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Le Sénégal brûle-t-il ? (Par Thierno Monénembo)

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Ainsi, le procès tant redouté a eu lieu. Ainsi, le verdict de tous les dangers est tombé. Deux ans de prison ferme non plus pour viol ou pour menace de mort, comme formulé par l’acte d’accusation, mais pour « corruption de la jeunesse ». Corruption de la jeunesse : Du déjà-entendu du côté d’Athènes au temps où l’on forçait les philosophes à absorber une certaine liqueur ! Sonko condamné à la même peine que Socrate ! Une gratification, en quelque sorte, même si, à défaut de ciguë, il devra boire et jusqu’à la lie l’eau empoisonnée du troisième mandat.

Un verdict et des questions

Mais cela veut dire quoi exactement, corruption de la jeunesse ? Un journaliste du Soleil de Dakar a pris soin de traduire aux néophytes ce jargon des édiles et des greffiers : « Au Sénégal, cette infraction est rangée dans la section “attentats aux mœurs” prévue dans l’article 318 et suivant du Code pénal. Sera puni aux peines prévues au présent article quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe au-dessous de l’âge de 21 ans ou même occasionnellement des mineurs de 16 ans. » On a toujours du mal à distinguer corruption de la jeunesse et abus sexuel sur mineur, bien que l’explication soit claire, nette et précise. Que voulez-vous, nous sommes en Afrique ! Les éminents dirigeants qui sont les nôtres ne manqueront jamais de trouvailles juridiques pour noyer leurs opposants, tous porteurs de rage, bien entendu.

Dieu seul sait ce qui s’est réellement passé dans ce maudit salon de massage Sweat Beauty entre Ousmane Sonko et Adji Sarr. Mais les accusations contre les opposants africains sont si courantes et si répétitivement fallacieuses (cela va de la nationalité douteuse au trafic d’enfants !) qu’on a un mal fou à y croire. « Corruption de la jeunesse » ou pas, le très populaire président du Pastef aurait-il subi tous ces tracas s’il ne s’était pas porté candidat à la présidentielle de 2024 ? Il faut être diablement hypocrite pour l’affirmer.

La question de la candidature de Macky Sall en 2024

Plus d’une quarantaine de morts depuis cette sordide affaire de pommade et de fanfreluches (on a connu le débat politique et intellectuel sénégalais à des niveaux beaucoup plus aériens) ! La faute à qui ? À l’ambition égoïste et démesurée de quelques-uns ! La crise qui secoue le Sénégal est sans précédent et il convient d’en établir les responsabilités. Ne nous voilons pas la face, la cause de nos maux est unique du nord au sud du continent : la boulimie du pouvoir sans fin, du pouvoir sans partage. Le Sénégal n’en serait pas là si le président Macky Sall n’avait pas entretenu cette ambiguïté malsaine sur la maudite question du troisième mandat. Il n’y aurait eu ni morts, ni blessés, ni cette atmosphère irrespirable de menace de guerre civile si, dès le début, il avait exprimé son intention de partir à la fin de son mandat comme le dispose clairement la Constitution. Les règles, c’est pour tout le monde ; sinon, il n’y a pas de règle.

Société civile, intellectuels, prêtres et marabouts du Sénégal, pour parler comme Senghor, « l’heure est grave » ! Sortez du bois, sauvez le Sénégal pendant qu’il est temps ! Gardez l’exception sénégalaise, ce modèle de démocratie, de tolérance ethnique et religieuse, de paix et de stabilité, d’autant qu’à la grâce politique est venue s’ajouter, ces vingt dernières années, une croissance économique exceptionnelle !

Le Mali et le Burkina ont sombré. La Guinée est à l’agonie depuis des lustres. La Sierra Leone et le Liberia sont encore en salle de réanimation. La Côte d’Ivoire n’en a pas fini avec ses vieux démons… Sénégalais, ne faites pas comme nous ! Que va-t-il nous rester si vous brûlez votre bijou de pays ?

* 2017, grand prix de la francophonie pour l’ensemble de son œuvre ; 2013, grand prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour Le Terroriste noir ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et grand prix du roman métis pour Le Terroriste noir ; 2008, prix Renaudot pour Le Roi de Kahel ; 1986, grand prix littéraire d’Afrique noire ex aequo pour Les Écailles du ciel.

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