Législatives 2022 – couverture de la campagne: Pourquoi la presse perd du terrain au profit des réseaux sociaux?

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Les réseaux sociaux sont sur le point de supplanter les médias dans la couverture de la campagne électorale pour les législatives de 2022. Les candidats en lice ont semblé plus privilégier ces canaux de communication que ceux de la presse. Mais est-ce que ce choix se justifie par son accessibilité, sa viralité et son interaction seulement ? Si des experts pointent ces motifs, d’autres par contre parlent de la crédibilité de la presse qui se réduit comme peau de chagrin, mais surtout maintenant sa forte propension commerciale.

Le démarrage de la campagne pour les élections législatives du 31 juillet a coïncidé avec le jour de la Tabaski le dimanche 10 juillet. Cela n’empêche le rituel à la télévision nationale (RTS) a été respecté avec le passage des huit coalitions engagées dans la course. Comme s’ils s’étaient passés le mot, tous les têtes de listes et représentants de partis ont partagé leur déclaration sur la page Facebook et comptes sociaux de leurs coalitions respectives. Ils ne se contentent pas seulement de diffuser les éléments passés à la RTS, ce sont les meetings, les caravanes ou visites de proximité qui sont passés en live pour certains alors que d’autres préfèrent mettre simplement des images (photos et vidéos) de leur virée électorale. 
 
Cette nouvelle trouvaille des politiques se justifie de plusieurs façons. En effet, Mountaga Cissé, expert en nouveaux médias et formateur au Cesti est d’avis que «les réseaux sociaux sont plus accessibles et faciles à utiliser que l’on soit de l’opposition ou du pouvoir. Le fait pour eux de passer par les réseaux sociaux leur permet non seulement de dépenser moins, mais aussi de toucher un public qui n’utilise pas les médias classiques. Les réseaux sociaux permettent aux candidats d’être en contact direct avec leurs militants et potentiels électeurs. Ce que les plateformes hors ligne ne permettent pas du tout». 

La force du digital par rapport au média classique

Le patron de Digital24, par ailleurs chargé de la Communication de l’Association des Editeurs et Professionnels de la presse en ligne (APPEL) de préciser : «les candidats leaders de opposition en l’occurrence ceux de la Coalition Yewwi Askan Wi ne sont pas investis du point de vue de la loi électorale (Ils étaient investis sur la liste titulaire qui a été rejeté par le Conseil constitutionnel. Ils vont aux élections avec une liste suppléants, NDRL). N’ayant pas de la possibilité de bénéficier d’une prise de parole pendant le journal de la campagne sur la chaîne publique, ils ont trouvé une alternative en passant par les réseaux sociaux. Et puis qu’il n’y a pas de filtre, ni de restriction. C’est un créneau idéal pour eux de s’exprimer». Maintenant, a souligné Mountaga Cissé, en ce qui concerne les stratégies, il y en a plusieurs qui sont différentes en fonction du camp où l’on se retrouve. «Pour ce qui est de la Coalition Yewwi Askan Wi, la même qui a été adoptée en 2019 pour le candidat Ousmane Sonko lors de la présidentielle a été reconduite. C’est-à-dire diffuser en Live Facebook, toutes les manifestations de la coalition. Et cela avait porté ses fruits en 2019», a-t-il rappelé.

Ibrahima Diallo, journaliste et membre de la Cellule de communication du leader Ousmane Sonko livre la recette. Pour lui, c’est d’abord lié à la cible, à l’époque mais aussi à l’identité du candidat. «Ousmane Sonko est quelqu’un qui est très ouvert sur les réseaux sociaux. En plus, sa cible est particulièrement jeune. Ces gens sont sur Internet, ils y passent quasiment tout leur temps. Ainsi, notre leader peut directement communiquer avec eux à travers ces plateformes et même interagir. La preuve, à travers les commentaires, il y a des échanges et cela contribue à fidéliser et renforcer les liens entre le parti, les militants et sympathisants», a souligné Ibrahima Diallo. Il se dit convaincu que «ce sont des paramètres très importants à prendre en compte. «En plus, Pastef est un parti qui est beaucoup soutenu par la Diaspora. Donc c’est tout à fait normal qu’ils soient tous informés en temps réel des activités de Ousmane Sonko», a-t-il expliqué.
 
Par ailleurs Ibrahima Diallo semble déjà disqualifié les médias classiques. «Un live Facebook touche beaucoup plus de monde que tout autre medium. La radio a des fréquences limitées, la télé, cela dépend des bouquets dont disposent les gens et de leur habitude de consommation de l’information. Or, internet c’est partout du moment où tu as la connexion. C’est plus par rapport à ce choix que nous faisons des lives», a argumenté le journaliste et membre du parti Pastef. 

De la crise économique au déficit de confiance et de crédibilité

Le journaliste et spécialiste des médias, Adama Sow, par ailleurs Directeur de la Communication de la Commission de Protection des données à caractère personnel (CDP) situe le problème ailleurs. «Le journalisme est globalement en crise». 
 
La situation de la presse sénégalaise est inquiétante. Adama Sow a cité par exemple, le président de l’Association des Editeurs et Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL), Ibrahima Lissa Faye, qui a toujours tiré la sonnette d’alarme sans être écouté ni entendu. «Ibrahima Lissa Faye en parle très souvent mais personne ne l’écoute. La presse sénégalaise est en mode de survie. Aujourd’hui, il n’y a pas un patron de presse qui dort à cause des charges et la perte en termes de revenus».

Au Sénégal, la situation est très compliquée aujourd’hui du fait de la crise structurelle mais aussi de la forte concurrence entre médias et réseaux sociaux du point de vue de la collecte et de la diffusion de l’information». Il pointe du doigt la précarité dans le milieu de la presse qui favorise, selon lui, la facilité et le laxisme noté dans une grande partie des rédactions du pays. Adama Sow est catégorique : «Le journaliste n’a plus le monopole de l’information, il le lui a été arraché et déchiré par les réseaux sociaux qui d’ailleurs sont devenus une principale source d’information».

Etude croisée des stratégies de YAW/BBY 

A côté de la crise économique, il y a un déficit de confiance entre les hommes politiques, les populations et les médias. La crédibilité de la presse est mise à rude épreuve. D’ailleurs, a rappelé le spécialiste des médias, «depuis la sortie du premier livre de Sonko, il l’avait dit lors de son déplacement à Paris, que les médias classiques font partie du système et donc du problème. Pastef a su les contourner en mettant en place ce qu’on appelle les médias alternatifs. A tel point qu’aujourd’hui, Sonko peut se passer des médias classiques. Il n’a pas besoin d’eux pour exister ni pour faire passer sa communication. Jotna TV et les médias qui lui sont favorables sont d’une efficacité redoutable qu’on le veuille ou non. C’est cela la nouvelle configuration des médias au tour de la politique au Sénégal».
 
L’expert en nouveau médias et formateur au Cesti est revenu sur la stratégie de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar. «Ils ont privilégié un canal direct. C’est-à-dire publier des photos bien sélectionnées et les afficher après une activité. Ou bien faire de petits montages de capsules vidéos qui vont être diffusées sur les réseaux sociaux», a-t-il constaté. Par contre, a ajouté Mountaga Cissé, «ce que je n’ai pas constaté qui est quand même une bonne stratégie, mais qu’aucun candidat n’a utilisé, c’est de faire des formats spécifiques par réseau social. Par exemple, en France que cela soit la présidentielle ou les dernières élections législatives, certains candidats ont utilisé des formats de contenus multimédia adaptés pour chaque plateforme. Des contenus Tik tok, Facebook, Instagram alors que ici on prend juste les contenus pour toutes sortes de plateforme ou tout ce qui est média classique. Et c’est ce contenu qui est diffusé un peu partout et malheureusement cela ne donne pas les fruits escomptés». 

2 Commentaires

  1. Tres beau article, bien ecrit et les personnes interrogees ont faites des anyles pertinentes et veridiques. La presse classique senegalaise est en train de jouer a sa perte. Elle s’est decredibilisee a force de chercher l’argent et de se vendre au plus offrant donc au regime de macky sall. J’en veux pour preuve ma propre experience. J’ai eu la chance de passer 4 mois au senegal en 2014 pour des conges de paternites. Je m’etais fait un programme matinal apres le petit dejeuner d’aller a 500 metres chez le vendeur de journeaux pour acheter 3 a 4 journeaux quotidiens pour occuper une partie de mon temps. Il y’avait a vrai dire une qualite acceptable du contenu des journeaux. 7 ans apres je suis retourne au senegal dans le meme coin avec la meme envie de reproduire mon programme. J’y suis alle juste une journee et ma deception a ete tellement grande. Il n’ y avait aucune qualite dans le contenu de l’information juste de la propagande ou du denigrement d’un ou d’hommes politiques en fonction de la couleur de l’argent recu. La presse classique senegalaise s’est fortement bipolarisee avec un gourmandise aveugle du cote du pouvoir de maxky sall. Ce pouvoir qui ne s’est plus contente de la RTS mais a fortement puise chez ses associes dans la presse qu’on a pas besoin de citer ici. Une certaine presse pour vivre aujourd’hui a inventer le Plubi-Reportage qui est juste une forme de publicite vendue au plus offrant. Donc on est plus dans le journslisme, ni dans l’ethique et la deontologue mais dans le clienteliame voire la prostitution journalistique.

  2. S’agissant de l’utilisation des reseaux sociaux dans le monde politique senegalais, force est de constater que ousmane sonko y a ete ce que mohamet ndaw tyson a ete pour la lutte senegalais. Il en a fait une revolution strategique. Sonko pour faire juste une analyse simple, avant d’entrer dans la politique, il a extraordinairement etudie le senegal dans tous ses aspects en particulier ses plaies beantes qu’on peut resumer par un mot le systeme. S’achant qu’il n’a pas fait de carriere politique a la senegalaise qui puisse lui rapporter une grosse assise financiere (en reference a la premiere question que la journaliste de TV5 lui a pose en 2018 lors de son passage sur cette chaine), il savait tres bien que la presse senegalaise ne l’offrirait aucune possibilite d’expension mediatique alors il a, des son entree en politique utilise les mediats dits alternatifs pour se faire connaitre des senegalais, faire passer son discours et son parcours personnel, eveiller les consciences des senegalais, leurs dire les maguoiilles et comment les regimes succesifs leurs mentent et les vols ect. En son temps en 2018 les gens du pouvoir et du systeme disaient que c’etait juste un candidat des reseaux soxiaux et que pour exister en politique au senegal, il faut faire comme un certain macky sall, sillonner et rentrer dans toute les cases du senegal pour distiller son discours. Aujourd’hui, ce sont ces memes politicards a l’ancienne qui veulent le trouver sur les reseaux sociaux mais ils sont tres en retard, car d’une part ils sont incompatibile au monde jeune des reseaux sociaux mais plus encore, les scandales politiques, financiers et fonciers qu’ils commettent au jour le jour ne leurs permettent pas de sortir toutes leurs tetes dehors au risque de se faire sabrer la tete. Meme macky sall fait aujourd’hui du jokko ak macky mais ca ne pogne pas, la maillonnaise ne prend pas, safoul soukeur, safoul khorom.

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