Ce détail est très important sous peine de nullité de la procédure au Tribunal +++
En effet en cas d’omission de cette disposition réglementaire, le Tribunal peut prononcer l’annulation des prélèvements sanguins réalisés ainsi que celle de l’intégralité des autres actes réalisés postérieurement dont l’analyse de l’échantillon de sang par le laboratoire.
Par ailleurs le code de la santé publique précise que le sang prélevé doit être réparti entre deux échantillons étiquetés et scellés par l’officier ou l’agent de la police judiciaire.
Parmi les vices de procédure qui peuvent affecter la mesure de l’alcoolémie par analyse sanguine on distingue notamment :
– le défaut d’analyse du second flacon
– l’absence ou la perte du second flacon
– l’absence de notification du taux au prévenu
– l’absence de précision de la méthode retenue
– ou encore les résultats non signés par le second biologiste expert
CONDUITE À TENIR FACE À UNE RÉQUISITION JUDICIAIRE !
1- Réquisition pour examens techniques ou scientifiques (garde à vue) :
S’il y a lieu de procéder à des constations ou à des examens techniques ou scientifiques qui ne peuvent être différés, l’OPJ a recours à toutes personnes qualifiées .
Dans ce cadre , il est fréquent que les médecins soient requis pour un examen de garde à vue, ou pour une prise de sang dans le but de vérifier l’alcoolémie d’un conducteur en cas d’accident de la route, ou pour un examen du corps d’une personne décédée , etc …..
Sous peine d’amende, le médecin est tenu de déférer à cette réquisition et remet alors son rapport à l’autorité requérante.
Il peut néanmoins récuser son concours en cas d’inaptitude physique, technique ou lorsqu’il est le médecin traitant de la personne à examiner.
Le certificat rédigé, après examen, ne doit faire état que des conclusions.
Par exemple : « l’état de santé est compatible (ou non) avec la garde à vue ; il y a lieu (ou non) de poursuivre un traitement médical pendant celle-ci, de procéder à de nouveaux examens ou à une hospitalisation…»
2- Réquisition pour témoignage (demande d’informations)
Dans ce cas, la réquisition aurait pour objet d’obtenir le témoignage du médecin sur des faits qu’il a connus au cours de son activité professionnelle et qui auraient trait à un patient pris en charge
( Ex : Date de consultation – Adresse du patient – Objet de la consultation – Nature du traitement– Etc….)
Le médecin ne peut qu’opposer le respect absolu du secret médical en réponse à cette réquisition, sans encourir de ce fait aucune sanction.
En effet, la réquisition n’a pas pour effet de le délier de son obligation de respect de ce secret professionnel et ce quelle que soit la nature du renseignement demandé ( « administratif « ou purement médical ) .
3- Réquisition pour remise de documents :
Pour obtenir ces documents dont le médecin est détenteur, et notamment le dossier médical d’un patient, les OPJ chargés d’une enquête doivent recourir à la procédure de saisie mise en œuvre dans les conditions habituelles.
C’est ainsi que la présence d’un Conseiller Ordinal requis est habituelle lors de ces saisies, et que les documents saisis sont le plus souvent mis sous scellés fermés.
Notons que les OPJ invoquent souvent les dispositions des articles 77-1-1 et 60-1 du Code de Procédure Pénale pour tenter d’obtenir des documents dont le médecin serait dépositaire, sans avoir à se plier à la procédure habituelle de saisie de ces documents.
Cela est tout à fait incompatible avec la conception traditionnelle du secret professionnel général et absolu en matière médicale .
Dans ces cas, le médecin doit donc refuser son accord à la remise des documents concernés, sans qu’aucune sanction ne puisse lui être infligée.
Voilà maintenant vous savez !
Le médecin et la présomption d’innocence d’un état alcoolique ! (Par Mamadou Mansour Diouf)
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