L’enfer des courtiers d’affaires: Aïda Ndiongue, Aïdara Sylla, Abdou Mangane…

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Courtier d’affaires ! Une profession très libérale, peu connue, rentable mais risquée. Par le truchement de plusieurs scandales qui portent les noms d’Aïdara Sylla, Abdou Mangane et plus récemment Aïda Ndiongue, les courtiers Vip sortent de l’ombre. Et de quelle manière… Face visible d’appareils financiers complexes, ces personnes rompues aux tâches obscures, ne sont pas que négatives pour l’économie; l’argent n’aimant pas toujours le bruit…

Les Sénégalais gardent en mémoire des  »anecdotes croustillantes » sur ces hommes qui jouent des rôles d’intermédiaire entre des chefs d’État voire de personnalités influentes et d’autres hommes d’affaires.

On se souvient de Robert Bourgi, ce Libano-sénégalais, présenté comme un pilier de la Françafrique. Dans des confidences comme lui seul sait en faire, l’ex-bras droit de Nicolas Sarkozy raconte comment il a su opé- rer pendant 25 ans, dans la plus grande discrétion :  »Les remises de valises n’ont jamais cessé. …. Je devais me présenter à l’Élysée sous le nom de “M. Chambertin”, une des trouvailles de Dominique De Villepin. Pas question de laisser de traces de mon nom. Par mon intermédiaire, et dans son bureau, cinq chefs d’État africains – Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Denis Sassou-Nguesso (Congo- Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo Ondimba (Gabon) – ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002.”

Robert Bourgi a souligné avoir agi pour le compte de l’ancien président français Jacques Chirac et par la suite, pour le Premier ministre Dominique de Villepin. Mais cet homme de l’ombre n’a sans doute pas fait ces confidences par hasard, parce que la France voulait en réalité changer de posture pour passer d’un système trop visible à un autre plus souterrain et plus efficace ; sans les fameuses mallettes bien sûr.

Un métier dangereux !

Ce système de transfert de fonds entre chefs d’Etats français et africains, bien qu’illégal, a fait tache d’huile un peu partout dans le monde. L’exemple de la Tunisie est encore frais dans les mémoires avec la Caverne d’Ali Baba…qui illustre jusqu’à quel point les chefs d’Etat africains pouvaient s’enrichir…en enrichissant en même temps une race d’hommes qui se gaussent des titres de courtiers d’affaires, mules ou porteurs de mallettes.

Leur particularité : ils sont des hommes (rarement des femmes) à multiples casquettes. On les rencontre sur l’axe qui mène souvent au Moyen Orient, surtout à Dubaï, en France dans sa partie la plus trouble, à Monaco, place financière peu contrôlée, partout où l’argent circule sans être trop contrôlé. Le Sénégal n’est pas un îlot dans le monde. Aïdara Sylla, Aïda Ndiongue, Abdou Mangane, Chérif Sène, etc. ne sont ainsi que la face visible de ces grands réseaux d’intermédiation qui essaiment de plus en plus dans le pays.

Beaucoup de banquiers,  »experts financiers », etc., sont du système. Nom de code : discrétion. Un des traits caractéristiques de ces hommes d’affaires : ils sont au-dessus de tout soupçon. Ils sont des entrepreneurs, des hommes et femmes d’affaires, des industriels, des commerçants, des députés… »Ce sont des personnes qui ont l’habitude de brasser des milliards. Ils sont généralement discrets. Jusqu’au jour où de l’argent disparaît dans le circuit…Ou qu’un problème survienne”, ose un interlocuteur.

De part et d’autre, il est indiqué que  »c’est un métier très dangereux. Ces  »mules » ou courtiers d’affaires sont prêts à risquer leur vie pour empocher une manne financière subséquente. On peut leur donner jusqu’à des sommes très importantes, des centaines de millions pour des opérations qu’ils effectuent à leurs risques et périls. Le glaive de la justice est une menace omniprésente.

Porteur de valise…petit calibre

Exemple illustratif, c’est bien ce scandale qui a secoué en 2006 le pays avec ce dossier lié à la magistrate Aminata Mbaye. Si du point de vue des sommes engagées, cela ne pèse pas lourd relativement à la balance à milliards qui mesure désormais toutes les affaires, l’avocate générale près la Cour de cassation, Aminata Mbaye, une personnalité judiciaire connue au moment des faits, avait été citée dans une histoire de corruption qui met en jeu Rawane Fall, un porteur d’une valise contenant 15 millions de francs CFA.

Si cette histoire a eu à secouer la magistrature, c’est parce qu’il est reproché à la dame d’avoir empoché cet argent destiné à d’autres magistrats qui devaient être soudoyés. Aminata Mbaye aurait déclaré aux enquêteurs qu’elle l’aurait gardé en lieu sûr pour, dit-elle,  »protéger les jeunes magistrats visés dans l’opération de corruption », mais cela n’avait pas convaincu. Entre courtiers, intermédiaires et autres acteurs de l’ombre, l’affaire avait fait grand bruit et des sanctions avaient été prises… Aujourd’hui, l’on reconnaît bien que certaines personnes citées dans cette affaire n’avaient rien à y faire… La pauvre dame, un temps signalée au Canada, a ensuite été située vers Lomé, au Togo.

Courtiers en assurances ou faiseurs de fortune ?

Le cas de Chérif Sène est plus intéressant. L’homme qui s’était reconverti dans les affaires à travers la société Massa international, une société de courtage et d’assurance, a fini par atterrir à la Maison d’arrêt et de correction (MAC) de Rebeuss. Ses problèmes sont liés à une affaire de primes au sein de la Société africaine de raffinage (SAR), aux allures de manœuvres frauduleuses d’une valeur de 1,2 milliard de francs Cfa. Il a fini par porter préjudice au personnel de la boîte.  »Sous prétexte qu’il remboursait l’assurance maladie à certains cadres, le directeur général de Massa International, Chérif Sène, est accusé d’avoir fait procéder à d’importants virements de montants dans leur compte. »

Il a fallu que la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) se saisisse du dossier pour que soit mis à nu un “faux placement pour dissimuler des fonds d’origine illicite”. Selon les informations sur la toile,  »pour une première fois, un chiffre exact est avancé pour indiquer le montant astronomique du préjudice subi par la Sar : six milliards de francs CFA. L’examen de la fiche technique a conduit la CENTIF à déceler cinq faits troublants ».

Le Directeur général de la SAR au moment des faits, Carmelo Sagna, à l’époque soupçonné d’avoir couvert l’opération, est aujourd’hui inculpé dans le cadre d’une autre procédure par le juge d’instruction du premier cabinet. Ironie du sort… Où de l’histoire.

Affaires Abou Mangane et Aïdara Sylla

Plus récentes, les affaires Abdou Mangane et Aïdara Sylla continuent à faire couler de l’encre. Ils ont permis de tirer le rideau sur des opérations de blanchiment d’argent qui impliqueraient l’ancien chef d’Etat sénégalais, Me Abdoulaye Wade. Arrêté à l’aéroport international de Dakar en possession de chèques et autres titres pour 6 millions de dollars US soit plus de 2,5 milliards de francs CFA, Aïdara Sylla a affirmé être en mission pour le compte de Me Abdoulaye Wade. Inculpé et placé sous mandat de dépôt, il encourt des peines allant de 6 mois à 5 ans et le remboursement au quintuple de la somme visée si le délit d’infraction à la législation sur les changes est établi. Tout proche de Me Wade qu’il fut, Aïdara Sylla était pourtant inconnu du bataillon.

Idem pour Abdou Mangane, véritable homme de l’ombre. Ce dernier qui a été rendu célèbre par la plainte déposée contre lui par Me Wade était chargé lui aussi de  »récupérer quelque 2,5 milliards de francs CFA planqués à la Maschreg Bank de Dubaï. C’est ainsi que l’ex-ministre Ngoné Ndoye recommande à Me Wade Abdou Mangane, très fréquent sur l’axe Maroc-Dubaï. L’ex-président remet à sa nouvelle « mule » un chèque au montant égal à ceux saisis sur Aïdara Sylla: 2,5 milliards de francs CFA. Abdou Mangane ayant pour mission de lui porter la somme. Mais, une fois en possession de l’argent, le marabout et homme d’affaires roule dans la farine l’ancien président de la République. Il fait main basse sur une partie des milliards en se convaincant que Me Wade n’oserait ébruiter cette affaire. » Calcul bien raté…

Nouvelles banques et cabinets d’expertise sur la sellette !

Par ailleurs, si les courtiers d’affaires investissent de plus en plus ce secteur, c’est en partie dû au fait que les pays du G20 ont marqué au fer rouge les paradis fiscaux avec une collaboration annoncée de la Suisse. Ces hommes d’affaires, voyant leur marge de manœuvre réduite, essaient d’explorer d’autres pistes. Même si les pays du G20 n’ont pas encore atteint leurs objectifs, ils sont parvenus à inquiéter ceux qu’ils qualifient de délinquants à col blanc et qui souvent se retrouvent dans leur pays. Ces derniers contournent aujourd’hui les traditionnelles banques ou autres paradis fiscaux au profit des niches secrètes ou autres canaux….

Ce qui pousse certains observateurs avertis à demander aux autorités compétentes de porter un regard critique sur les banques africaines qui s’ouvrent de plus en plus dans notre pays de même qu’aux banques sénégalaises implantées dans des pays limitrophes.  »Elles ne font qu’encourager le blanchiment d’argent. Il s’y ajoute que  »ces hors-la-loi ont toujours des complices au niveau de ces banques et des cabinets d’expertise… » Comme quoi, beaucoup sont sur la sellette….

 »Il faut s’attendre à une cascade de fuites ! »

Les affaires Aïda Ndiongue, Abdou Mangane, Aïdara Sylla n’ont pas encore fini de livrer leurs secrets. Seulement, il faut s’attendre à des retournements de situation.  »Beaucoup d’entrepreneurs et de banquiers à la retraite vont fuir le pays. Ils sont les complices de ces courtiers d’affaires. Ils sont leurs conseillers et ce sont eux qui les aident à planquer leur argent dans ces nouvelles catégories de banques. Il faut surveiller leurs comptes bancaires”, nous souffle un homme du milieu. Pour cet homme avisé, comme pour d’autres, il y a lieu de remonter la traçabilité des deniers publics, même si d’autres estiment qu’il n’y a plus lieu de s’inquiéter.

Cette plaie qui gangrène les économies africaines n’aurait plus de beaux jours devant lui. Les courtiers d’affaires n’ont plus les coudées franches à cause des technologies de l’information et de la communication (TIC), mais aussi à cause du renforcement du dispositif institutionnel du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent (GIABA) qui travaillent en étroite collaboration avec la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). Il s’y ajoute que la traque des biens mal acquis a contribué à décourager cette pratique qui risque de plomber l’économie nationale.

D’ailleurs les derniers rapports de la Centif sont à ce titre illustratifs. Dans son rapport de 2011, elle avait enregistré 92 déclarations de soupçons pour un montant global de 38 milliards 500 millions de francs CFA. Ces déclarations de soupçons sont passées à 96 en 2012 avant de tendre vers la baisse en 2013 avec 66 déclarations de soupçons reçues et traitées par la CENTIF. Toujours est-il que 8 seulement ont fait l’objet de transmission au Procureur et deux ont fait l’objet de procédures judiciaires…

Par EnQuête

2 Commentaires

  1. La fabrique de milliardaires
    Il y a une chose (un bien) que nos haineux de politiciens et plumitifs sont entrain de détruire par leur ignorance. C’est particulièrement Dansokho et Maudit Niang qui se sont faits les porteurs du slogan : « Wade a avoué avoir fabriqué des milliardaires ». Ce qui sous entend que tous ceux qui ont été avec lui n’ont plus aucun argument de défense.
    Prenons le récent voyage de Macky aux Emirats. On a souligné et surligné, pour s’en vanter, que des privés sénégalais ont été du voyage. Ces privés y sont pour rencontrer des privés émiratis, pour nouer des relations d’affaire, signer des contrats. Macky a-t-il emmené avec lui tous les privés sénégalais ? Ces privés ont-ils payé leur voyage, leur séjour ? Pourquoi les privilèges pour ce privé-ci et pas pour ce privé là ? N’importe quel sénégalais sait que lorsque vous trouvez un marché à millions ou à milliards pour un entrepreneur, quelque mauvais fair-play qu’il soit, il pensera à un petit cadeau à vous offrir. Parce que vous lui avez trouvé une opportunité de millions ou de milliards. Macky offre donc une opportunité de milliards à des sénégalais sélectionnés au détriment de d’autres. Et ce sont ceux qui ne sont pas sélectionnés qui paient les voyages et séjours des sélectionnés. Si des privés sénégalais reviennent de ces voyages avec des contrats qui leur feront gagner des milliards, Macky a fabriqué des milliardaires. Bravo !
    Lorsque Macky Sall signe un accord de concession de licences de prospection de pétrole du Sénégal, par cette signature, il fait de son frère un milliardaire. Si quelqu’un nie cela, c’est qu’il ne comprend rien au monde des affaires, des banques et des finances. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’un contrat signé c’est un document bancaire, c’est une valeur, aux yeux de la banque. Lorsque vous êtes une personne physique ou morale, et que vous présentez à une banque un contrat signé, la banque ne fait que vérifier la solvabilité du signataire. Dans ce cas-ci le signataire c’est l’état du Sénégal, donc solvable. Après le contrat, la banque a besoin d’un engagement du signataire pour virement irrévocable. Autrement dit, tout ce que vous gagnerez par ce contrat et d’autres sera versé à la banque. Munie de ces deux documents la banque peut mettre à votre disposition, tout de suite, 50, 70 ou 80% de la valeur du contrat. Si Macky signe un contrat à son frère, si ce contrat vaut 10 milliards, le frère peut avoir tout, de suite de la banque, 8 milliards. Ce n’est là que les règles élémentaires de fonctionnement des banques. En signant donc un contrat à son frère, Macky en fait un milliardaire potentiel. Macky a fabriqué un milliardaire.
    Senghor avait signé la session des terres de Richard Toll à Mimran contre le franc symbolique (Fiftine). Senghor avait, alors, fabriqué ou renforcé un milliardaire.
    Abdou Diouf avait signé un accord à Aliou Ardo Sow : Transfert du Golf club de Mme Elisabeth au site du Technopole actuel, sa viabilisation pour du golf de week End contre l’appropriation de tout le périmètre du Golf pour y ériger des immeuble. Il est aisé de comprendre que la dépense pour un parcours de golf au Technopole ne fait pas le centième de la valeur des terres du Golf. Abdou a fabriqué ou renforcer un milliardaire. Après cela Aliou peut lancer son fils Yérim. Et cela donne : « Yérim Sow va investir 10 milliards dans l’hôtellerie au Bénin ». Propriétés d’un sénégalais au Bénin. Bravo Abdou !
    Abdou Diouf avait signé une cession qui donnait au groupe Sud un terrain de plus d’un milliard à Dakar. Il suffit de comprendre que ce document signé par Diouf, déposé en hypothèque à la banque donne droit à au moins 80% d’un milliard. Par sa signature, Diouf avait fabriqué un milliardaire en la personne de Babacar Touré.
    Je ne trouve pas de reproche à faire à Diouf ou Senghor dans ces cas-ci. Mes reproches, je les fais au groupe Sud pour vouloir cacher au monde la vérité et tenter de faire croire que leur action s’inscrit uniquement dans l’amour pour la vérité et rien que ça. Mes reproches à Macky ne seront que pour avoir privilégié les Faye-Sall Gassama-Timbo. Mais en réalité, c’est le même type de fabrique de milliardaires qui se déroule partout dans le monde, et depuis toujours.
    Nous allons prendre quelques exemples pour faire le tour du monde des fabriques de milliardaires. Et, au finish, nous allons expliquer pourquoi ces milliardaires. Vous comprendrez que vos Maudit Niang ne savent rien.

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